20100307

Editorial

Christian Ruby
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Euro oder Europa ? Die deutsche Presse schlägt Euro-Alarm. Der Spiegel titelte Anfang Mai : Euroland ist abgebrannt. Ein Kontinent auf dem Weg in der Pleite. Aber was ist noch zu retten ? Für uns : Europa ! Das hat sich für alle Europäerinnen und Europäer ausgezahlt. Noch nie hat es auf europäischem Boden eine längere Friedensperiode gegeben als seit der Unterzeichnung der Römischen Verträge. Europa als neues organisierendes Prinzip. Es gibt Dinge, die lassen sich auch mit Geld nicht erklären.

Three recent works enable us to reconsider on the european question without reabsorbing it simply to the economic aspects which often cause us to mix up the euro and Europe. Overall, these books are calling on us not to perceive the cultural issue as a national, enclosed problem. Culture is evidently one of the means available to let go of the self and adopt a critical point of view on our very own personal and national identity. Thus, culture is brought upon education. Nonetheless, a European cultural project would be meaningless if it did not give to everyone the means of a dynamic, trajectory, organised around obstacles to surmount and prospects to be worked out starting from a principle of translation.

Yeni cikan uc kitap ekonomik alanlarda derinlesmeden ve bilhassa, avro ve avrupa karmasikligina deginmeden, bizleri Avrupa sorusuna geri getiriyor.Kendi icimizde hapis kalmamiza engelleyecek bir kultur kavramini bize hatirlatiyor.Genelikle kimlik ozkritigi ve kisilik sorgulamasinin alisilagelmis sekli dogal olarak kultur ustunden yapilir. Hangi hakla kultur egitimin gostergesi olabilir. O zaman kulturun bir egitimden kaynakladigi da o kadar onem alir.Kulturle baslayan bir avrupa egitim projesi ancak o projeye dahil olan her bireye ayni dinamik olanaklarini tanirsa, zorluklarin cozumune odaklanmis hedefe vede bilhassa olusturulan perspektiflere bir tercuman gibi yaklasabilirse anlam ve deger kazanacaktir

Tres obras nos permiten volver de nuevo sobre la cuestion de Europa sin reabsorberlo enteramente en los aspectos económicos que nos hacen confundir euro y Europa. Más ampliamente nos piden también evitar hacer de la cultura el principio de un cierre. La cultura es obviamente uno de los métodos posibles de la desilusión sí y de la crítica de la identidad. En virtud de qué, la cultura depende bien de una educación. Pero un proyecto educativo europeo de la cultura sólo tendría sentido si puede dar a cada uno los medios de una dinámica y de una trayectoria, organizadas en torno a obstáculos que deben superarse y a perspectivas de composición que deben elaborarse a partir de un principio de traducción.





