20130203

Contre le « choc des civilisations »


Roland de Bodt
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       Unbehagen zwischen Civilizationen ? Wegen dem Buch von Samuel Huntington, selten war die Zusammenarbeit zwischen Norden und Süden in den vergangenen Jahrzehnten so mühsam wie heute. Dabei geht es nicht nur um personliche Unverträglichkeiten. Als Grund für die Schwierigkeiten der Dialog, nennt man das Missverhältnis zwischen civilizationen. Und Islam. Weil Europa seine Rolle als Vermittlungsinstanz und impulsgeber nicht spielt, droht ein Kräftemessen. Das hat mit dem zut un, was die Philosophers als Urteils Fehler beschreiben haben.

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In 1993, the American author Samuel Huntington published a book called “The Shock of Civilizations”.  Numerous protests arose against this work. Aside from being aggressive biases, these protests open a war-front that we do not wish to assume. Roland de Bodt offers here some pertinent insights, not so much to counter Huntington’s theses as to help us understand it and resist the influence of discourses that refer to it without specifying it.  He shows that this cultural invention seeks to legitimize, in the eyes of governments, the massive investments carried out in the name of security, and to attempt to legitimize them in the eyes of European, American and Middle Eastern populations through repeated media coverage.  Thus, the shock of civilizations is a strategy that commercializes hatred toward cultural difference in the world in sight of economic and industrial domination’s ever-increasing stakes.

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Bu makale "medeniyetler soku" kavramini sorguluyor. Zira, farkli kulturlerin, farkli lisanlarin, tarihlerin karsilasmasi, iliskiye girmesi, hangi nedenlerden dolayi medeniyetler soku olarak tanimlaniyor ? Yazar "medeniyetler soku" kavrmamini elestiriyor. Bu kavramin ekonomik, tarihsel ve konjonkturel acidan degerlendirilmesi gerektigini savunuyor.  Gerek soguk savas donemi, Gerekse Berlin duvarinin getirdigi strukturel degisikler, bu calisma kulturlerin karsilasmasini o degisik acidan degerlendiriyor. Zira, "emniyet politikalarinin" medeniyetler sokunu tetikledigini savunuyor.

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       Në vitin 1993 amerikani Samuel Huntington shkrujti një libër me titull « Les choc des civilisations». Shumë njerëz protestuan Mbase promovimit të ketij libri për disa arsye. Roland de Bodt na propozon një reflektim për të na ndimuar të mos të influencoemi nga teza e Huntington-it. Aji na tregon se  shpikjet kulturale i bëjnë investimet sekuritare të domosdoshme për popujtë evropian, të lindjes së mesme dhe Amerikan. Strategjia e ketij libri ka disa çeshtje, sidomos ekonomike dhe Industriale.

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         År 1993 utgav Amerikanen Samuel Huntington ett verk : ”The clash of civilisations”. Det är många protester mot denna bok, därför att den öppnar en konfliktuell front som vi inte vill stå för. Roland de Bodt, från Belgien, föreslår här några relevanta tankar, inte så mycket för att stå emot Samuel Huntingtons teori men mest för att få oss att inte bli påverkade av den. Bodt visar att detta kulturella  påfund försöker att legitimera, i regeringarnas ögon, massiva investeringar och försöker, via media, dagligen, att få dessa investeringar att verka nödvändiga i Europas, Mellanösterns, och Amerikas befolknings ögon. Detta gör att strategin som tjänar på hatet av kulturella skillnader i världen, täcker, varje dag, utmaningen av ekonomisk och industriell dominans som växer dag för dag.

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       La notion de « civilisation » a une longue histoire derrière elle. Mais dans ses usages récents, elle fait l’objet d’un détournement. Les propos de Samuel Huntington, dans l’ouvrage « Le choc des civilisations », sont polémologiques et mortifères. Cet auteur substantifie la notion de civilisation, afin de muer les systèmes sociaux en systèmes inertiaux, incapables de transformations dynamiques internes. L’appartenance civilisationnelle passe alors pour un destin à assumer. Cette conception de la civilisation, montre par exemple Alain Cambier, dans Qu’est-ce qu’une civilisation ?, Paris, Vrin, 2012, exacerbe les exclusivismes identitaires, qui font de l’autre un ennemi potentiel au sein d’une identité culturelle imaginaire.
       A cette réflexion, nous avons voulu en ajouter une autre que nous devons à Roland de Bodt, chercheur et écrivain belge, qui vient de publier Neufs essentielles pour déconstruire le « choc des civilisations ». Nous lui laissons la parole ci-dessous.

       Depuis près de vingt ans, nous entendons régulièrement parler du « choc des civilisations » comme si – par « nature » – les cultures et les civilisations étaient destinées inévitablement à entrer en collision les unes avec les autres. Comme si les différences culturelles étaient si inconciliables qu’elles conduisaient nécessairement à la destruction de l’autre. C’est un des grands enjeux culturels du début du XXIe siècle de déconstruire cette affabulation fulgurante qui est probablement aussi une des plus dangereuses mythologies guerrières de l’histoire de l’humanité. Le projet Rives d’Europe et l’association Culture et Démocratie ont associé leurs forces pour contribuer à cet enjeu de paix et de dialogues pour notre temps.

