20150405

Editorial


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L'Europe est sans substance, et il ne saurait être question de lui en trouver/inventer une, à partir d'un investissement symbolique maximal, même s’il s’agit d’accueillir et protéger des migrants ou des réfugiés. Elle est le produit de relations, de rapports, de négations, d'oppositions choisies ou subies, imposées ou décidées, qui font que son espace, qui ne saurait être réduit à des frontières sans cesse remaniables, à un territoire représentable par une carte, mais correspond plutôt à une nécessité de sortir de soi, en s'ouvrant et en accueillant aux/les autres. L'Europe ne vaut que par son ouverture interne et externe. Il n'y a pas une Europe, mais divers agencements qui se croisent et décident d'articuler leur histoire sans chercher une quelconque homogénéité. L'Europe est une pluralité de mondes acceptant de se confronter et de former une arborescence qui ne possède ni centre ni fondement, qui peut se ramifier n'importe quand dans des directions non déterminées d'avance.

Reprenons la question de la migration.

La scène est bien connue. Elle est abondamment diffusée dans les médias de l’image, sans doute aussi parce qu’elle sollicite la compassion, une photo récente le montre. Le plus souvent, au milieu d’une géographie bien typée – autour des îles de Lampedusa et de Kos, en Méditerranée –, elle donne à voir des barques de migrantes et de migrants errants sur la mer, emportées parfois par la colère des flots ou prises en charge par des gardes-côtes dont la fonction première est de garder des frontières. Des femmes, des enfants, des hommes, entre effarement et inquiétude, ayant l’air de sortir de l’inconnu, cherchent à aborder des côtes dangereuses et des écueils en décombres, entassés dans des barques peu sécurisées. Ne sont-ce que des successions d’images construites afin que les téléspectateurs se perdent en lamentations sur le sort des migrants ? Pas nécessairement. D’ailleurs qui pourrait se refuser à un excès de peine ?

Pour autant, rien d’autre n’est porté à son comble que le spectacle de la migration. Or, les images de « migration » soulevant, désormais, un imaginaire et des réactions fonctionnant comme des verdicts, la/le téléspectatrice/eur doit creuser un écart avec elles. Elle/il doit faire l’effort de problématiser l’existence des migrations dans le monde contemporain, d’élaborer un regard prenant en charge les dimensions de l’histoire, de l’économie, de la sociologie et de la politique des migrations.

Qu’appelons-nous « migration » ? Que signifie migrer ? Qui migre et pourquoi ? Et migre vers quoi ? Ce sont tout de même des interrogations qu’il convient de formuler. Et si l’on se saisit du terme « migration » en fonction des images citées ci-dessus, quelle(s) rectification(s) s’imposer ? Le même sort est-il réservé à la migrante et au migrant ? Quels sont les repères des changements ? Quel accueil reçoit le migrant ? Comment réagissent les États, est-ce en cohérence avec l’opinion ou avec la société civile ?

Ces questions, qu’il faudra sans aucun doute multiplier, ont du moins l’avantage, pour l’heure, d’obliger à prendre des distances avec les émotions, le pathos entourant les migrations. Elles incitent aussi à observer que « migration » est une notion qui ne prend une valeur que dans une association avec d’autres termes auxquels elle est confrontée. Tels sont, par exemple ici, les corrélats : « réfugié », « sans-papier », « exilé »,... Ce ne sont pourtant pas les seules combinaisons envisageables. « Migration » ne renvoie pas uniquement aux transmigrations. Le terme peut évoquer la transplantation de mots ou de traits culturels d’une langue dans une autre – pour la langue française, « aubergine » vient du Turc, une grande partie des termes commençant par « Al » (algèbre, algorithme,...) est d’origine arabe –, le transfert d’un concept d’un champ de recherche dans un autre (nous le prouvons par ces phrases même), les âmes des mortels s’élevant vers le Ciel,... C’est même cette confrontation à des objets différents qui peut conduire à forger des questions inédites, là où on se contente habituellement de réponses ou de solutions à des questions jamais révisées, parce qu’on présuppose que migration n’est qu’une circulation dans l’espace.

