20160308

Editorial


In or Out, in and out ; in oder aus, in und aus ; dedans-dehors ?

Sont-ce vraiment les bons termes du débat après l’évitement du Grexit et l’engagement dans le Brexit ? Un lent effilochage, sans doute, dans un paysage idéologique qui conjugue les termes déclin, identité et guerre (civile), mais de quoi finalement ? De l’UE ou de l’Europe, ce n’est tout de même pas la même chose ! Surtout, il nous replace devant une multitude de projets différents qui n’ont manifestement pas été choisis : des Etats-Unis d’Europe, une fédération, une confédération, un gouvernement intégré, ... Pour autant, quel que soit le choix, il manque à toutes ces options une clarification, rendant possible un dépassement de la question de la souveraineté des États. Certes, l'Europe est un territoire marqué par les rivalités et les conflits qui ont déchiré, à l'occasion de nombreuses guerres, les pays et les peuples. Unir l'Europe a, donc, été pendant plusieurs siècles un rêve afin d'installer une paix durable en Europe. Mais cela ne définit pas les relations entre cette Europe et les autres pays, cultures et histoires. Et si l’Europe doit se confiner à l’entre-soi d’une soi-disant identité rien n’a été gagné.

Évidemment, au centre de la réflexion présente se trouve le référendum du Brexit. Bonne occasions de soulever une grave question : celle du suffrage universel, sous forme de référendum ou non, dont on sait qu’elle est toujours surinvestie. Elle l’est, en France, dès la remise du pouvoir entre les mains du futur Napoléon III (Baudelaire renvoie alors à La Boétie : ils veulent la servitude) ; elle l’est encore plus après 1871 (Gobineau, Le Bon) ; elle fait casus belli entre George Sand (« un grand mépris, une sorte de haine douloureuse, une protestation que je vois grandir contre le suffrage universel ») et Gustave Flaubert (l’adage Vox populi, vox dei, est placé en tête du Dictionnaire des idées reçues). Le jeu des antagonismes se situe entre la démocratie constitutionnelle (croyons au résultat du suffrage), l’antidémocratisme (ils votent n’importe quoi par cet universel tapage), et l’aristocratie de l’intelligence (la compétence seule peut décider). Alors que l’on peut soit se retirer du suffrage – à l’exemple de Mallarmé en 1898 ou de Sartre en 1936, mais est-ce une solution ? - soit poser le problème de la démocratie autrement, et sans mépris. Et qu’on peut se demander surtout si ce ne sont pas les personnels politiques qui ne sont pas à la hauteur du référendum qu’ils provoquent.

Cela étant, il faut y revenir, quelle signification donner au terme Europe ? On sait que si le mot est très ancien – on le trouve chez Hérodote et déjà deux siècles auparavant chez un contemporain du poète Hésiode (VIIe siècle av. J.-C.) -, sa signification n’a été porteuse d’un sens culturel ou politique, ni chez les Grecs, ni chez les Romains. L’idée européenne, entendue cette fois comme projet de coopération politique, émerge à partir du haut Moyen-Âge, mais sous la forme de la chrétienté, imposée comme ciment, par l’Église, à cette surface géographique - le vocable Europa est fort peu utilisé, le mot christianitas s’imposant pour désigner les espaces où règne la chrétienté latine. Au XVIIIe siècle, à l’encontre de la version précédente, le mouvement des Lumières (Enlightenment, Aufklärung, Iluminismo…) pose sa marque sur une autre idée de l’Europe, avec un éclat tout particulier - le mot Europe se substitue alors à celui de christianitas pour désigner les habitants de cet ensemble géographique, et surtout, et voilà la part de l’autre, pour la distinguer du Nouveau Monde américain révélé par les Grandes Découvertes. Elle est à nouveau remaniée, notamment après le Congrès de Vienne, en 1815, après l’exacerbation des nationalismes à la fin du siècle suivant et les deux conflits mondiaux mais sous une forme que l’historien Krzysztof Pomian qualifie d’« unité par le projet ». Il prend soin de distinguer cette unification des précédentes : « les deux unifications, la religieuse et la juridique culturelle, ont en commun d’avoir été des effets secondaires ou […] des sous-produits de l’action des forces qui visaient d’autres objectifs. À cet égard, elles diffèrent du tout au tout de la troisième unification, principalement économique et juridique, car celle-ci depuis le lancement de la CECA […] se fait d’une façon réfléchie, selon des modalités programmées d’avance et acceptées à l’issue des négociations par les États concernés » (Le Débat n° 129, mars-avril 2004).

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Europa : Es ist erschreckend, wie schnell Gesellschaften abrutschen können


Eher als mit dem Islam oder die Flüchtlings sollten wir uns mit Europa auseinandersetzen : Woher es kommt, was es will, worauf es beruht, was es vermag, wo es versagt. Ist es möglich das Rechtspopulismus eine gesamteuropäische Bewegung wird. In Ungarn und Polen stellen diese Leute bereits die Regierung und schränken Freiheiten massive in. Hinter AfD und Pegida, vielleicht auch hinter dem Front National, stehen unter dem Vorwand der Volksnähe antidemokratische Kräfte. Sie wollen die bestehende Staatsform stürtzen. Sie wollen eine andere Art von Presse, wollent Einfluss auf die Spielpläne der Theater nehmen, vorschreiben, dass Klassikerinszenierungen einen « positiven Bezug zur Heimat fördern » sollen.
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20160307

Etat du monde 2017


Le monde est-il encore gouvernable ?

Christian Ruby
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Qui gouverne le monde ?

L’état du monde 2017


Bertrand Badie et Dominique Vidal (dir.)

Paris, La Découverte,

2016.





Pour ceux qui ne suivent et ne lisent pas (ou n’ont pas lu depuis longtemps) ces publications, rappelons que le titre générique « L’état du monde » (suivi de l’année de référence) constitue, pour les bibliophiles avides des séries qui manifestent l’air du temps, une collection d’ouvrages constamment remise en chantier (depuis 1981). Pour qui possède la collection complète, ce n’est plus seulement de l’état du monde qu’il est question, en chacune de ses années, mais d’une histoire inédite du monde lisible d’un ouvrage à l’autre, par un œil attentif.

Il n’en demeure pas moins que le volume actuellement publié a une spécificité plus nettement affirmée qu’auparavant. Il est uniment thématisé dans la première portion de l’ouvrage. Si L’état du monde, en général, est un livre qui s’intéresse aux grandes mutations politiques, économiques, sociales, diplomatiques, mais aussi technologiques ou environnementales, le volume de cette année se concentre sur les mécanismes du pouvoir dans le monde contemporain. Les auteurs, sous la direction de Bertrand Badie et Dominique Vidal, explorent cinq paramètres sensibles du système mondial : la tradition, le sacré et le religieux, l’État, l’économie et la mondialisation. Il faut entendre par ce choix que ces questions trouvent leur synthèse dans une interrogation majeure : si ce ne sont plus les occidentaux, les nations, des dictateurs ou un vaste complot mondial qui gouvernent le monde (la dictature technocratique de Bruxelles, etc.), alors qui ? La finance ? Les firmes multinationales ? Les réseaux ? Le « système » ? Le passage de la bipolarité de la Guerre froide à la multipolarité de la mondialisation est-il effectif ? Un acteur ou plusieurs ?

Évidemment, l’exercice n’est fructueux, en son dessein, que si on définit les notions mises en jeu. En l’occurrence, si on introduit une conception rationnelle des affaires humaines dans la volonté d’expliquer l’état du monde actuel. Les directeurs de l’ouvrage s’y attachent en tête de propos, mais chaque auteur tourne aussi autour de ce point. Qu’en est-il du pouvoir ? Le pouvoir sur […], le pouvoir de […] (y compris, de contraindre les dominés à se percevoir selon les catégories imposées par le pouvoir), autrement dit, l’action sur les actions ou les pensées d’un ou des autres, tel est le pouvoir (traduisant potentia, la force physique qui agit sur un corps, et potestas, le droit ou le pouvoir sur). Il est donc affaire de stratégie, d’exercice et de conflit. Dès lors, il convient aussi de se méfier de l’usage de ce terme, dans l’opinion ; le pouvoir y est toujours posé comme essence (LE pouvoir : entité ou nature), ou envisagé comme une relation extérieure mécanique (une force agissant du dehors) et comme une contrainte (impliquant aliénation) ou, dans la tradition marxiste, comme un effet d’autre chose (les luttes de classes). Reprendre la réflexion sur ce plan est une nécessité, car dans ces schémas plus ou moins anciens, on ne saisit pas le caractère productif du pouvoir, et sa capacité à s’actualiser dans des processus inédits.

Afin d’exposer les résultats des recherches synthétisées par les différents auteurs, ce volume s’articule à un sommaire classique dans la collection, néanmoins systématique et intérieur au problème traité : « Décryptages » – c’est dans cette section que les lieux de pouvoir sont mis au jour, qu’ils renvoient à des dominations ou à des adhésions consenties -, « État des lieux », « D’un continent à l’autre » (Etats-Unis, Russie, Proche-Orient, Iran, Chine, ...). Signalons encore les annexes statistiques indispensables, réalisées par Philippe Rekacewicz, et autres index desquels se dégage l’intention significative. Et surtout une rubrique tout à fait originale et pertinente : « Les livres de l’année », une exploration, accomplie par Pierre Grosser, de la bibliothèque indispensable dès lors que l’on souhaite prolonger une réflexion sur ce thème de l’état du monde 2017.

