20100406

ESTHER SHALEV-GERZ : Ton image me regarde!?


Josette Delluc
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            L’artiste Esther Shalev-Gerz est bien connue dans l’Union européenne pour des expositions qui sont passées de villes en villes. Elle a déposé des oeuvres dans des lieux célèbres. Regardons sa dernière exposition, à Paris.

Esther Shalev-Gerz affirms her enthusiasm toward otherness and her interest in multiplicity, as announced through the title of her exhibit “Your image is watching me!?”.  In Echoes in Memory, photographs created from 3D virtual sculptures representing the dozen female writers and artists that influenced her can be considered as her doubles. Thus, Esther Shalev-Gerz chooses Claude Cahun.

Paris'teki bir sergiyle ilgili Esther Shalev-Gerz çeşitliliğe ve farklılığa olan heycanını vurguluyor. Serginin başlığı " İmajın bana bakıyor !? ". Öte yandan, Echoes in Memory'de Shalev onu etkileyen isimlerden (sanatçı ve ressam ağırlıklı) de bahsediyor. Esther Shalev-Gerz'in bahsettiği isimler arasında Claude Cahun, Louise Bourgeois veya Susan Sontag ve Rose Selavy veya Artemise Gentileschi ( Greenwich Müzesinde yer alan bir ressam )


Marta Gili, directrice du Jeu de Paume, a consacré son musée à 3 artistes femmes, chacune représente une génération. La célèbre Lisette Model dont l'œuvre s'est achevée avec sa mort en 1983, la jeune Mathilde Rosier et, Esther Shalev-Gerz qui née à Vilnius est revenue en Europe après une adolescence israélienne, elle expose un travail issu d'une réflexion menée depuis une trentaine d'années.
En franchissant le seuil du bâtiment de La Concorde, déjà nous nous interrogeons : quel est ce bruit ? Puis, l'ensemble de l'exposition repose sur le questionnement de la créatrice. Il porte sur le double problème de la transmission, et de la préservation de la mémoire.
L'artiste traite de la transmission et, à sa manière, de la question sociale dans Sound Machine, elle cherche à repérer et qualifier le trouble causé par l'infernal cliquetis des machines dans le souvenir des ouvrières du textile et celui de leurs filles qui subirent dans leur vie fœtale un vacarme identique à la sonorisation qui nous alertait à l'entrée du musée. Question sociale aussi posée par Jacques Rancière, lisant un extrait de son livre « Spectateur émancipé » il rappelle que jeune intellectuel il allait dans les usines à la rencontre des ouvriers, sans doute à la fin des années 1960, lorsque militant pour une université populaire il enseignait au Centre Universitaire de Vincennes. Esther Shavez-Gerz qui utilise différentes techniques, choisit le vidéogramme pour exprimer le thème de l'échange : Jacques Rancière défend la posture du « spectateur-acteur » il est associé sur l'écran à la traductrice Rola Younes qui explique souffrir de l'absence mémorielle d'un Liban divisé et apprendre la langue des minorité pour aller à la rencontre de l'Autre ; ses choix sont remarquables puisqu'en priorité elle nomme l'hébreu et le yiddish. L'installation, créée pour cette exposition, est intitulée: D'eux, ce jeu de mot traduit la réunion du philosophe et de la traductrice et aussi la générosité de leur engagement intellectuel.
Esther Shalev-Gerz affirme son élan vers l'altérité et son intérêt pour le double, elle l'annonce dans le titre de l'exposition « ton image me regarde !? ». Dans Echoes in Memory une dizaine de figures féminines représente les écrivaines ou plasticiennes qui ont influencé la créatrice, ces images photographiques créées à partir de sculptures virtuelles en 3D peuvent être considérées comme ses doubles. Ainsi Esther Shalev-Gerz choisit-elle Claude Cahun, Louise Bourgeois ou Susan Sontag et avec humour Rose Sélavy ou Artémise Gentileschi (peintre qui serait intervenue bien avant elle dans ce même hall du National Maritime Museum de Greenwich). Poursuivant, l'artiste rend hommage à la littérature anglaise et à ses inspiratrices en incluant à sa galerie de femmes Alice Liddell ! Gaité et légèreté caractérisent cette œuvre qui fait référence aux Surréalistes: Marcel Duchamps, Meret Oppenheim, pourtant les propositions de l'artiste traduisent aussi des réflexions profondes et graves principalement lorsqu'elle s'attache au travail sur la mémoire. C'est alors un cadrage très serré qui est adopté pour réaliser des portraits et s'intéresser seulement à l'homme. Dans la continuité d'Ingmar Bergman, l'image souvent frontale nie le décor au profit du visage. Des gros plans sur un détail, l'œil ou la bouche accompagnent les paroles des immigrés de First Generation, qui dressent le bilan de leur déplacement, entre acculturation, déracinement et intégration. Dans Menschen Dinge, le parti pris du cadrage serré est appliqué aux entretiens avec le directeur du musée des objets trouvés de Buchenwald, l'archéologue, l'historien, la restauratrice, tous cherchent à approcher au plus près ceux qui tentaient de préserver leur nature humaine dans l'univers concentrationnaire. Ce procédé du portrait cinématographique est parfaitement bien maîtrisé et particulièrement efficace lorsque Esther Shalev-Gerz écoute les rescapés d'Auschwitz : Entre l'écoute et la parole : derniers témoins, Auschwitz 1945-2005. L'artiste a choisi de filmer ces femmes et ces hommes au moment où ils ne parlent pas. Elle enregistre leur témoignage et décide paradoxalement de ne pas diffuser les paroles. Ce mode de représentation conduit à la vérité. L'image seule, traduit la profondeur de la douleur, et, les regards fixes, les crispations des visages et des mains, la respiration oppressée expriment l'indicible.
Enfin l'intervention directe devant une caméra d'Esther Shalev-Gerz lui permet de communiquer sa réflexion. Ainsi sommes-nous initiés à la démarche de celle qui questionne et refuse les certitudes, comme l'indique la double ponctuation finale de l'intitulé de son exposition (!?),
            L'étrange horloge à double cadran, appelée Les Inséparables, renvoie à Walter Benjamin mais sans doute aussi au Surréalisme. Cet objet, qui a été fabriqué pour l'exposition, synthétise le penchant de l'auteur pour la gémellité et résume son effort obsessionnel pour comprendre et exprimer le passé, connaître l'histoire pour mieux comprendre l'avenir. En fait Esther Shalev-Gerz se livre totalement dans son œuvre et nous accueille dans sa propre histoire, ses lieux, les fondements de son initiation, ses différentes attaches culturelles. Nous pénétrons dans son univers fait de confrontations, d'échanges et de dons auxquels nous sommes intégrés et même assimilés si nous le souhaitons.