Cela étant, même en ce qui concerne la seule transmigration – l’ancien terme pour notre moderne « migration » spatiale –, les questions posées sont généralement peu approfondies. Nous contenterons-nous de considérer l’aspect économique des migrations ? Une migration désigne-t-elle uniquement la circulation des êtres humains d’un pays à un autre, émigration d’un côté et immigration de l’autre ? Qu’en est-il des migrants ruraux ? Une colonisation n’appartient-elle pas au registre des migrations, les États ne détestant pas encourager la migration de population alors qu’ils s’inquiètent d’avoir à recevoir des populations sur leur territoire, au point de dresser des murs de séparation (Mexique-États-Unis, Hongrie-Serbie,…) ? Qu’est-ce qu’un flux migratoire ? Flux et migration sont-ils identifiables ? Toute migration vise-t-elle une fin ?

Si nous étendons encore le champ des questions, cette notion nous renvoie aussi au droit. On se souviendra, en première approche et pour le contexte français, de l’article 4 de l’Acte constitutionnel de 1793 :



« Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ; tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année y vit de son travail ou acquiert une propriété ou épouse une Française ou adopte un enfant ou nourrit un vieillard ; tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l’humanité ; est admis à l’exercice des Droits de citoyen français. »

Quant à l’article 13, alinéa 2, de la Déclaration Universelle des Droit des humains, il dispose:

« Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. »

Dès lors s’ouvrent de nouveaux horizons dont on peut cerner les contours, en première approche, autour d’un couplage à réexaminer ensuite : migration dans une pensée du stock ou dans une pensée du flux ? Ce couplage qui engage fort clairement les questions signalées du sujet, de l’objet, de la finalité des migrations doit aussi puiser son efficacité ou ses limites dans le cadre de sociétés que d’aucuns dénomment désormais « liquides », selon les termes du sociologue Zygmunt Bauman, voire des « sociétés en réseaux » pour reprendre l’expression de Manuel Castells, qui se caractérisent, au cœur de ce qu’il est convenu d’appeler « la mondialisation », par des flux de population provoqués par la délocalisation des processus de production, des structures sociales réticulaires, les innovations imposées par les technologies de l’information, la restructuration des capitalismes et des postcommunismes.


20150404

Loi sur la création


Le chassé-croisé des raisons d'une loi
Christian Ruby, philosophe
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dernier ouvrage paru :

Abécédaire des arts et de la culture,

Toulouse, Editions de l’Attribut, 2015.





Dès lors qu’on accepte l’existence d’un ministère de la Culture, il y a des missions qui s’imposent à lui. Dès lors que les député(e)s voient poindre le risque d’une mise sous tutelle des citoyennes et les citoyens, ils ont une tâche à accomplir. C’est le cas actuellement. Il est requis de défendre, par un acte législatif – démarche qui devrait même valoir pour toute l’Europe –, des activités artistiques dont la survie dépend d’eux, la possibilité d’exposer les oeuvres d’art vivant (arts plastiques, cinéma, musique, chansons, multimédias, photographie,...) en public, sans tomber sous le coup d’interruptions brutales confinant à la censure des oeuvres, par destruction ou par exclusion, au sein des expositions publiques et en public.

Penser une législation de ce type ne consiste pas à inventer une loi de toute pièce destinée à conférer des privilèges à certains, les artistes. Cela contribue simplement à étendre le domaine de la protection des oeuvres d’art, dès lors que les options artistiques, les thèmes des expositions, les lieux d’exposition, les modalités des expositions mutent sous le coup des transformations des pratiques artistiques, ou sous le coup d’une délégation faite aux expositions de représenter une partie de la critique sociale. Pour ne rien dire de la censure économique. Les oeuvres dans les musées, devenues des oeuvres d’art, sont protégées, même si on en cache encore sous des prétextes moraux ; les oeuvres dans les FRAC, séparées de la vie, sont protégées, quoique toutes ne circulent pas ; les oeuvres en général sont des objets dont l’intégrité d’objets ou gestes non-marchands est protégée. Mais ce qui ne l’est pas actuellement ce sont les propositions de diffusion, de programmation, et les expositions, traversées de surcroît par des pratiques inédites de performances, mélanges, installations, transformations des spectateurs en acteurs,... L’actualité montre qu’elles sont soumises à des diktats de censure, d’autant plus furieux que les tensions politiques générales sont grandes et les soucis de l’état de la communauté sont patents.