L’année écoulée, marquée, par exemple, par le quinzième anniversaire de l’inscription dans la Constitution belge (Article 23, alinéa 5) du droit à l’épanouissement culturel, constitue une occasion parmi d’autres de réfléchir au sens et au fonctionnement de ce droit fondamental. Que signifie, en effet, « avoir droit à l’épanouissement culturel » ? Comment ce droit s’applique-t-il ? Jusqu’où va le droit pour chaque individu de participer à la vie culturelle de sa communauté ou d’une communauté élargie ? Qu’en est-il pour les personnes défavorisées ? S’agit-il d’un instrument de protection des minorités ou, à tout le moins, de la vie culturelle suscitée par les échanges, les confrontations et les dissensus entre propositions différentes ? Ou d’un droit à participer aux processus décisionnels relatifs à la culture ? Le droit à l’épanouissement culturel est-il un véritable droit ou simplement une orientation pour le législateur ?
Tout cela ne s’entend bien que si l’on évite de faire de la culture le principe d’une clôture sur soi. La culture est évidemment un des modes possibles de la déprise de soi et de la critique de l’identité. En vertu de quoi, la culture relève bien d’une éducation. Mais un projet éducatif européen de la culture n’aurait de sens que s’il est susceptible de donner à chacun les moyens d’une dynamique et d’une trajectoire, organisées autour d’obstacles à surmonter et de perspectives de composition à élaborer à partir d’un principe de traduction.
A cet égard, le dernier ouvrage de Lucien Jaume souligne avec pertinence qu’une culture européenne ne saurait être tissée d’identité ou de conscience européenne à fonder dans une « origine ». Dans Qu’est-ce que l’esprit européen ? (Paris, Flammarion, 2010), il insiste sur l’idée selon laquelle Europe correspond à un esprit et non à une doctrine. Si les Européens ont développé dans leur histoire une chose originale, parmi d’autres plus tragiques, c’est bien cet esprit d’une confrontation nécessaire des idées et des thèses, cette idée de multiplicité de perspectives à discuter et d’écarts à entretenir pour donner corps non à un espace politique homogène, mais à un principe d’ouverture infini. Contrairement aux doctrines les plus répandues, l’Europe refuse finalement de s’enfermer dans la monoculture et le monolinguisme.
Et cela d’autant plus que les pays européens qui passent pour monolingues ne le sont pas complètement. Une enquête récente des Instituts de recherche français (notamment l’INED, Institut national des Etudes démographiques) montre que le bilinguisme est courant en France. Non seulement les langues régionales résistent et ont toujours résisté à la domination du français, mais la tradition d’intégration à la française se trouve en défaut. Certes, il ne s’agit pas pour autant de bilinguisme ou de multilinguisme réalisés, puisque les langues diverses n’ont pas le même statut. D’autre part, la disqualification de certaines langues  - cas de l’arabe ou des langues africaines – ne favorise pas l’extension du phénomène. Les uns ou les autres peuvent encore avoir peur de la stigmatisation. Il n’empêche, pour des raisons différentes (exil et mémoire, résistance, volonté de transmission, simple usage en marge de la scolarité), les langues non françaises résistent bien. Le bilinguisme est une pratique courante.
De surcroît, nous rappelle François Jullien, dans Le Pont aux singes, de la diversité à venir, fécondité culturelle face à identité nationale (Paris, Galilée, 2010), nous nous sommes certes longtemps baignés dans la monoculture, c’est-à-dire dans l’ignorance d’être nous-mêmes une culture parmi d’autres, même si nous avons cherché à promouvoir des valeurs universelles. Mais, le travail de générations d’anthropologues et le décentrement historique qui a infligé une blessure narcissique majeure à l’Occident, ont ouvert l’esprit européen à sa propre diversité.
De ce fait, le concept d’universel est mis en contradiction avec ses propres exigences. Encore n’est-il pas nécessaire d’y renoncer. Il convient plutôt de le penser autrement. Ni à partir d’un idiome commun, ni à partir d’une langue unique, ni à partir d’une culture neutralisée (passe-partout, c’est-à-dire dominante sans pôle de domination autre que le commerce). Mais à partir d’une exigence : celle de se déployer entre les deux obstacles que sont l’identité close ou l’appartenance communautaire, et l’illusion d’une culture universelle dépouillée de toute référence. Ni la pluralité insurmontable, ni le pragmatisme de l’universel sans contenu, donc, mais l’interférence et l’engagement réciproque. En ce sens, se cultiver, c’est bien accepter l’effraction de l’altérité et l’ouverture à la traduction, que nous avons toujours défendus dans le Spectateur européen.
Encore faut-il se donner la peine de ne pas penser l’Europe en dehors ou en marge du monde. C’est à quoi nous invite Dominique Moïsi, dans La géopolitique de l’émotion (Paris, Flammarion, 2010). Quelle est la dynamique du monde ? L’ouvrage présente la thèse selon laquelle le temps des nationalismes et des idéologies laisse place aux revendications de reconnaissance, et par conséquent, tel est son parti pris, l’équilibre de la puissance dans le monde dépend de plus en plus d’un équilibre des émotions.