S’agissant donc d’entrer dans les problèmes et les lieux de pouvoir à examiner, il était nécessaire, nous l’avons dit, de faire un sort à la théorie du complot mondial auquel nous devrions l’état du monde. Nul besoin d’évoquer tout ce que chacun connaît sur ce plan (entre complots réels et complots fantasmés), la liste des accusés « traditionnels ». L’article de Dominique Vidal s’attache plutôt à analyser la logique de constitution d’une théorie du complot : entre défiance généralisée à l’égard de la classe politique et de la classe médiatique (ou de leur collusion) et déclin des grandes idéologies, le complotisme représente désormais une mode quasi universelle, reconnaît-il. Cette mode mélange l’occultation du réel, la diversion, la construction d’un ennemi, la création de boucs émissaires, l’incitation à la haine raciale ou religieuse. Mais la question demeure de savoir comment lutter contre ce complotisme, à la croisée de deux influences : un fond réactionnaire et une méfiance moderne vis-à-vis du pouvoir.

Le deuxième lieu de pouvoir : Familles, clans, tribus, bénéficie d’une exploration plus surprenante. Il faut certes entendre ici dans « famille », les liens du sang, mais comprendre que l’exploration de ces liens s’élargit aux effets sociaux des liens familiaux : triomphe des modèles dynastiques dans les postes de représentation (députés, maires, ...), successions familiales dans les entreprises, rivalités de phratries, etc. Autant de terrains sur lesquels il est aisé de constater que les féodalités locales ont encore le pas sur les bureaucraties rationnelles ou les formes méritocratiques de succession. On croit trop vite, montre l’auteur (Yves Schemeil) que les processus constitutionnels, les candidatures individuelles, les solidarités choisies ont remplacé les politiques accomplies en famille. Mythe vite démonté, d’autant que l’État n’est pas le seul affecté par le maintien des lignages traditionnels. Démonstration que l’on peut étendre aux lignages générationnels, ou aux lignages politiques par la figure du bienheureux disparu (de Gaulle, Mitterrand,...) : parentés fictives, parentés métaphoriques, mais efficaces !

Quant aux religions, il était nécessaire d’y référer, le pouvoir des religions n’ayant pas autant diminué que le processus de sécularisation le laissait entendre. À quoi s’ajoute que l’on a trop négligé l’emprise des religions sur les affaires temporelles, leurs modèles de coordination avec le politique, leurs degrés d’institutionnalisation et de cohésion interne. L’article de Delphine Alles en appelle ainsi à un recadrage des analyses, entreprises depuis les travaux de Émile Durkheim, sur ces phénomènes. Elle se focalise sur les pouvoirs de légitimation, de cohésion et de mobilisation des religions. Le religieux est un puissant ressort de pouvoir en ce qu’à la fois, il est un référent identitaire et le fondement d’appartenances collectives (surtout dans des États qui superposent identité nationale et identité religieuse, sans être nécessairement des États théocratiques). Et lorsque les autres appartenances s’affaiblissent, la religion devient le référent identitaire principal. Comment préserver la prééminence du politique, telle est la question posée en fin de parcours ?

Yves Déloye en vient alors à la question des États modernes. Elle est décisive non seulement au regard de la fonction de l’État dans l’organisation de la société (et le « monopole de la contrainte physique légitime », dit, on le sait, Max Weber), mais encore au regard de la contribution du pouvoir étatique à la genèse d’un ordre international – l’essor de l’État étant concomitant de cet ordre moderne, colonisateur et guerrier. Mais outre des considérations historique (nécessaires), l’auteur nous plonge dans la réalité du moment : et la dislocation des frontières internes et externes des États. Néanmoins, l’article ne pousse pas l’analyse du contemporain assez loi. La relève est prise alors par Robert Boyer, qui reprend cette question des mutations contemporaines à la lumière, cette fois, de l’économie : il en vient à relativiser le concept de « globalisation » face à la multitude de stratégies qui font de la mise en concurrence des territoires l’alpha et l’oméga des relations internationales. Après avoir rappelé que économie et politique ne cessent d’échanger leurs rôles, il s’attaque à la perspective de la « gouvernance mondiale » et à ses paradoxes. Question sur laquelle Dominique Plihon insiste, en examinant les transformations de l’économie monde (expression en usage de Fernand Braudel à Immanuel Wallerstein) : révolution des technologies, montée en puissance des pays émergents et dérèglements économiques et climatiques aidants. Ce qui ne va pas sans constater le déficit de la gouvernance mondiale face à ces deux dernières crises.

Cet ensemble de réflexions se termine alors par trois analyses : celle de la coercition dans les États (mondialisation de la répression d’un côté, lutte contre le terrorisme de l’autre) dont l’examen révèle qu’il faut sans doute mettre en question les critères wébériens de l’État ; celle de l’influence (le soft power) liée aux programmes des États à dimension internationale (culture, éducation, médias) ; et enfin la question des réseaux (nationaux et internationaux).

De quoi, alors, faut-il faire l’état des lieux ? D’abord, et à juste titre, du pouvoir mâle, celui qui discrimine sans cesse, encore ?, les humains entre eux, même si, remarque l’auteur, Jules Falquet, il faut introduire des complexités dans l’analyse en question : dans le domaine de l’accès au travail, certaines femmes blanches sont mieux placées que certains hommes (prolétaires et « arabes »). Encore les enquêtes montrent-elles que les sondés reconnaissent l’existence du machisme ; et un décompte du nombre de femmes ayant participé à ce volume laisse rêveur ! Ensuite, les infrastructures, dans leurs rapports aux énergies (domination jusqu’à présent du pétrole et des industries afférentes), au transport (et on connaît le conflit entre voies ferrées, routières, informatiques) (Pierre Thorez). La question de la dette fait l’objet d’un article important (Damien Millet et Eric Toussaint) dans la mesure où il insiste sur le rapport entre la réalité et le fantasme de la dette, de son poids, de son impact (conditionnement afin d’accepter des mesures drastiques, comment distinguer dette légitime et illégitime ?, etc.). Viennent ensuite : le pouvoir des multinationales, des managers d’opinion, des capitales dans la géographie des États (ou Bruxelles, haut lieu des influences, dans la géographie de l’Europe, quoique Strasbourg en soit la capitale officielle), la sociabilité des élites et le rôle des mafias. Chacun de ces chapitres donne l’occasion d’une synthèse des connaissances acquises (avec bibliographie minimale en fin d’article) et oriente le commentaire en fonction du thème général du volume.

Le lecteur peut alors entrer dans le troisième cercle de ces exposés, celui qui est consacré aux continents, à la distribution des pouvoirs d’un continent à l’autre, voire entre des continents. Chacun choisira alors de s’intéresser à telle partie du monde ou à la totalité des articles, selon ses convenances.

Au total, le lecteur dispose, avec ce volume, d’un instrument de réflexion et de travail absolument décisif. Il donne l’occasion d’une synthèse par sujet en fonction des auteurs des chroniques, mais aussi l’occasion d’une synthèse personnelle au lecteur qui voudrait le parcourir entièrement. Sinon, chacun peut aussi morceler sa lecture en piochant telle ou telle considération selon ses impératifs.







20160306

Passeurs


Retour sur les passeurs culturels
Christian Ruby*
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La conception d’une histoire politique, de quelque pays que ce soit, dans laquelle les protagonistes locaux ne sont convoqués qu’au titre de figurants muets dans le tableau vivant du cheminement de l’Europe vers la modernité capitaliste ne saurait survivre que dans quelques esprits particulièrement troublés par des flux mondiaux mal compris. Cette conception passe aussi sous silence la question des agents des « situations de contact » au profit des Grands Récits occidentaux réifiant les cultures. L’audition des propos de Sanjay Subrahmanyam oblige à rectifier de larges pans de notre pensée.

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Sanjay Subrahmanyam speaks a handful of languages and lives both in France, where he is Chair of early Modern History at the Collège de France, and the United States, where he is a professor and Irving and Jean Stone Endowed Chair in Social Sciences at UCLA. His research mainly deals with South India, the Mughal Empire and early modern Europe --or as he puts it, “early modern Eurasia”-- but he has also focused on Central and Southeast Asia, Iran, and Ottoman history.

Abstract of an Interview :

Books and Ideas: A considerable body of your work deals with connections between empires, spheres of trade, etc. You have also stressed that it implies redefining the objects of historical inquiry. What kind of historical objects emerges from paying attention to connections?

I am much more interested in the intersection. For me it was pretty obvious that the nationalist frame was not the appropriate one. When I seek connected histories, it is always in a particular context. If somebody is doing connected histories fifty years from now, it will be a very different context. It may be that by then the kinds of objects that we have established in my generation have become old and tired and are no longer interesting; people may want to make other connected histories. It is really a way of trying to constantly break the moulds of historical objects.

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In der Collège de France, die Konferenz von Sanjay Subrahmanyam thematisiert die Entwicklung einer politischen Theorie in Bezug auf politische Strukturen und politische Kultur sowie Modelle von Staatenbildung und Gesellschaft in Südasien. Wie haben sie sich vor dem Einfluss westlich-kolonialer Modelle und Institutionen entwickelt?

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Le Collège de France (Paris) sait qu’il est nécessaire de répondre à la thèse de Samuel Huntington , de ce professeur de science politique américain, auteur de l’ouvrage intitulé Le choc des civilisations (1993, Paris, Odile Jacob, 1996), autour duquel toute une idéologie anti-migration et raciste s’est enroulée. Il y répond en valorisant les travaux de Sanjay Subrahmanyam qui s’emploient à retracer les liens unissant, entre 1500 et 1750, les cours d’Europe et d’Asie, impliquant que les cultures d’Asie ont, elles aussi, imprimé leur marque sur l’Europe.