Au cœur de la passe d’arme entre ceux qui sont favorables à la loi portant liberté de la création artistique et ceux qui y sont défavorables, les raisons échangées ne se croisent pas, parce que les présupposés à l’égard des arts divergent.

Afin d’établir leur refus, les uns construisent une équation simple et efficace. L’œuvre d’art contemporain n’est rien d’autre qu’une expression de l’artiste, selon les mots d’une vieille esthétique causale de l’intention, réveillée depuis quelques années. Puisqu’il ne s’agit que d’expression, alors les artistes sont déjà protégées par la loi sur la liberté d’expression. Si l’artiste manque à la loi, il tombe sous ses fourches. Il n’est pas nécessaire de leur faire le privilège d’une nouvelle loi qui les en exempterait. Ils sont déjà protégés comme n’importe quels autre citoyenne ou citoyen. Toute loi spécifique fabriquerait un « régime d’exception ».

On voit ici que la rédaction actuelle de la loi ouvre cette possibilité argumentative, puisqu’elle ne parle que de la création artistique. Il suffit alors d’ajouter que « création » équivaut à « expression » et l’argument tourne tout seul au détriment de la possibilité d’une loi. On peut même se moquer de ce libellé, et certains ne s’en privent pas : c’est évident, quel est le problème, etc.

Le vrai problème cependant est que cet argument repose sur une série de glissements, de l’artiste à l’expression et de l’expression à l’œuvre ; qu’il s’ancre dans une théorie de l’expression apparemment « démocratique », en ce qu’elle fait de chacun un artiste potentiel, par réciprocité ; et que nul n’a plus à se soucier de l’essentiel qui est posé ici.

L’essentiel, en effet, n’est ni l’artiste, ni l’expression, ni la restauration des vieilles esthétiques. L’essentiel est l’exposition en public des oeuvres, conformément à des oeuvres d’art qui ne sont pas « expressions », mais art d’exposition et donc « proposition réglée faite à n’importe qui, à de (futurs) spectatrices/eurs ». Au titre du mode de réception par un public anonyme indéterminé, elles s’exposent évidemment à des commentaires, des oppositions, des pamphlets aussi, qui relèvent tous d’une discussion publique qu’il faut assurer – les diffuseurs le font – et protéger – c’est le rôle de la loi. Mais une proposition établie en œuvre, quelle qu’en soit la nature et de quelque manière qu’elle contribue à reforger la dynamique de nos affects, est bien faite pour être discutée dans le dissensus, non censurée.

Reste donc le cas de la censure de l’exposition et dans l’exposition : morale, politique, communautariste, d’autant que l’œuvre provoque un choc ou une situation étrange (ce qui ne signifie pas qu’elle soit choquante). La censure imposée par tel élu qui interdit la présentation de telle œuvre sur sa commune, y compris lorsqu’il ne l’a pas vue ; celle de telle autorité qui fait enlever telle œuvre d’une exposition parce qu’elle ne veut pas ouvrir un débat ; celle de telle association qui veut faire la police pour que tel problème ne soit pas posé en public, etc. tous cas répertoriés par l’Observatoire de la liberté de création. La question est bien celle de l’imposition de la censure sur les arts exposés et sa négation totale de l’exercice de la spectatorialité.

Une loi est donc nécessaire qui garantisse non la liberté de création, non la protection des oeuvres, mais la liberté d’exposition des diffuseurs, des programmateurs, des médiateurs, des commissaires d’exposition, des directeurs d’institutions culturelles publiques et privées, et protège de surcroît les artistes, en particulier ceux qui ne peuvent faire appel d’une censure devant les médias parce qu’ils n’ont pas la notoriété suffisante. Elle pourrait affirmer le principe : « La création artistique est libre », ce serait un honneur pour la législation d’affirmer cela haut et fort à l’instar des principes démocratiques. Mais, il faut aller plus loin. Elle devrait se prolonger ainsi : « La création artistique et son exposition en public sont libres ».