 L’ouvrage dresse alors une carte autour de trois grandes tendances : une culture d’espoir en Asie (Inde, Chine), une culture d’humiliation dans le monde Arabe ou les pays musulmans (Egypte, Iran), une culture de peur en Occident.
Un ensemble de facteurs vient appuyer cette géographie émotionnelle : bien entendu l’importance du passé et des grands récits de l’histoire dans des logiques d’aspiration à la puissance ou la revanche ; mais aussi la dynamique économique et financière des pays ; la puissance politique qui se dégage de cette puissance économique et les zones d’influence qui se coupent et se recoupent ; ou encore l’innovation culturelle des pays qui traduisent richesse et puissance dans des projets de grande envergure.
            Europe, donc, voilà d’abord le nom d’une interférence assumée. D’ailleurs, au fur et à mesure des consultations d’archives, la notion de Spectateur révèle ses multiples usages, dans le domaine du journalisme comme dans celui de l’observation des mœurs et des cultures entre pays. Si nous prenons un point de vue élargi, un regard rapide sur les revues européennes historiques permet de saisir une série de déplacements intéressants, concernant cette notion. Entre Marivaux et son Spectateur français, reprise du Spectateur anglais, tous deux consacrés à des explorations de type national, et dont nous avons déjà parlé ; les revues du XIX° siècle, telle celle de Friedrich Schlegel (Europa), une revue destinée à un public de langue allemande, publiée de 1803 à 1805, mais dépassant déjà les frontières des pays les plus proches (notamment en direction de Bruxelles et de Cologne) ; Le Spectateur républicain publié en France au XIX° siècle, et nous, nous n’assistons pas seulement à un élargissement progressif des projets. Nous observons le dessin de réseaux tout à fait nouveaux, toujours déjà commencés au niveau de la culture et des arts, notamment par les citoyennes et citoyens polyculturels - Elias Canetti ne fut-il pas écrivain, de milieu juif séfarade, d’expression allemande, originaire de Bulgarie, de nationalité turque, et devenu citoyen britannique ? Et que dire de Chopin (Pologne, Autriche, France) ou de Turner faisant le Grand Tour (Londres, Venise, Paris, Bruxelles) ? – et entretenus dans  des réseaux d’échanges, de confrontation, de traduction, d’interrogation réciproque. 

20100306

Une utopie culturelle en marche

Christian Ruby
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            Dans son dernier ouvrage (Une nouvelle utopie culturelle en marche ? Essai sur une autre vision de l’action culturelle en Europe, Toulouse, L’Attribut, 2009), Jean Hurstel déploie un chapitre de réflexions portant sur l’Europe et la Culture dont voici quelques éléments. (p. 111 sq), autour de la ligne directrice suivante : il est possible de s’appuyer sur certains réseaux culturels européens pour construire une nouvelle utopie pour l’Europe.
            Was tut Europa für ihren Kulturellent Nachwuchs ? Dem Geist der Aufklärung verbunden, wurde in Europa das Primat der Kultur eingeführt. Es waren aber Momente, in denen nach erklärter Zeit die Weltgeschichte plötzlich zu explodieren schien. Die Umwälzungen berührten jeden. Als eine der wichtiger Persönlichkeiten diesen Bereich prägt er, Jean Hurstel, eine ganze Ära von Büchern (Une nouvelle utopie culturelle en marche ? Essai sur une autre vision de l’action culturelle en Europe, Toulouse, L’Attribut, 2009). Zudem, machte er sich als Erfahrer einen Namen und engagiert sich mit seiner Themen für den Kultur. Dieses Buch soll aufrütteln.

En su ultima obra ( Una nueva utopia cultural en marcha ? ensayo sobre una otra vision del accion cultural en Europa, Toulouse, atributo, 2009), Jean Hurstel desplega un capitulo de reflexiones respeto a Europa y su cultura cuyo nos presenta unos elementos. (P.111 sq), alrededor de la linea siguiente : es posible de respaldarse sobre unos redes culturales europeos para construir une nueva utopia para Europa.

In his previous book (Une Une nouvelle utopie culturelle en marche ? Essai sur une autre vision de l’action culturelle en Europe, Toulouse, L’Attribut, 2009), Jean Hurstel unfolds a whole chapter of  thoughts on the whereabouts of Europe and it’s Culture, which we can see elements of on p. 111 sq,  around the following guideline: we can see that it is possible to build a new European Utopia by leaning on certain European Networks of Culture.