Samuel Huntington, en son temps, après avoir distingué huit cultures : occidentale, confucéenne, japonaise, islamique, hindoue, slave orthodoxe, latino-américaine et - peut-être - africaine (suivant de nombreux propos, historiques ou contemporains, dont on souhaiterait qu’ils se disloquent, il n’est pas persuadé que l’Afrique soit vraiment civilisée !), il affirme qu’elles s’incarnent chacune dans une religion. La principale ligne de fracture dans le monde passerait alors entre « l’Occident et le reste », car seul l’Occident valorise « l’individualisme, le libéralisme, la Constitution, les droits humains, l’égalité, la liberté, le règne de la loi, la démocratie, les marchés libres ». C’est pourquoi l’Occident doit se préparer militairement à affronter les civilisations rivales, et notamment les deux plus dangereuses : l’islam et le confucianisme !

Outre les défauts généraux de cette thèse, on ne peut rester insensible à la nécessité de contrer cette idée d’une incommensurabilité entre les cultures, laquelle constitue une déclinaison dommageable du relativisme culturel, à travers laquelle une certaine anthropologie a influencé la pratique de certains historiens. Les aires culturelles seraient donc fortement imperméables, et parfaitement cohérentes, en soi et pour soi, mais insaisissables de l’extérieur ! Une pareille conception remonte en fait au XVIIIe siècle, à tout le moins au philosophe Johann Gottfried von Herder, dont les arguments poussent la notion d’incommensurabilité jusqu’au point où le concept même de nature humaine unique, élaboré par Immanuel Kant, son maître, devenait sinon inconcevable, du moins vide de sens, au plan culturel. Sanjay Subrahmanyam, justement, pense que la plupart des théorisations contemporaines de « l’incommensurabilité culturelle » reposent sur une conception de la culture héritée et forgée à partir du structuralisme et se heurtent de ce fait à une question qui est centrale pour les historiens : celle du changement et des transformations, quand ce n’est pas des contradictions (ainsi que le montre Maurice Godelier).

Suffit-il pour autant de changer de concept ? De passer, par exemple, de la perspective de l’incommensurable à celle déployée par les concepts « d’interaction », de « métissage », « d’hybridation » ou de « transculturel » ? Sanjay Subrahmanyam les discute aussi : « Si l’on tente de comprendre les dynamiques inter-culturelles qui ont pu jouer entre les empires modernes non pas en termes d’incommensurabilité mais d’interaction, on voit immédiatement surgir le spectre du concept d’acculturation ». Et il reprend : « Forgé dans les années 1880, et légitimé par les travaux de Robert Redfield et Melville Herskovits dans les années 1930, la notion tomba dans l’oubli jusqu’à ce que Nathan Wachtel lui donne une seconde vie au milieu des années 1970, dans son étude des relations entre les Espagnols et les Incas des Andes ». Pour comprendre le propos, il faut rappeler que Redfield et ses collègues avaient défini l’acculturation comme « les phénomènes qui se produisent lorsque des groupes d’individus de cultures différentes entrent de façon continue en contact direct, modifiant les schémas culturels d’origine de l’un ou des deux groupes ». Wachtel était d’ailleurs plus prudent, soulignant que l’acculturation pouvait être le résultat de la conquête et de la domination impériale (comme dans les Andes), mais que les groupes pouvaient aussi se trouver en contact direct sans que des changements notables aient eu lieu. Ainsi se produisent des phénomènes de disjonction culturelle, qui diffèrent d’autres situations, qu’il appelle « intégration »,« assimilation » ou « syncrétisme. » (https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2007-5-page-34.htm).

Et l’auteur de poursuivre : « Les modes académiques récentes ont délaissé ce vocabulaire, au profit de deux autres termes : « métissage » et « hybridation » ». Cela revient à indiquer que le premier est proposé par Serge Gruzinski, le spécialiste du Mexique colonial et de l’empire Habsbourg, tandis qu’Homi Bhabha, dont le matériau empirique est emprunté à l’empire britannique, défend le second. Et il précise : « Le bon usage voudrait apparemment que l’on réserve le terme d’hybridation à « la création de nouvelles formes transculturelles à l’intérieur de la zone de contact produite par la colonisation », ce qui exclut d’autres formes, non-coloniales, de contacts et d’interaction, ainsi que leurs produits ». Ce qui est une manière de souligner que si l’on procède de façon aussi restrictive, on ne peut rien comprendre à l’interaction entre les Portugais et les Moghols. « De fait, dit-il encore, c’est l’essentiel de l’histoire des temps modernes qui nous échappera ».

Quant au concept de « transculturel », il ajoute qu’il « est moins problématique que celui d’« acculturation »? » Pourquoi ? Réponse : « Ne sommes-nous pas encore devant des cultures réifiées, avec simplement un troisième terme en plus, une « zone de contact » entre elles, quelque chose qui ressemblerait à la notion assez puérile de « semi-périphérie » inventée par Immanuel Wallerstein pour nous faire croire que son modèle échappait au bon vieux couple binaire noyau/périphérie ? »

De surcroît, Sanjay Subrahmanyam montre, en particulier dans L’éléphant, le canon et le pinceau (Paris, Alma Editeur, 2016), que des passeurs culturels n’ont cessé, non seulement de transplanter l’Occident ailleurs, mais, à l’inverse, de porter de nouveaux traits culturels, d’autres traits culturels, dans l’espace européen et occidental. Entre ceux qui ont vécu à la cour du Grand Moghol, à Delhi, ceux qui ont frayé avec la médecine chinoise, ceux qui ont redressé les cartographies proposées par les européens, et ceux qui analysent cette autre manière de faire la guerre qui est celle des Moghols (on n’y détruit pas l’ennemi mais on l’absorbe grâce à d’interminables séances de négociations), de très nombreux ponts entre l’Asie et l’Europe se sont constitués (et pas seulement dans l’autre sens).

Dans sa Leçon inaugurale au Collège de France (accessible sur https://www.youtube.com/watch?v=Afrl8-cdawM), Sanjay Subrahmanyam avait, selon Damiano Matasci (https://lectures.revues.org/15108), posé l’objectif de restituer le « passé épais » de l’histoire globale, afin de mieux comprendre comment celle-ci se construit, tant dans le présent que dans le passé. Avec une grande finesse, il reconstitue la complexe généalogie d’une tendance historique qualifiée de « minoritaire » et interroge plus précisément la transformation, à partir du XVIe siècle et dans des contextes aussi variés que l’Europe, l’Asie orientale et les Amériques espagnole et portugaise, des manières de penser les autres peuples et leur histoire. En effet, si l’histoire est ou a souvent été un « récit égoïste », centré sur la famille, le clan, l’ethnie, la ville et, dès la fin du XVIIIe siècle, sur le modèle de l’État-nation, elle a néanmoins été rapidement contrainte à reconnaître l’existence de l’Autre.

Sanjay Subrahmanyam discute tout d’abord l’ancienne tradition de pratiques et de réflexions « xénologiques », qui témoignent du besoin précoce d’établir des cadres conceptuels en mesure d’appréhender l’altérité. Des historiens de l’antiquité, Polybe pour le monde méditerranéen et Sima Qian pour la Chine ancienne, sont pris notamment en exemple pour illustrer les tentatives de dresser un récit historique capable, bien que basé sur une description ethnographique et sur une approche compilative, « d’aller au-delà d’une histoire nombriliste ». À l’époque médiévale, suite à son l’expansion territoriale en direction du Maghreb et de la péninsule ibérique ainsi que vers l’Orient, le monde musulman aussi est poussé à rendre compte des autres peuples et de leurs histoires. En s’appuyant sur des sources polyphoniques, Sanjay Subrahmanyam présente au fil de son propos nombre de chroniqueurs et d’historiens qui, à travers les siècles, développent un savoir « xénologique » dans un espace eurasiatique qui frappe par sa porosité et la diversité des regards sur le monde, ce qui n’empêche pourtant pas de cultiver une « histoire de soi ».

Mais pour en revenir à la question des « passeurs culturels », Sanjay Subrahmanyam y insiste : les rapports, fussent-ils coloniaux, entre des cultures ne se résument pas à des rapports de domination sans contrepartie, pas plus que les jeux d’influence ne sont unilatéraux. D’ailleurs, parfois le colonisateur n’arrive pas à s’imposer sans compromis avec la culture locale. Il suffit de relire Le Prince de Nicolas Machiavel pour saisir des conceptualisations de ce type. L’auteur souligne sans cesse « que la complexité des histoires » qu’il retrace doit permettre « de faire comprendre combien certaines formules sont simplificatrices », sous-entendu, entre autres, celles de Huntington.

20160305

Angst in Europa


Wer sind diese Protagonisten, die in Europa ein Klima der Angst und der Hetze verbreiten ?



1 - Deutschland, wer bist du ?

Volker Schlöndorff, In Focus-Magazin



Deutschland, wer bist du ? Diese Frage haben wir uns im Herbst wohl alle gestellt. Mit Blumen wurden die Fremden auf dem Hauptbahnhof in München empfangen. Uber 70 Prozent der Deutschen waren für ihre Aufnahme. Niemand wollte eine neue Mauer. Wie im Höhenflug erhoben sich land und Kanzlerin über die alten Klischees. Wir machten allé ein freundliches Gesicht, bekannten uns zu unserem Land.