Les citoyennes et les citoyens seraient protégés par là, dans leur devenir spectateurs. On ne pourrait leur dénier un droit à l’exercice esthétique de voir les oeuvres afin de mieux pouvoir les juger. Que dit la censure ? Les citoyennes et les citoyens doivent rester mineurs et à leur place ! Moi, le censeur, je sais ce qui est bon pour eux, et je peux préjuger de l’effet de l’œuvre sur un public ! Je décide de ce qu’il peut voir ou entendre ! Ce n’est évidemment pas le pari de la démocratie qui est pris par le censeur, car ce parti considère que les citoyens sont majeurs dans l’égalité des intelligences. Le censeur méprise les citoyens, dans le cadre démocratique.

Certes, deux règles peuvent exister pour des sphères d’expérience différentes – liberté d’expression et liberté d’exposition des oeuvres d’art. La législation n’a nul besoin d’être unique dès lors que les activités des hommes sont diverses et ne se recoupent pas au même endroit. Encore en faut-il une pour la liberté d’exposition.

Cela dit, bien sûr, les choses à juger ne se répartissent pas sagement, sous un régime ou un autre. Il est des actes qui échappent à cette répartition. Tant mieux. Cela permettra de ne pas laisser croire en l’éternité de la loi. Elle devra sans doute être remaniée, rediscutée, parce que les oeuvres d’art déplacent sans cesse les problèmes, fendent les harmonies. Elle pourrait aussi se retourner contre des oeuvres futures si d’aventure la définition des oeuvres d’art y était trop précise.

Mais, sous une telle loi, les citoyens redeviennent copartageants et responsables d’un monde collectif, par trois fois : pouvoir voir/entendre les oeuvres et pouvoir en parler lorsqu’elles ont été fréquentées ; exercer une parole discutant le commun ; et demander que l’on révise à nouveau les problèmes dès lors qu’ils se renouvellent.












20150403

Le projet Migrom

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Dear colleagues, dear partners, dear friends,

Please find below links to the first findings of the MigRom Project “The immigration of Romanian Roma to Western Europe: Causes, effects, and future engagement strategies, 2013-2017”.

It is investigating the experiences, motivations, and ambitions of Roma migrants from Romania who have recently moved to Italy, France, Spain, and the UK, and the effect of migration on their own lives and on the lives of relations left behind in the home communities in Romania. It also investigates popular, media, and official reactions to Roma immigration. This project is financed by the European Union under the 7th Framework Programme, coordinated by the University of Manchester and gathers different partners such as the European Roma and Travellers Forum, the Fondation Maison des Sciences de l'Homme, the University of Verona, the University of Granada, the Romanian Institute for Research on National Minorities, and the Manchester City Council.

Read more: http://romani.humanities.manchester.ac.uk/migrom/

Project Briefing, June 2014 : http://romani.humanities.manchester.ac.uk/migrom/docs/MigRom%20Briefing%20No%201.pdf

Digest of the initial research results and policy recommendations: http://romani.humanities.manchester.ac.uk/migrom/docs/ERTF%20Project%20report%201.pdf

Feel free to disseminate these documents !

Best regards,

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Chers collègues, chers partenaires, chers amis,

Veuillez trouver ci-dessous des liens vers des documents présentant les premières conclusions du Projet MigRom : “L’immigration des Roms roumains vers l’Europe occidentale: causes, effets et stratégies d’engagement futures, 2013-2017”.

Ce projet s’interroge sur les expériences, les motivations et les ambitions des Roms migrants de Roumanie qui ont récemment rejoint l’Italie, la France, l’Espagne et le Royaume-Uni, mais aussi sur les conséquences de la migration sur leurs propres vies et les vies de leurs proches qui sont restés dans leur pays d’origine. Le projet porte également sur les réactions officielles, populaires, médiatiques face à l’immigration rom.