L’héritage de la guerre froide

       Ainsi, si nous voulions essayer de comprendre le « choc des civilisations », il serait indispensable de prendre en considération, dans un premier temps, la période historique qui précède la chute du mur de Berlin (1989). Il conviendrait de rappeler à nos souvenirs cette période de grandes tensions internationales, entre deux blocs « Est » / « ouest ». Une période historique caractérisée par un véritable régime de terreur ; un régime de terreur inspiré par les dangers d’un conflit nucléaire ; régime de terreur auquel l’histoire a donné un nom, celui de la « guerre froide ». Au lendemain des bombardements des villes d’Hiroshima et de Nagasaki (août 1945), les populations de la planète vivent, durablement, dans la terreur d’un nouveau conflit nucléaire mondial. Partout sur la planète, les images de ces premiers bombardements atomiques de populations civiles restent gravées dans les mémoires. Au fil de ces années de guerre froide, le conflit entre les deux blocs – le bloc « communiste » et celui des « Etats libres de l’occident » – a servi de modèle d’explication des relations entre les nations dans le monde.
Un modèle pratiquement exclusif : il semblait pouvoir tout justifier. Il expliquait non seulement les événements, les relations, les tensions et les alliances internationales ; mais encore il justifiait les grandes orientations budgétaires adoptées par les divers gouvernements, chacun au sein et à l’égard de son propre pays. Je pense tout particulièrement aux arbitrages des gouvernements et des parlements entre divers types de dépenses publiques : ici, les dépenses militaires, les dépenses de sécurité et, là, les dépenses d’enseignement, de santé, d’assurances sociales. Jusqu’à la chute du mur de Berlin, ces quarante années de guerre froide laisseront de profondes marques dans les imaginaires des populations. Les grandes figures culturelles, qui évoquent les peurs populaires générées par ce conflit, restent bien présentes dans les imaginations : celle de « la guerre des étoiles », celle du « bouclier nucléaire », ou encore celle de « l’hiver nucléaire », etc. Même à ceux qui n’ont pas vécu cette période, les figures culturelles de ces grandes peurs de la deuxième moitié du XXe siècle sont familières !

Régime de terreur et politiques publiques de sécurité  
      
       Cette politique de la terreur, face à un éventuel conflit nucléaire, a justifié dans les pays libres des choix technologiques et industriels stratégiques, c’est-à-dire des investissements à long terme (plus de dix ans). Ces choix ont largement été soutenus par les budgets publics des Etats démocratiques. Et il ne paraît pas insensé, aujourd’hui, de considérer que, sans ce régime de terreur – c’est-à-dire sans les peurs tendues par la guerre froide dans les esprits et dans les cœurs des populations – de tels investissements publics dans les secteurs de l’armement, du renseignement et de la sécurité, n’auraient pu se concilier les gouvernements. Comment auraient-ils pu recueillir l’assentiment des populations ? des responsables ? des contribuables ? des citoyens ? des électeurs de ces Etats ?
       Et si nous admettions ainsi que les grandes peurs de la guerre froide formaient les conditions structurelles de ces investissements publics, nous pourrions alors nous représenter ce que le développement technologique et économique de ces industries doit au régime de terreur qui l’a justifié de manière permanente pendant près d’un demi-siècle. Nous pourrions aussi mesurer, plus précisément, combien ce régime de terreur va rendre légitime, pendant toute la durée de la guerre froide et jusqu’à la chute du mur de Berlin, la capacité de ces industries à attirer des parts de plus en plus considérables des moyens affectés aux politiques publiques. Et on pourrait alors se demander, avec raison, si ces moyens publics ne seraient pas devenus structurellement indispensables au maintien voire au développement de ces activités et de ces secteurs industriels. Telles sont probablement, à la veille de la chute du mur de Berlin, les contraintes structurelles d’une partie non négligeable du tissu industriel mondial. Contraintes technologiques et économiques structurelles pour l’industrie mondiale héritées non seulement de « l’effort de guerre », pour sortir de la seconde guerre mondiale, que de la « course aux armements » qui a caractérisé la guerre froide.

Nécessité de restaurer le « choc des civilisations » dans les circonstances historiques de son apparition

       C’est dans la restauration de ces perspectives historiques qu’il devient possible d’essayer de construire une représentation des conditions et des acquis industriels que la chute du mur de Berlin a menacé subrepticement. En effet, dès ce jour-là, le plus important conflit – qui justifiait l’histoire et la dynamique du développement technologique et économique d’une partie considérable de l’industrie du XXe siècle, à charge des politiques publiques des Etats – disparaissait. Ces circonstances industrielles qui structurent le développement technologique et l’économie mondiale n’ont-elles pas été insuffisamment évoquées à propos du « choc des civilisations » ? Et si oui, pourquoi ?


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http://www.cultureetdemocratie.be/documents/lettre_45/livre-version-ecran.pdf

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