Das war nicht immer so, im Gegenteil, von Kriegsschuld und Holocaust...

Für die Flüchtlinge und für die gesamte Welt war Deutschland nun Angla Merkel. Sie war unser freundliches Gesicht. Was Trieb sie um ? ...

Das geht nur in einem Klima des Offenheit und des entspannten Umgagns miteinander. Es muss Raum geben für spontane Gesten.



2 - Hannah Arendt war auch einmal ein Flüchling (Aus NDR, Birgit Schutte)



« Wir mögen das Wort Flüchtling nicht », so sagt Maan Mousslli au Damascius (Filmemacher, aus Syrien geflohen und in einem Flüchtlingslager gelandet). « Wir sehen uns als Neuankömmlinge. Wir sind gekommen, weil wir einen sicheren Platz gesucht haben, zum Leben und zum Arbeiten ».

In Osnabrück hat der 29-Jährige Anis Hamdoun Kennegelernt. Der Theaterregisseur und der Filmemacher verstehen sich bestens. Beide haben bereits erfolgreich eigene Projekte umgesetzt. Das Theaterstück « The Trip » von Anis Hamdoun wurde im April als Gastspiel an der Schaubühne in Berlin und anschliessend im Schauspielhaus in Frankfurt aufgeführt. Maan Mousslli wurde mit einem Kurzfilm bei den Filmfestival in Cannes aufgenommen. Sein Film über ein Theaterprojekt in einem jordanischen Flüchlingslager heisst « Shakespeare in Zaatari », und war im Mai in Cannes in der Short Film Corner gezeigt.

Seit einigem Monaten arbeiten die Freunde an einem gemeinsamen Filmprojekt. Der Titel « The Newcomers ». Den Trailer dazu haben sie gerade vorgestellt. Er ist im Internet zu sehen und soll bald auch im Cinema-Art-house in Osnabrück als Vorfilm laufen.

Denn die Filmemacher suchen Sponsoren für ihr Projekt. Einer der ersten Unterstützer war des Osnabrücker Bluesmusiker Tommy Schneller, der eine neue Single zugunsten des Filmprojekts im Netz verkauft. « Er findet es wichtig, dass wir den Flüchtlingen mit mehr Wärme begegnen », so Maan Mousslli. « Die Menschen sollten umdenken und erkennen, dass da die Opfer kommen und keine Terroristen ».



3 - Aylan-Gemälde in Frankfurt beschmiert



Unbekannte haben im Frankfurter Osthafen das 120 Quadratmeter grosse Wandgemälde beschmiert, das den Toten syrischen Flüchtlingsjungen Aylan darstellt. Sie beschädigten Teile des Kunstwerks mit weisser Farbe. Künstler zeigt sich vom Vandalismus wenig überrascht. Tatsächlich hattent im Netz einige Nutzer mehr oder weniger klar angekündigt, das Gemälde im Osthafen zu Schänden. Das Gemälde, über das weltweit berichtet wurde, ruft zum Teil heftige Ablehnung hervor.



4 - Falk Richter :



Rechtpopulismus ist eine gesamteuropäische Bewegung. In Ungarnund Polen stellent dieses Leute bereits die Regierung und schränken Freiheiten massiv ein. Im neuen Stück rede ich zunächst von Deutschland. Ganz konkret geht es um die Situation nach der Silvesternacht am Hauptbahnhof Köln, wie da versucht wurde, pauschall allé Flüchtlinge unter Verdacht zu stellen und die deutsche Willkommenskulture zu diskretieren [...] Sie wollen eine andere Art von Presse, wollent Einfluss auf die Spielpläne der Theater nehmen, vorschreiben, dass deusche Klassikerinszenierungen einen « positiven Bezu zum Heimat fördern » sollen. Vor fünf Jahren waren solche Forederungen noch undenkbar. Es ist erschreckend, wie schnell Gesellschaften Abrutschen können.



5 - #imzugpassiert



Auf Twitter berichten Frauen unter dem Hashtag #imzugpassiert über sexuelle Belästigung. Vor allem Frauen schreiben von verbalen Angriffen, Doppeldeutigkeiten, sexuellent Belästigungen, Verfolgungen und Machtdemonstrationen. Binnen kurzer Zeit ist der Hashtag zu einem der meistdiskutierten Themen auf der Plattforme geworden. Die vielzahl der Beiträge macht deutlich, wie alltäglich Sexismus in Deutschland ist.






20160304

European Lab

« Europe de la Culture : Année Zéro »
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Tel est l'ambitieux credo de la sixième édition du forum European Lab, qui s’est déroulée du 4 et 6 mai au musée des Confluences, à Lyon, en parallèle du festival Nuits sonores.

Forum de réflexion et de prospection sur la culture européenne de demain, la sixième édition de European Lab a réuni pas moins de 100 intervenants, 700 délégués internationaux, 30 nationalités et 5 000 visiteurs, attendus par avance, lors de ce forum, confluence des acteurs politiques, économiques, sociaux et digitaux. Laboratoire d'idées et de pratiques, European Lab veut pousser la réflexion sur des thématiques qui construisent déjà la société et l'Europe du futur.

Renforcée par son programme européen We Are Europe lancé en décembre dernier - qui fédère sept autres structures continentales -, Arty Farty, l'association organisatrice, poursuit sa réflexion pour élaborer une culture du futur, dans un contexte économique, social et politique particulièrement sclérosé : baisse des aides publiques à la culture, montée des populismes, etc.

"Une fois le cap du constat dépassé, nous portons un vrai optimisme pour la reconstruction d'une Europe de la culture utile et pertinente, leviers de lutte contre de nombreuses fractures", martèle Vincent Carry, directeur de l'association lyonnaise.

"Une nouvelle génération de militants de la culture"

Pendant trois jours, ce sont 100 intervenants, 700 délégués internationaux, 30 nationalités et 5 000 visiteurs qui sont attendus. European Lab multipliera les temps forts, avec l'ambition de mettre en avant une "nouvelle génération de militants de la culture", capable de riposter aux grandes mutations en cours - numérique, politique et citoyenne -, et de dégager des solutions novatrices.

"European Lab tend vers un projet de plus en plus politique, mais avec la volonté de s'ouvrir à tous les champs du politique", affirmait récemment Vincent Carry.

Le forum se place ainsi à la confluence des acteurs politiques, économiques, sociaux et digitaux. Pour preuve, se mêleront des personnalités aussi diverses que Nicolas Dufourcq (directeur de Bpifrance), Birgitta Jónsdóttir (Parti Pirate Islande), Sarah Harrison (n° 2 de Wikileaks) et d'autres intervenants, véritables "chevilles ouvrières" de cette reconstruction européenne.

European Lab veut pousser la réflexion sur des thématiques qui construisent déjà la société et l'Europe de demain (big data, surveillance de masse, nouveaux modèles politiques, stratégies urbaines et villes intelligentes, nouveaux médias, etc.)

Entrepreneuriat culturel

Au-delà de la réflexion, European Lab vise par ailleurs à fédérer et à mettre en lumière une génération d'acteurs prompte à explorer concrètement de nouveaux modèles. Un dessein qui passe par l'action et la pratique. Ainsi, de nombreux ateliers seront proposés : des Cultural Change Makers, des formations, comme celle intitulée "Repenser le futur des organisations culturelles", ou encore des rendez-vous d'experts.

L'entrepreneuriat culturel constituera l'une des lignes directrices de ces modules pratiques : questionnement sur les types d'incubation des projets culturels, nouveaux modèles structurels et économiques des entreprises créatives - en présence de Steven Hearn, l'un des précurseurs de l'entrepreneuriat culturel en France -, étude de cas portant sur les nouveaux marchés de l'innovation... Autant d'espaces de réflexion qui permettront d'imaginer les références culturelles et créatives de demain.

"Arme de reconstruction massive"

D'autres programmes transversaux sont proposés, à l'instar de la Radio Lab qui diffusera en direct un programme éclectique, d'une table ronde sur les "Avenirs arabes" à la "Robolution" de Séoul à Lyon (en présence de Bruno Bonnel). Une carte blanche a notamment été confiée à la Corée du Sud, en partenariat avec l'Institut français, à l'occasion des années croisées France-Corée du Sud.

En somme, un forum permettant d'ériger la culture, au sens large, comme "une arme de reconstruction massive au service d'une société européenne au bord de l'implosion démocratique", affirme Vincent Carry.





Cf. http://acteursdeleconomie.latribune.fr/territoire/2016-05-04/european-lab-la-culture-une-arme-de-reconstruction-massive.html#xtor=EREC-32280591-[newsletter_acteurs_economie]-20160507

20160303

Migration


Something new about Migration
Christian Ruby*
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PhænEx, 11, no. 1 (spring/summer 2016): 141-162, © 2016 Mark William Westmoreland, et al. : A Roundtable on : Thomas Nail. The Figure of the Migrant. Stanford University Press, 2015. 312 pages. Prepared by MARK WILLIAM WESTMORELAND : https://www.academia.edu/25990681/A_Roundtable_on_The_Figure_of_the_Migrant?auto=view&campaign=weekly_digest


Abstract :



Thomas Nail :

I started doing the research for this book because I wanted to write about the importance of migration in contemporary politics, but when I started doing the research it seemed that the migrant was always being theorized as a secondary or derivative figure. Across several related disciplines - Anthropology, Geography, Philosophy, and Political Science — the migrant was treated as an exception to the rule of already existing theoretical frameworks. After doing the research I discovered that the opposite was actually the case. What became clear was that, today and in history, the migrant is not the exception, but rather the constitutive political figure of existing societies so far. Right now, I think political theory has this backwards. In my view, migration is historically constant — sedentary societies are the exception to this rule, not the other way around. Societies are constituted by migration and migrants and not the other way around. But by rejecting the foundations of existing political theory and theorizing the migrant along these lines I had to invent my own theoretical Framework.