Il est financé par l’Union européenne par le biais du Septième programme-cadre et coordonné par l’Université de Manchester. Ce projet rassemble des partenaires aussi variés que le Forum Européen des Roms et des Gens du voyage, la Fondation Maison des Sciences de l'Homme, l’Université de Vérone, l’Université de Grenade, l’Institut roumain de recherche sur les minorités nationales, et la Municipalité de Manchester.

Pour plus d’informations: http://romani.humanities.manchester.ac.uk/migrom/



Présentation du projet, juin 2014 : http://www.ertf.org/images/Reports/BRIEFING_MIGROM_FR.pdf

Résumé des premiers résultats de recherche & recommandations : http://www.ertf.org/images/Reports/migromdigestFR.pdf

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The project will investigate the experiences, motivations, and ambitions of Roma migrants from Romania who have recently moved to Italy, France, Spain, and the UK, and the effect of migration on their own lives and on the lives of relations left behind in the home communities in Romania. It will also investigate popular, media, and official reactions to Roma immigration.

Involving assistants from the Roma communities and drawing on the expertise of an interdisciplinary team of leading scholars in Romani studies, the project will deliver a much-needed ‘Ethnography of Roma Migration’: an innovative analysis of the causes and effects of Roma migration, an assessment of examples of good practice of integration of Roma migrants and a criteria schema for assessing good practice, a practical contribution to capacity building in Roma migrant communities, policy recommendations, and models for community engagement strategies.

The project will attempt to illuminate the Roma perspective on migration through a comparative investigation that will be based in Roma communities and in Roma homes.

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Le projet MigRom a pour ambition d’explorer et d’analyser les expériences, motivations et ambitions des Roms roumains immigrant en Europe de l’Ouest. Ce projet de 4 ans, coordonné par l’Université de Manchester, est mené en partenariat avec les universités de Vérone, Grenade et le Centre roumain pour les minorités nationales de Cluj-Napoca. Le cœur du projet est une ethnographie de familles Romani présente en Europe de l’Ouest afin de saisir les déterminants et les effets des circulations intra-européennes. Au coté de cette anthropologie familiale, il nous faut comprendre les contextes sociaux-historique dans lequel se déroule cette migration et nous avons donc, pour ce faire, développé un volet numérique, dans laquelle deux initiatives ont été menées.

La première s’attache à montrer la force des catégories héritées du passé dans la construction des politiques publiques contemporaines, à partir d’une analyse des catégories juridiques et administratives constituées depuis la fin du XIXème siècle sur les populations dites tsiganes ou itinérantes. L’étude des réseaux des tsiganologues de la fin du XIXème jusqu’à la première moitié du 20ème siècle offre une entrée inédite sur ces questions, et nous avons donc entrepris la numérisation et le catalogage de différents fonds, la présentation raisonnée et géolocalisée d’éléments qui en sont issus (circulaires, correspondance, etc.), ainsi qu’un travail de visualisation et d’analyse de ces données.

La deuxième consiste à mettre en place un dispositif d’analyse de controverse permettant de saisir l’émergence et la diffusion des « questions roms » au cours des élections municipales et européennes de 2014. Il s’agit de comprendre les modalités de circulation des discours politiques sur le Web en utilisant la cartographie des sites politiques.


20150402

Habitat III

Quito, Octobre 2016 ----------------------------------------------------------------------------------------

Il s’agira de la première conférence opérationnelle après l’adoption des Objectifs du Millénaire pour le développement et l’après-2015, lors du Sommet spécial pour le développement durable organisé à New York, en septembre 2015. Le nouvel Agenda urbain mondial qui devrait être adopté à Habitat III fixera les grandes orientations qui seront reprises par les grandes institutions internationales (ONU, Banque Mondiale, Banques régionales de développement,…). La préparation de Habitat III s’appuie sur un double processus : celui des Etats membres porté par ONU-Habitat et celui de la société civile encouragé par la Campagne urbaine mondiale d’ONU-Habitat.

Les Etats membres préparent les documents nationaux et participent à la production des documents régionaux qui seront synthétisés dans un rapport global.

ONU-Habitat a mis en place un groupe de travail international pour rédiger des lignes directrices sur la planification urbaine et territoriale.

Le débat en préparation porte sur « La ville qu’il nous faut » (The city we need). Les documents préparatoires s’appuient sur les documents précédents portant sur la décentralisation et le renforcement des autorités locales, ainsi que sur l’accès aux services de base pour tous.

L’objectif est toujours de définir des principes universels, tout en favorisant une diversité d’approches de la planification. La planification urbaine est définie comme « un processus décisionnel intégré et participatif destiné à atteindre des objectifs économiques, sociaux, culturels et environnementaux grâce à l’élaboration d’une vision commune, de stratégies globales de développement et de plans territoriaux à différentes échelles ». Trois dimensions sont privilégiées : le développement social, la croissance économique et la protection de l’environnement. La mise en œuvre de ces projets nécessité « une volonté politique forte, des cadres administratifs et institutionnels appropriés, une gestion urbaine efficace, une bonne coordination, des approches consensuelles et une mise en cohérence des moyens pour répondre de manière efficace aux défis actuels et futurs ».

A cela s’ajoute que ONU-Habitat veut créer un réseau mondial des Urban Planning and design Labs, des ateliers de projet urbain.



Références :

- www.worldurbancampaign.org

- www.fnau.org

- www.isocarp.org

20150401

Abécédaire

Abécédaire des arts et de la culture
Christian Ruby
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Christian Ruby propose, sous la forme originale de l’abécédaire, un ouvrage questionnant
les notions d’art et de culture dans une approche historique, ouverte et
dynamique.
Loin de se contenter d’apposer des définitions figées aux concepts qui jalonnent
les arts et la culture, il entreprend un voyage au long cours à travers l’histoire des
idées (la philosophie grecque, les Lumières, l’ethnologie, la sociologie contemporaine…)
et aborde le sujet dans toutes ses dimensions : philosophique, sociologique,
anthropologique, politique.
Les références bibliographiques qui complètent chaque définition permettent au
lecteur de se constituer une « bibliothèque idéale » sur la culture qui peut s’avérer
très utile à quiconque entreprend des recherches sur le sujet.
Au final, à l’inverse de l’approche cultivée et eurocentrée entretenue par un
monde professionnel parfois replié sur lui-même, Christian Ruby invite les lecteurs
à penser les arts et la culture en termes dynamiques d’exercice pour qu’ils
nourrissent leur trajectoire personnelle de citoyen, pour qu’ils s’interrogent sur la
question de l’émancipation.
Philosophe, formateur de médiateurs culturels, Christian Ruby est l’auteur de
nombreux ouvrages, dont dernièrement Spectateur et politique. D’une conception
crépusculaire à une conception affirmative de la culture ? (La Lettre volée).
Il a notamment travaillé sur l’oeuvre de Jacques Rancière (L’Interruption. Jacques
Rancière et la politique, La Fabrique). Il dirige la revue Raison présente et collabore
régulièrement aux sites Le Spectateur européen et Nonfiction.

Auteur : Christian Ruby
Collection : Culture et Société
Parution : juin 2015
Prix public : 18 €
Format : 15 x 20 cm
Pagination : 232 pages
Descriptif : dos carré collé
ISBN : 978-2-916002-30-9

Arts et Culture


Arts et Culture : naissance de revuesLe Spectateur européen
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Deux nouvelles revues consacrées aux idées, à la culture et aux arts sont annoncées dans les librairies : aux Editions La Découverte/Médiapart, la Revue du Crieur (3 numéros par an) ; aux Editions de L’Attribut, Nectart (semestrielle). Comment ne pas célébrer ces deux arrivées dans le champ de la réflexion culturelle, alors que les problèmes s’y multiplient ? Elles contribuent justement à envisager une manière de répondre à la « crise de la culture » par la multiplication des réflexions, des analyses et des enquêtes grâce auxquelles prendre de la hauteur et envisager éventuellement des avenirs moins sombres.