Robin Celikates :

It’s an important and engaging contribution to the political theory of migration precisely because it takes these concerns seriously and asks them in the most fundamental sense, following an approach distinct from both the normative liberal paradigm and that of

critical migration studies. Accordingly, Thomas takes up the task to provide a new vocabulary to conceptualize the constitutive experience and reality of migration and of movement more generally, a task he seeks to accomplish by integrating philosophical theorizing with divergent literatures spanning an impressive historical arc, from the first creation of social centres around 10,000 BCE to the contemporary US-Mexican border. The most important general lesson of his dense book is that such a political theory requires us to move beyond the dominant understanding of the migrant and of migration from the point of view of stasis, of non-movement, and of states who claim the authority, and the capacity, to control and regulate movement. In contrast, what is called for is a positive understanding of the figure of the migrant and the practice of migration that is not primarily determined by lack, anomaly or failure

20160302

Ecologie


L’Europe et l’Ecologie
Sam Durand

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“ Il futuro non é quello che succede ma quello che facciamo” scriveva Bergson.

In questo breve articolo, primo di una serie di tre, proponiamo al lettore una riflessione sul cambiamento climatico e sulle sue caratteristiche in quanto opera dell’uomo, pensandolo come una nuova era che noi umani abbiamo costruito senza tener conto della nostra responsabilità : l'avvenimento antropocentrico come l’ha chiamato Crutzen.

Partendo di qua, proponiamo dunque di osservare il cambiamento climatico globale come un processo di crisi: crisi dei valori, crisi della politica e dell'etica individuale.



Mantenendo il loro ruolo di esperti, i filosofi, gli economisti, i militanti e altri ancora non si oppongono tanto sul livello strutturale dei problemi (evidenti), ma piuttosto su questioni molto più profonde, legate al valore da dare agli esseri. Su questa base, gli antropocentristi pensano solamente al valore dell'uomo, i biocentristi al valore - intrinseco e non instrumentale - di tutti gli esseri viventi, mentre gli ecocentristi considerano centrale il valore dell'ecosistema in sé, includendo anche le cose inanimate come i sassi.

Oggi una grande parte delle persone che si sentono implicate in questa causa si oppongono ad un approccio antropocentrista. Ciò nonostante, si deve sottolineare l’aspetto pragmatico di questa prospettiva che permette alla massa di consumatori di capire la 'tragedia dei comuni', offrendo loro in questo modo la possibilità di vedere il futuro prossimo, un futuro in cui la consumazione (potere) perpetuale deve essere rimessa in dubbio di fronte ad un’evidenza morale : siamo noi, uomini, individui consumatori i responsabili del disaggio causato ad un ambiente che non è eterno.

Per queste ragioni possiamo parlare di una crisi dei sistemi di valori : l'approccio antropocentrista è il più pragmatico, ma sicuramente non quello da scegliere per quanto riguarda la morale ; gli approcci biocentrista e ecocentrista sono più giusti moralmente, però sono meno pragmatici, non sembrano realizzabili a causa della nostra stessa mentalità eccentrica e profondamente egoista. Le domande più importanti a questo punto non sono più tanto legate a “che cosa ha importanza” ma bensì a “che cosa possiamo fare”.

Possiamo allora riprendere questo problema con una prospettiva nuova: oggi il 95% dei cittadini europei vede il cambiamento climatico, il rispetto della natura e la protezione dell’ambiente come “personalmente importanti”[1] (e si dovrebbero teoricamente sentire anche“personalmente implicati" nella risoluzione del problema).

Ma in pratica, purtroppo, le cose vanno in un altro modo. Lo scorso anno abbiamo assistito alla COP21 di Parigi ed è evidente che la difficoltà principale risiede nella mancanza di presa di decisione: il pubblico ha assistito una volta di più alla non volontà delle classi politiche di trovare una soluzione reale, una volta di più hanno vinto le “lobby”.

Contro questa mancanza si oppongono gli europei coinvolti. Ma quanti lo fanno davvero? Possiamo vedere una volta di più un asimmetria tra la volontà popolo e quello che fanno le classi politiche. Esiste anche una seconda asimmetria tra certe idee della modernità da un lato, come l’uberizazzione, e il capitalismo-consumistico spinto dal liberalismo.

Ma se il 95% degli europei vedono queste cause come “personalmente importanti”, perché esiste ancora una crisi ambientale e politica ?

Tra la diminuzione della “consumazione responsabile” dei francesi, che ammettono di pensarci solo perché si sentono costretti, ed un consumo che si basa in maggioranza sul rapporto qualità-prezzo secondo la ricerca Ethicity, vediamo ovviamente che gli europei vedono l’ambiente “personalmente importante” quando ci guadagnano economicamente. Per questa ragione, possiamo pensare che la prima asimmetria descritta rappresenti veramente non un’asimmetria tra quello che vuole il popolo e la pratica delle classe politiche, ma tra quello che sono economicamente spinti a fare e quello che vogliono essere incitati economicamente a fare.

In questo caso, vediamo come le incitazioni economiche possano andare contro il senso della propria etica individuale: i popoli si pentono di consumare non responsabilmente però continuano comunque ad agire contro le proprie convinzioni. Qui si nidifica un problema a livello morale sulla responsabilità di ognuno a fare quello che gli sembra giusto. Si può anche capovolgere questo problema in una maniera più pragmatica e considerare che i popoli hanno molte ragioni per agire in funzione delle incitazioni economiche, ragioni che danno loro il diritto di decidere cosa vogliono essere spronati a fare, un diritto che dovrebbe permetter loro di imporre, prima dell’azione, un’etica capace di includere i problemi futuri, per esempio quelli legati all'ambiente. La città di Copenaghen ne rappresenta oggi un esempio nitido.

Ma come si può spiegare che il 95% delle personne senta questi temi « personalmente importanti » che la stessa percentuale non provi a fare più sforzi per cambiare la situazione ? Come spiegare il mancato tentativo di cambiare le incitazioni con il loro potere di consumazione ? Proveremo a rispondere alle suddette interrogazioni nel prossimo articolo di questa serie.

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Bergson wrote: “The Future does not reside in what will happen but in what we shall do.”

Confronted as we are today to an inexorable global climate change, there seems to be no better phrase to define the situation. Henceforth considering Man’s responsibility as an established fact, particularly through Crutzen’s work and his proposal to think the upcoming climate period as the Anthropocene because of our sense of guilt (but also that of Jonas), then should arise a new question about the “who” and “how”.

We propose in the following paragraphs to address the issue of the ecological crisis as a crisis of values, politics and individual ethics.

As all genuine thinkers, philosophers, economists, activists and scientists diverge greatly in their analysis, not in a structural but indeed in an essential way, even though a large majority agree at least upon Man’s responsibility in the global climate change. Accordingly, some are anthropocentrists, others are biocentrists (granting an intrinsic value to all living entities), or ecocentrists (granting an intrinsic value to all ecosystems including non-living entities).

However, the anthropocentrist approach cannot be challenged without pragmatic thinking. But ultimately and for two reasons, this approach seems the most likely to gain attention among our fellowmen. First of all, there is no evidence that the majority can evade this paradigm which weighs heavily upon the very structures of our way of thinking and living. Secondly, yet consistently, how can a large community of people who have always lived as virtually unabashed capitalists be convinced that they have obligations towards an abstract entity that nurtures them and is called Nature? How can Man, a selfishly rational and self-centered creature, be drawn to action by such an argumentation?

In such a context, the pragmatic interest of the anthropocentrist approach, which consists in maintaining our planet in a state allowing Man to survive, should be acknowledged.

To this extent, this argumentation seems far more convincing to the great number of consumers who feel more directly concerned when their purchasing power is at stake than when their daily ethics are called for on moral grounds.

That is the reason why it seems we may indeed speak of a crisis of values. Gardiner has also highlighted this when he states that the global climate change represents a “perfect moral storm”. Therefore, while tackling such questions with a pragmatic approach seems to be the most conclusive - in so far as it opens up directly on evolution and not just on a sterile debate based upon a choice between divergent values - it may however be deplored that such an approach cannot possibly curb this crisis of values as it circumvents rather than addresses it.

Yet, what does or can do Europe as it faces such a crisis as the global climate change? And what may this crisis of values result in?

There is today a strong ecological concern among the European citizens. “95% of the European citizens consider the protection of the environment of “personal significance”.”

In line with those initiatives and statistics, last year’s COP21 in Paris was harshly criticised for its lack of decisive outcome. Thus, the objectives that had been set, albeit attainable, cannot be considered as convincing and do not show any change as to the obvious lack of will on the part of politicians to control monopolies in the fields of energy, life patenting or indeed any area of the consumer market. And it is precisely these monopolies that committed European citizens wish to hold in check. Hence a first imbalance as old as the concept of Society itself between what the people want and what politicians put into practice. Concurrently, a second imbalance stands out between ideas like Uberization and Consumer Capitalism legitimized by Liberalism.