Voici quelques détails sur la première revue arrivée sur le marché de la lecture, la Revue du Crieur, ainsi nommée parce que les logos de Médiapart et de La Découverte, pour ceux qui les regardent de près, contiennent des vignettes de crieurs de journaux (voir aussi le site www.revueducrieur.fr). On pourrait d’ailleurs étendre légitimement l’exercice ainsi imagé en convoquant l’aspiration, dans la période en cours, à affronter les affaires artistiques et culturelles en criant haut et fort la nécessité de ne pas se soumettre au prêt-à-penser culturel, et donc de réveiller un monde dont la propension à la soumission volontaire, par connivence ou obéissance, est assez caractéristique.

En rapport étroit avec les choix des thèmes et des angles d’attaque, parfaitement manifestes dans ce premier numéro de la Revue du Crieur, on retiendra l’idée suivante : il est temps de réfléchir au monde contemporain à partir d’enquêtes plutôt qu’à partir d’éclats médiatiques. Chaque article procède par conséquent de la volonté de donner corps au propos portant sur les arts et la culture, non pas à partir de diatribes, mais à partir de la mise au jour du rapport entre les œuvres (citées et commentées) et les structures sociales (contexte, sphère intellectuelle, artistique, etc.) et matérielles (éditoriales, médiatiques) qui les suscitent, les portent ou les diffusent.

Ainsi en va-t-il des enquêtes portant sur la pensée de Marcel Gauchet et de Michel Onfray. En les rangeant sous le titre du « consensus conservateur », ce n’est pas – heureusement - le mépris qui domine à leur égard, mais au contraire la recherche d’une compréhension approfondie de deux œuvres qui à la fois se saisissent de questions essentielles - les caractéristiques les plus spectaculaires du monde moderne, les graves menaces auxquelles nous serions exposés et la montée de toutes sortes de tyrannies - et les vouent à des recettes qui passent plutôt par des formules bien senties que par la réflexion pointilleuse (le relevé des « erreurs » dans les ouvrages de Michel Onfray est déjà bien diffusé). A propos de ce dernier on peut se demander – en marge de l’idée positive d’université populaire – si l’athéisme finalement ne remplit pas la même fonction qu’une religion.

En complétant ces articles par des enquêtes portant sur les rapports de Google et de la presse, sur le déploiement des théories du complot (les Illuminati), et sur la surveillance telle qu’elle est pensée par la NSA, le lecteur est non moins convié à se poser des questions sur la formation de l’intérêt esthétique dans le monde contemporain, sur les liens entre les entreprises et les arts, sur les fonctions du divertissement, etc. On regrette, à cet égard, que l’article précis portant sur l’art et l’argent – même si parfois les propos sont un peu banals -, dans les conditions contemporaines du développement de la sphère artistique, ne soit pas signalé en couverture, car il mérite d’être discuté et sans doute complété, surtout en ce qui concerne les artistes qui s’opposent à ces déploiements.

En ce qui concerne ce premier numéro – prometteur -, on pourrait dire en effet qu’il laisse osciller trop souvent son propos essentiellement autour d’une rhétorique de la catastrophe (intellectuelle chez les penseurs analysés, institutionnelle ou politique chez les entrepreneurs cités). Ce numéro s’efforce encore peu de déceler dans le présent des significations politiques nouvelles, susceptibles de favoriser des écarts avec les conceptions de l’histoire induites chez les uns ou les autres (le paradis ou l’enfer). De même qu’il n’explore pas suffisamment ce qui, dans les sphères de l’art et de la culture, contredit les faits relevés, et ouvre de nouveaux horizons.

Après avoir signalé la parution de la Revue du Crieur (Médiapart/La Découverte), nous voici à même de rendre compte de la parution d’une deuxième nouvelle revue concernant les arts et la culture. Elle s’intitule Nectart (Editions de l’Attribut), soit : Nouveaux Enjeux dans la Culture, Transformations Artistiques et Révolution Technologiques. Sous la direction d’Eric Fourreau, un comité de rédaction (Pascale Bonniel-Chalier, Jean-Gabriel Carasso, Jean Hurstel, Serge Saada, Emmanuel Wallon, ... désolé de ne pas citer chacun) contribue à souhaiter faire de cette revue un instrument d’observation et d’analyse de l’actualité culturelle nationale et internationale, et surtout un instrument pluriel (diversité des signatures), transversal (culture, arts, technologies), de débats. La revue n’exclut par les controverses (on le montrera ci-dessous), prolongées sur le site Internet (revue-nectart.fr).

La lecture du numéro 1 de Nectart alimente largement et avec pertinence la réflexion. On met peu de temps à saisir la qualité des articles, à apprécier l’acuité des regards proposés sur les arts et la culture, à s’approprier aussi des résultats d’enquêtes à partir desquels les analyses sont conduites. Les interrogations à partir desquelles les rédacteurs ont été contactés sont bien celles de l’époque (un événement, une loi, un propos), même s’il est parfois nécessaire de se méfier de trop coller à des thématiques fabriquées par certains médias (le bouleversement du paysage culturel, l’art devenu trop sage, ...). Le risque est tout simplement de répéter, quoique à une autre échelle, ce que tout le monde entend déjà partout.

Ce premier numéro s’ouvre par un entretien avec un invité : le psychiatre Boris Cyrulnik. Interrogé sur la résilience dans l’art, il répond pourtant surtout à la question des fonctions de la représentation dans la formation psychique. En quoi, il reste sur son terrain, ce qui lui permet de rendre son propos habituel plus accessible.

La rubrique Enjeux culturels réunit six articles construits à partir des questions de politiques culturelles : la compétition mondiale autour de la construction des nouveaux musées (Beaubourg, comme paradigme, et Bilbao-Guggenheim comme terrain d’extension, par Marc Terrisse), la question des territoires relativement aux lois récentes (par Emmanuel Wallon), les intermittents, à quoi s’ajoute une interrogation sur la place de la culture dans le régime Hongrois actuel (plus factuel que conceptuel). Chacun article se donne bien pour tâche de partir d’une actualité, puis alimente le débat avec des données, enfin expose le parti pris de l’auteur.

Dans le même dossier, on notera deux articles plus originaux.

Le premier est un article portant sur les droits culturels (Farida Shaheed). Il a le mérite de résumer les principes généraux conçus au niveau mondial (Unesco et Déclaration universelle des droits de l’homme), mais manque sans doute d’une réflexion plus concrète, notamment, sur le projet de loi portant sur la création artistique en cours d’élaboration en France (à discuter d’urgence), sur le concept de « droits culturels » (fort débattu en particulier en Belgique), voire sur les conventions européennes (mises à la question en Allemagne). Le second n’est pas à proprement parler un article, il s’agit plutôt d’une controverse fort intéressante portant sur « Une politique culturelle basée sur l’offre ou sur la demande ? ». Les deux protagonistes (Jean-François Marguerin/Olivier Babeau) déploient leur propos face à face sur plusieurs pages de la revue, ouvrant ainsi simultanément l’esprit du lecteur à ladite controverse.

La rubrique Transformations artistiques donne à lire une étude importante sur les séries télévisées et leur accession progressive au panthéon de l’art majeur (c’est évidemment une interrogation). Cet article rejoint toute une série d’autres articles de ce type, publiés dans les magazines ces derniers temps, comme si une inquiétude sourde devait peser sur les programmes télévisuels de la rentrée prochaine. La sociologue Anne Gonon tente une synthèse concernant l’art urbain. Cette dernière est classique, mais manque d’éclaircissements sur l’usage des concepts, l’espace urbain n’étant pas nécessairement identique aux lieux publics et ces derniers ne pouvant être confondus avec l’espace public. Confusions très courantes en France, alors que nos voisins Britanniques, Allemands et Italiens s’acharnent à juste titre à distinguer ces registres d’analyse.

Enfin, la rubrique Révolution technologique reprend le dossier Netflix, Deezer, Spotify, Amazon... sous l’idée d’une « impossession culturelle », ce qui, après tout, introduit un nouveau concept dans le débat.

Pour donner aux futurs lecteurs encore une précision, indiquons que ces deux nouvelles revues procèdent de typographies assez proches et de mises en espace qui sont typiques de l’époque. Ce qui ne peut qu’encourager leur approche par des lecteurs aux habitudes culturelles récentes.