Thus, there is still a strong link between the ecological and political crisis (be it a crisis of political action or representativeness). Yet, if 95% of European citizens feel personally concerned with these issues, how come there remains a political crisis?

The above figures should be tempered by the growing economic interest in the field of sustainable development which creates a substantial number of jobs worldwide, particularly in Europe with a focus on Sweden and Denmark. However, although some felt they had found ground for rejoicing, it seems they should temper their optimism with regards to the slack in “responsible consumption” (a fuzzy concept which deserves to be clarified) among the French population in 2015, as reviewed in the Ethicity Study. Incidentally, this consumer behaviour has also been described in the web encyclopedia www.encyclo-ecolo.com as driven by obligation rather than commitment. Concurrently, notes and figures from a 2013 survey by the Ministry in charge of environmental, energy and sea affairs show that 35% of the French population are climate sceptics.

These figures lead us to easily conclude that individuals act the way they are economically encouraged to act and not just the way they want or wish or should in order to be consistent with their words while claiming to be “personally concerned”. However, should they do so, the first imbalance above described between the people’s wishes and politicians’ actions would then stand as a discrepancy between what people are economically encouraged to do and what they would like to be economically encouraged to do.

The point is not to criticize the encouragement as such but rather to observe the lack of (and even the conflict with) individual ethics it reveals. Indeed, people deplore when they are not economically encouraged to act in compliance with what they claim is essential to them, thus proving that it is not. This is precisely where the moral question lies of each individual’s responsibility to achieve what he/she deems right. However, the problem might as well be reversed in considering that people have very good reasons (economic, socio-cultural…) to act as they are encouraged while holding their right to decide which way they wish to be encouraged, meaning they have the power to impose, prior to action, their own ethical views on upcoming (for instance environmental) issues. A good example can be found in the city of Copenhagen whose inhabitants greatly contributed to the limitation of car traffic through the development of cycling tracks and community carshare networks; even though most of them declare using bicycles for the money it allows them to save.

But how is it possible for 95% of European citizens to feel “personally concerned” by the above issues while the same percentage do not attempt to do more than what they are encouraged to do? Do they simply follow a straightforward free-rider logic? Or is it possible to find other reasons to explain such a behaviour?

We shall try to answer these questions in our next article.

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« L’avenir n’est pas ce qui va arriver mais ce que nous allons faire » écrivait

Bergson. Face au changement climatique, nous sommes aujourd’hui dans une situation qu’aucune phrase ne saurait mieux caractériser. Aussi, si la responsabilité de l’Homme est dorénavant établie, notamment par l’œuvre de Crutzen qui propose de penser cette nouvelle ère climatique sous le nom d’anthropocène du fait de notre culpabilité (mais aussi celle de Jonas) alors une nouvelle question devant surgir est celle du « qui » et du « comment ».

Nous nous proposons, dans les paragraphes qui suivent, de traiter de cette question de la crise écologique en tant que crise des valeurs se déclinant en crise de la politique puis crise des éthiques individuelles avant de revenir, dans un prochain article, sur ce qui génère cette crise des éthiques individuelles ainsi que sur les différentes possibilités pour palier aux conséquences néfastes d’un modèle économique et éthique qui épuise le vivant comme le non-vivant, épuise donc notre environnement, notre possibilité même de vivre.


Crise des référentiels de valeurs :

En bons penseurs, les philosophes, économistes, militants et autres scientifiques ont de nombreuses divergences qui ne sont pas structurelles mais bien essentielles, même si l’immense majorité s’accorde au moins sur la responsabilité de l’Homme dans le changement climatique. Ainsi, certains sont anthropocentristes, d’autres biocentristes (accordent une valeur intrinsèque à tout être vivant), d’autres encore écocentristes (accordent une valeur intrinsèque à tout écosystème, entités non-vivantes comprises).

Ultimement, ces questions posent problème dans la mesure où ces référentiels de valeurs sont des référentiels de l’agir humain. Pour cette raison, un auteur comme Naess critique fortement l’idée même d’une distinction entre Homme et Nature, propose une « écosophie ». D’autres, comme James Lovelock nous proposent une approche reconnaissant le caractère anthropique de notre planète et la nécessité de ce fait de lui accorder une valeur en tant que système dont nous ne sommes qu’un maillon infime, un maillon qui ne peut réaliser l’ampleur de son action s’il ne réalise pas l’ampleur du système. Au final, il est donc bien question de donner un positionnement fort aux concepts d’Homme et de Nature.

De telles pensées plutôt contemporaines se forment ainsi, en s’opposant directement à un anthropocentrisme que nous hériterions de notre tradition judéo-chrétienne. Un anthropocentrisme justifiant notre exploitation de la nature pour notre plaisir, et représentant dès lors, pour ces pensées, ce que l’Homme a de plus mauvais en lui.

Toutefois, nous ne pouvons déprécier une telle approche anthropocentriste sans la penser de manière pragmatique. Or, il nous semble bien, qu’ultimement, cette approche soit la plus susceptible de retenir l’attention de nos congénères. Tout d’abord parce qu’il n’est pas évident que la majorité soit capable de sortir de ce paradigme qui a une créance forte sur les structures mêmes de nos manières de penser comme de vivre. Ensuite, mais toujours dans la continuité, comment expliquer à une large communauté qui vit depuis toujours dans un capitalisme quasi décomplexé, que nous avons des devoirs envers une entité abstraite nommée Nature qui nous porterait en son sein ? Comment pouvons-nous convaincre à l’action par un tel discours l’Homme égoïstement rationnel et individualiste ?

Dans un tel contexte, nous devons donc reconnaître l’intérêt pragmatique de l’approche anthropocentriste qui vise à maintenir la planète en l’état afin que l’Homme puisse survivre. Un tel discours semble dans cette mesure bien plus convaincant pour la masse de consommateurs qui comprennent mieux l’urgence si leur possibilité de consommation est remise en question que si nous tentons de faire appelle à une éthique quotidienne pour des raisons d’ordre moral.

Pour cette raison il semble que nous pouvons effectivement parler d’une crise des valeurs également soulignée par Gardiner lorsqu’il affirme que le changement climatique représente une « tempête morale parfaite ». Aussi, sur de telles questions, si une approche pragmatique semble être la plus concluante possible pour ce qu’elle ouvre directement à l’évolution et non sur un débat stérile reposant, ultimement, sur des choix de valeurs divergentes, elle demeure toutefois regrettable pour ce qu’elle ne peut permettre de palier à cette crise des valeurs, la contourne au lieu de la solutionner.

Toutefois, comment se décline cette crise des valeurs et que fait l’Europe face au changement climatique ?



Que fait l’Europe ?


Il apparaît dorénavant de plus en plus d’initiatives concernant l’environnement :

« Aujourd’hui, le Programme d’action communautaire pour l’environnement Bien vivre, dans les limites de notre planète (le PAE, arrivé à sa 7ème édition) couvre aussi bien l’air, le milieu marin, la prévention et le recyclage des déchets, l’utilisation durable des ressources nouvelles, le milieu urbain, les sols que l’utilisation durable des pesticides »[2], et n’est bien entendu qu’un programme parmi tant d’autres.

Par ailleurs, sur ce même lien[3] concernant les politiques européennes et l’écologie, une statistique fait ressortir une volonté écologiste marquée chez les européens : « 95 % des Européens considèrent la protection de l’environnement « personnellement importante » ».

En parallèle de ces belles initiatives et statistiques, la COP21 qui a eu lieu à Paris l’an passé fut durement contestée pour son manque de résultats décisifs. Aussi les objectifs fixés s’ils ne sont pas improbables, ne sont pas probants pour autant, ne prouvent aucun changement dans l’apparent manque de volonté des classes politiques d’endiguer les différents monopoles, qu’ils soient énergétiques, de brevetage du vivant, ou simplement dans une section du marché de la consommation. Dans la continuité, nous proposons au lecteur de lire quelques articles d’économistes tels que le prix nobel d’économie 2014 Jean Tirole.

Or, c’est précisément contre ces monopoles que les européens investis veulent agir. Dans cette logique, se développe un première asymétrie, vieille comme le concept de société, entre ce que voudraient les peuples, et ce que font, en pratique, les classes politiques. De même, se développe une seconde asymétrie entre des idées dont l’ubérisation fait, entre autres, partie, et le capitalisme-consumériste justifié par le libéralisme. Nous laisserons ici de côté l’aspect de régulation économique de ces pratiques qui doit voir le jour. Toutefois, force est de constater que la mise en commun des biens devient aujourd’hui une condition quasi-nécessaire d’une approche qui se veut écologiste de part la terrible tragédie des communs[4] à laquelle nous devons faire face.

Quoiqu’il en soit, nous constatons donc toujours un lien fort entre crise des valeurs, crise écologique, et crise politique (qu’elle soit une crise de l’action politique ou de la représentativité).

Mais, si 95% des européens se sentent personnellement concernés par ces questions, comment se fait-il qu’une crise politique subsiste ? A quel titre peut-on considérer la crise des éthiques individuelles comme une déclinaison de la crise des référentiels de valeurs ?








Incitations économiques et écologie : entre laisser-aller et mesures effectives.



Les chiffres vus précédemment sont à tempérés avec l’intérêt économique que commence à susciter le secteur d’activité du développement durable qui crée de nombreux emplois dans le monde, notamment en Europe, tout particulièrement en Suède et au Danemark dont la ville de Copenhague (nous la conserverons comme exemple) est aujourd’hui lancée dans un projet pour devenir la première ville neutre en carbone au monde d’ici 2025.

Cependant, si certains pensaient pouvoir se réjouir, ils pourront déchanter face au recul de la « consommation responsable » (un concept au demeurant flou et à éclaircir) des français en 2015 relevé par l’étude Ethicity et décrite dans un article du site l’encyclo-écolo.com comme plus effectuée par contrainte que par adhésion. Dans la continuité nous découvrons par le biais des observations et statistiques mises à disposition par le Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, que 35% des français sont climato-sceptiques suite à une étude de 2013.

Toujours dans la même lignée :

« Ils ne sont que 44 % en Amérique du Nord et 51 % en Europe à avouer être influencés par les valeurs sociales et environnementales dans leur décision d’achat, contre 66 % dans le monde. Un chiffre qui n’est que de 44 % en France, bien loin de la Bulgarie (73 %), mais devant la Belgique (41 %). C’est un critère moins important que le rapport qualité-prix ou les promotions et bons de réduction, qui occupent les deux premières places de ce classement concernant les Français. »[5]



Au vue de ces chiffres, nous pouvons constater sans trop nous avancer que les individus font ce qu’ils sont économiquement incités à faire, et non uniquement ce qu’ils veulent, ou voudraient, ou devraient vouloir en toute logique de cohérence avec leurs propos, eux qui se sentent « personnellement concernés » rappelons le. Toutefois, s’ils le font, c’est alors que la première asymétrie décrite précédemment entre les désirs du peuple et la pratique des classes politiques tient plutôt, dans ce cas précis, en une divergence entre ce à quoi les peuples sont économiquement incités, et ce vers quoi ils aimeraient être incités économiquement.

Dans ce contexte, les incitations tant prônées par certains des grands auteurs de notre époque dont, notamment, John Rawls, laissent paraître un aspect néfaste. N’est pas question ici d’entrer dans un débat sur leur rôle mais bien plutôt de constater le manque d’éthique individuelle générée par les incitations, quant elles ne vont pas totalement à son encontre. Ainsi, les peuples regrettent de ne pas être économiquement incités à une chose à laquelle ils tiennent, et vont par la même aller à son encontre. En ce point précis se niche un questionnement d’ordre moral qui porte sur la responsabilité de chacun à accomplir ce qu’il croit être juste. Toutefois nous pourrions également renverser le problème, considérer que le peuple a de très bonnes raisons (économiques, socio-culturelles…) de faire ce à quoi il est incité et possède le droit de décider vers ce à quoi il veut être incité afin de pouvoir s’imposer préalablement à son action, une éthique incluant les problèmes futurs, environnementaux par exemple. Un droit qui est sans nul doute lié à son pouvoir de consommation qui doit donc retrouver son lien à l’éthique individuelle : si la crise des éthiques individuelles est le point critique de la crise des référentiels de valeurs, elle semble également être le point d’encrage nécessaire pour la solutionner.

De fait, la ville de Copenhague a su limiter, notamment suite à l’investissement de ses habitants, l’usage des automobiles en son sein, en augmentant la surface de pistes cyclables et de véhicules mis en communs (bien que nombreux sont ceux qui affirment ne pas le faire pour l’environnement mais bien pour le coût que cela représente)[6]. Une telle initiative est d’ailleurs récupérée par Paris qui entreprend, bien plus lentement, une démarche similaire.

Ainsi, nous constatons que les incitations économiques sur ces thèmes manquent : de l’apparition toujours attendue d’un prix comme d’un marché mondial du carbone afin d’aiguillonner les individus dans leurs choix énergétiques, au surplus d’utilisation de plastique pour lequel nous avons pourtant de nombreux substitues… Encore au début de l’été, l’Union Européenne a accordé un délai aux entreprises importantes dans le négoce de céréales pour qu’elles puissent changer, avec le temps, les produits toxiques qu’elles utilisent. Mais pouvons-nous accorder un délai à de telles entreprises pour que le changement se fasse à moindre frais pour elles (certainement pas pour les consommateurs qui y risquent leur vie) ?

Aussi, comment expliquer si 95% des européens se sentent « personnellement concernés » par ces questions que le même pourcentage n’entreprenne pas de faire plus, notamment par leur pouvoir de consommation, que ce pour quoi ils sont incités ? Répondent-ils à une logique unique qu’est celle du passager clandestin ? Ou pouvons-nous déceler d’autres motifs expliquant un tel comportement ?

Nous entreprendrons de répondre à ces questionnements, dans un prochain article.







Bibliographie :





Garett Hardin, « The Tragedy of Commons », Science, 13 décembre 1968, vol. 162, n°3859.



Naess Arne, Ecology, community and lifestyle : outline of an ecosophy, Cambridge ; New York, Cambridge University Press, 1989



Bonneuil Christophe et Fressoz Jean-Baptiste, L’événement Anthropocène : la Terre, l’histoire et nous, Paris, Ed. du Seuil, 2013.



Jonas Hanz, Le principe Responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique, 1979 ; trad, française ed. du cerf, 1990.



Lovelock James, Gaïa a new look at life on earth, Oxford University Press, 1987



Gardiner Stephen M. A Perfect Moral Storn : The Ethical Tragedy of Climate Change, Oxford University Press, 2013.



John Rawls, Théorie de la justice, trad. C. Audard, Paris, Seuil, 1987.

John Rawls, Justice as fairness, The Philosophical review, vol. 64, n°2, avril 1958.



Gerald A. Cohen Si tu es pour l’égalité, pourquoi es-tu si riche ? Paris, traduit par Fabien Tarrit, Herman Editeurs, 2010.

Gerald A. Cohen, Incentives, Inequality and Community, Stanford, mai 1991.



Webographie :



http://www.consoglobe.com/typologie-consommateurs-responsables-2015-cg

http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/ademe-lalettre-internationale-37-fr.pdf

http://www.transition-energetique.org/article-copenhague-ville-durable-103582249.html

http://www.encyclo-ecolo.com/Fran%C3%A7ais_et_le_d%C3%A9veloppement_durable#Fran.C3.A7ais_et_le_bien-.C3.AAtre_durable





http://www.service-civique.gouv.fr/missions/?utm_source=facebook&utm_medium=vignettes&utm_campaign=faiteslesaut&criteria%5Bis_overseas%5D=0&criteria%5Btaxons%5D%5B0%5D=5&criteria%5Bquery%5D=Environnement#search-options



http://transports.blog.lemonde.fr/2014/05/09/comment-copenhague-est-devenue-la-capitale-europeenne-du-velo/






[1] http://www.touteleurope.eu/les-politiques-europeennes/environnement.html


[2] http://www.touteleurope.eu/les-politiques-europeennes/environnement.html


[3] http://www.touteleurope.eu/les-politiques-europeennes/environnement.html


[4] Garett Hardin, « The Tragedy of Commons », Science, 13 décembre 1968, vol. 162, n°3859.


[5] http://www.consoglobe.com/marque-consommation-environnement-cg#Wg5mzruBHD8j4hhY.99


[6] http://transports.blog.lemonde.fr/2014/05/09/comment-copenhague-est-devenue-la-capitale-europeenne-du-velo/

20160301

theatre


La technique du comédien : Moyen ou source de l'oeuvre ?
Josselin Lavigne
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Quelle est la situation ? Qui suis-je ? D’où je viens ? Pourquoi, Pourquoi, Pourquoi... ? Autant de questions qu’un comédien appliquant une méthode doit de se poser. La méthode, voilà enfin le maître mot de celui qui donnera vie à une œuvre théâtrale ! Comment doit se constituer le travail du comédien afin d’apporter une situation ? Quelle est la place du comédien par rapport à l’œuvre théâtrale ? Est-il en premier ou arrière plan par rapport au travail de l’auteur ? Il existe autant de méthode spécifique qu’il existe de pays mais il n’en reste pas moins qu’il y a des règles communes. Nous nous pencherons sur les spécificités de différent pays d’Europe afin de nous rendre compte qu’il existe un socle commun à tous les comédiens mais des positions différentes vis à vis de l’œuvre.

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Was sind die Umstände? Wer bin ich? Woher komme ich? Wieso, weshalb, warum… ? Unzählige Fragen die sich ein Schauspieler beim Anwenden einer Methode stellen muss. Die Methodik ist das einzig wichtige die dem Theaterstück Lebendigkeit verleiht. Wie kann ein Schauspieler eine Situation gut rüberbringen? Welchen Platz nimmt der Schauspieler bei einem Theaterstück ein? Steht der Schauspieler dabei an erster oder letzter Stelle?

Es existieren so viele spezifische Methoden, wie auch gemeine Regeln, der Annährungen eines Theaterstücks. Wir befassen uns mit den Methoden aus verschiedenen europäischen Ländern, um schlussendlich zu verstehen, dass alle Schauspieler sich auf einer Basis bewegen, jedoch aus unterschiedlichen Positionen das Werk betrachten.

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What is the situation? Who am I? Where do I come from? Why, why, why… ? Numerous of questions an actor is wondering while operating a technique. The technique is the most powerful way to give vitality to a play. How does the actor need to work to get the situation accross? How important is the actor in the play? For the author, is he at first or last place regarding his work ? There exist as many specific different techniques as there exist common rules. We address the techniques in the different countries of Europe by realizing that there is a common ground for all actors to operate on but different ways to look at the œuvre.

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Le théâtre est déjà le rendu d’un art ; un art qui a mis des années avant de se constituer en tant que tel. Pour y parvenir, il doit être composé de comédiens. Ceux-ci ont pour but de servir l’auteur (la brochure de théâtre). En France, le problème ne se pose pas, le comédien ne doit être qu’un serviteur de l’art, étant lui-même la créature d’un génie que l’on appelle créateur. Afin de passer d’une fiction à une réalité charnelle, le théâtre doit se doter d’un comédien qui prêtera sa « peau » à une situation, un rôle et un personnage.



Quelle est la situation ? Qui suis-je ? D’où je viens ? Pourquoi, Pourquoi, Pourquoi... ? Autant de questions qu’un comédien appliquant une méthode doit de se poser. La méthode, voilà enfin le maître mot de celui qui donnera vie à une œuvre théâtrale ! Comment doit se constituer le travail du comédien afin de construire une situation ? Quelle est la place du comédien par rapport à l’œuvre théâtrale ? Est-il au premier ou à l'arrière plan par rapport au travail de l’auteur ? Il existe autant de méthodes spécifiques que de pays, mais il n’en subsiste pas moins des règles communes. Nous nous pencherons sur les spécificités de différent pays d’Europe afin de nous rendre compte qu’il existe un socle commun à tous les comédiens mais des positions différentes vis à vis de l’œuvre.



À l’Est de l’Europe, le théâtre a été fortement influencé par deux méthodes : celle de Sergueïevitch Stanislavski et celle de Jerzy Grotowski.

Jerzy Grotowski fonde une méthode valorisant la présence des acteurs et délaissant les éclairages, décors et costumes superflus qui, selon lui nuisent au travail de l'acteur et à la qualité de la relation avec le spectateur. Grotowski a pour objectif de (re)trouver l'essence même du théâtre, et pour lui elle se trouve dans l'organique, c'est-à-dire dans l'acteur. Dans cette méthode, le rôle n’a pas autant d’importance que l’acteur.

Pour Grotowski, l'entraînement physique de l'acteur était un moyen pour accéder à quelque chose de plus subtil, de méta-corporel. Il pousse ses acteurs à l'extrême pour diminuer les résistances intérieures de ceux-ci. L'acteur est une fin, alors que le rôle est secondaire ; le rôle est un attribut du théâtre, et non un attribut de l'acteur. Pour transmettre SA vision du théâtre il distingue la lignée organique de la lignée artificielle ; sans privilégier l'une ou l'autre, il découvre que ces deux approches ouvrent des sentiers d'expérimentation très fertiles.

La lignée artificielle se réfère à la technicité, à l'art de la composition, à tout ce que le public peut voir, tout ce que l'acteur peut effectuer ; c'est la structuration de la forme. La lignée organique se réfère à l'implication personnelle de l'acteur, son propre processus, son imaginaire, ses impulsions, et que le public ne peut pas voir, c'est ce qui anime la structure.

Son attention passionnée à toutes les formes de rituels, d'ascèses et de pratiques contrôlées de la transe l'ont d'abord conduit à nourrir son théâtre d'une approche que l'on pourrait qualifier de sacrée, hors de tout dogmatisme et avec le soin et la rigueur d'un artisan ou d'un chercheur scientifique.

La méthode de Constantin Sergueïevitch Stanislavski est assez similaire. Alors que la "raison" semble être la seule valeur reconnue par ses contemporains, Stanislavski tire le meilleur des travaux de Freud pour reconnaitre l'importance des émotions et du subconscient. Il ne cherche pas à dominer ou à contrôler le subconscient. Il cherche à "danser" avec lui car "Seul le subconscient peut nous procurer l'inspiration dont nous avons besoin pour créer." Sa conception à la fois très humble et très ambitieuse du jeu dramatique donne à l'acteur l'occasion d'être un véritable artiste, de jouer l'équilibre (et souvent la tension) entre toutes les parts de lui-même.



D'autres écoles sont en totale opposition avec cette façon de voir : l'acteur y est considéré comme un serviteur de l’auteur, tourné vers l’effacement de soit propre à Diderot. En Europe de l’ouest, on parle d’avantage « d’éloquent sensible », dans le sens ou l’on demande au comédien d’être scrupuleusement respectueux de l’auteur tout en usant d’éloquence avec la sensibilité. Dans cette méthode, le comédien utilise son corps comme un instrument de musique, le théâtre étant abordé de la même façon que les bases musicales.

Le « Haut de l’Inspir » est un exemple de la méthode de Jean Laurent Cochet, celle-ci correspond à une technique de respiration par laquelle on « réapprend à respirer ». La technique impose d’être très « ouvert », en respirant d’en bas. Le meilleur moyen d’être respectueux envers l’œuvre est d’être dans la pensée de l’auteur (la pensée globale) afin de retranscrire au maximum la situation. Pour cela, la pensée nécessite une base qu’est la respiration, la véritable « inspir » étant la base de la pensée. Ainsi, par cette technique, le comédien peut réfléchir davantage à la situation la plus proche de celle de l’auteur. Le véritable travail du comédien est la réflexion plus que la sensibilité ou la personne. À la différence des méthodes précédentes qui puisent leurs sources dans l’acteur, celle-ci fait du comédien un moyen afin d’obtenir une fin qui est l’œuvre. Dans les deux types de méthode, le comédien doit connaître son corps et doit pouvoir l’utiliser comme un musicien utilise un instrument de musique mais toute la différence réside dans la source de la prestation. Dans cette méthode le comédien ne doit pas apporter de sa personne pour réaliser la situation, il doit chercher en lui ce qui doit lui permettre de se rapprocher le plus fidèlement possible à l’œuvre. Le comédien est désincarné parce qu’une fois que le comédien a fait venir le personnage à lui, c’est le personnage qui s’incarne. Et c’est le personnage qui parle, par la voix du comédien. Ainsi, le comédien se « désincarne », jusqu’à être possédé par le personnage. Opération certes mystérieuse, ineffable, mais finalement naturelle. Après comparaison des deux méthodes, je m’aperçois que dans la première, le comédien montre davantage comment il fait, il se met en avant. Alors que dans la deuxième méthode le comédien est celui dont on ne sait plus comment il fait.





















20160205

Éditorial

Les droits culturels
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La détermination de droits culturels fait toujours débat, en Europe. Comment pourrait-il en être autrement alors qu’ils se trouvent au centre des discussions relatives au « vivre ensemble », et par là même intimement liés aux enjeux de domination et de pouvoir dans les sociétés ?

L'inexistence de droits culturels constitutionnels creuse un large trou dans le maillage juridique et moral enserrant les humains. Si ce maillage couvre les droits civils, sociaux, politiques, protégeant et limitant ainsi les activités des humains, il a fallu attendre une période récente, et des conflits spécifiques, pour entendre parler de la nécessité d’introduire de tels droits.

La revendication de droits culturels - droit à l’éducation, d’accéder aux ressources, aux savoirs et de participer à des activités culturelles, droit linguistique, à l’art, à la mémoire, au patrimoine - veut s’inscrire dans l’énoncé des droits de l’humain, et prétend éviter aux questions culturelles de tomber sous la coupe totalitaire, dans les dérives relativistes (tout se vaut) ou l’enfermement communautariste (ne vaut que ce que le chef décide). Des motions publiques rappellent que leur respect garantirait la participation de chacun à un « patrimoine commun », défini comme capital de ressources constitué par la diversité culturelle. L’exercice des droits, libertés et responsabilités culturels serait le moyen de cette préservation et de ce développement. Il signifierait que chacun peut participer à cette diversité, y puiser des ressources et contribuer à son enrichissement.

Tels que définis dans la Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles (UNESCO, août 1982, document téléchargeable), renouvelée par celle de Fribourg, en 2007, rédigée par un groupe d’experts internationaux sous la direction de Patrick Meyer-Bitsch, ces droits proposent une conception de la culture conçue comme auto-production de l’humain en humanité. La volonté de promulguer des droits culturels vise à garantir à chacun la liberté de vivre sa culture à partir de ce que les cultures produisent d’universalisable. Le développement culturel est considéré comme un chemin d’émancipation et de conquête de la dignité de la personne. Enfin, l'existence de ces droits ne suppose pas seulement une action de l’État pour les muer en droits positifs, avec sanction judiciaire, mais surtout une protection pour le développement de la vie culturelle par la population elle même.

Cela étant, cette question peut se confondre avec celle des minorités culturelles. Et cet aspect est important. Mais il se contente de reconnaître un groupe de plus dans le décompte des groupes formant une société ou une sphère culturelle. On dérive là vers les problèmes des « identités culturelles »... et des pensées en termes de quota...

Or, il existe une autre manière de prendre le problème : la mise en œuvre de la part des sans parts ? Elle consiste alors à faire éclater la question vers la reconnaissance de la compétence de n’importe qui... Les droits culturels, alors, défendant la possibilité pour chacun de trouver ses moyens d’expression et de création dans le collectif, imposant la part de la culture dans toutes les institutions (surtout les institutions retirées : prisons, hôpitaux, ...), au point d’aider à créer des effets de dépaysement qui contribuent à vaincre l’isolement et à briser l’assignation à résidence culturelle.

En un mot, ce problème des droits culturels renvoie à deux logiques :

- Une logique des minorités : celle de minorités qui réclament leur part dans le partage entre groupes, une reconnaissance de leur titre à être comptés dans la compte intégral des parts de la communauté par la police ;

- Une logique des sujets politiques qui brisent cette logique d’identification en visant à reconfigurer le compte et ses partages : il s’agit alors d’une logique politique dissensuelle. 

Christian Ruby