Yazar Jean Hurstel son kitabı ("Hazırlıkta olan yeni kültürel utopya ? Avrupa'da oluşan kültürel etkinliklerle ile ilgili başka bir bakış açısı" Toulouse, L'Attribut, 2009 )  adlı kitabında Avrupa kültürlerinin karşılaşmasına değiniyor. Hurstel, Avrupa'nın kültürel ağalarına dayanarak bu kıtaya yeni bir kültürel utopyanın inşa edilmesinin mumkün olduğunu savunuyor.






          Après avoir constaté que les différents pays composant l’UE conduisent des politiques de la culture tout à fait éloignées – les uns sous forme de centralisme (France, Grèce, Portugal), les autres activement décentralisées (Espagne, Italie, Suède), les autres encore totalement déléguées (Royaume-Uni, Irlande, Finlande) et les dernières déléguant ces politiques aux Régions (Allemagne, Belgique) -, l’auteur relève que l’UE s’est enfin décidée à inscrire la compétence culturelle dans le traité de Maastricht, en 1993.



            Il souligne que « le Conseil de l’Europe a joué un rôle fort, dynamique et très anticipateur dans le domaine culturel, un rôle visionnaire sous la houlette de fonctionnaires militants, comme Raymond Weber (directeur du département culture, sport, éducation du Conseil de l’Europe) ».
            Ce serait donc le Conseil qui assurerait la promotion des réseaux culturels européens et qui créerait un forum des réseaux. Il y a aurait là « un formidable capital de réflexions, d’informations, d’expertises qui sombre peu à peu dans l’indifférence et l’oubli ».
            Cependant, passées entre les mains de la Commission européenne, les données de la politique culturelle sont tombées entre les mains d’une bureaucratie tatillonne. Désormais, « il va falloir engager un long voyage en bureaucratie, un parcours particulièrement éprouvant dans le labyrinthe de la commission, avec une infime, minuscule chance de succès ». Mais, « un fonctionnaire sourcilleux remarque que tu n’as pas signé le troisième exemplaire du budget à l’encre bleue, ou que ton partenaire suédois, la ville de Stockholm est représentée par trois districts de la ville et non par la municipalité centrale, alors adieu, veau, vaches, cochon et projet ». Si d’autre part, « par le plus grand des hasards, ton projet est retenu, ne crois pas être tiré d’affaire. Le moindre changement dans le déroulement et tu dois négocier durement, justifier la moindre dépense ».
            Faut-il alors passer plutôt par d’autres réseaux ?
            « Tu sais ce qu’est un réseau ? L’active subversion de l’institution officielle. Des personnes et non des fonctions qui coopèrent par affinités électives, en partageant les mêmes valeurs, les mêmes préoccupations sans la moindre trace de hiérarchie, de centralité, de pairs égaux qui décident collectivement de leur organisation de type anticolonialiste ». L’auteur, alors tente de répertorier ces réseaux :
-         IETM, Informal European  Theater Meeting, fondé en 1981.
-         Trans Europe Halles, fondé en 1983, aux Halles de Schaerbeek, à Bruxelles.
-         Huset à Copenhague,
-         Melweg à Amsterdam,
-         KulturFabrik à Coblence,
-         Kaapelitehdas en Finlande,
-         Artfactories, réseau associé à un centre de ressources,
-         Réseau Banlieues d’Europe. 

Ces réseaux s’établissent autour d’une perspective : « Décentrer le regard vers un ailleurs foisonnant d’autres démarches, d’autres enjeux, d’autres contextes plutôt que l’enfermement répétitif des manières de penser et d’agir ». D’ailleurs, « Les réseaux culturels eux-aussi sont partagés entre la promotion d’une société civile européenne et les objectifs professionnels à court terme. Et malgré tous les efforts du réseau Culture Europe Action, l’Europe culturelle reste à construire et la citoyenneté européenne, à approfondir ».
            Cette Europe là a relancé le mouvement, le dialogue interculturel, la surprenante découverte de l’altérité, de la diversité irréductible des cultures. Il suffit de consulter l’ouvrage Réenchanter la ville, un parcours exploratoire des projets culturels de huit villes européennes mené avec Banlieues d’Europe. Par exemple, en suivant ces principes, à Glasgow, les habitants d’un quartier avec l’aide d’architectes, de paysagistes, dessinent un par cet imaginent une salle d’exposition à la base d’un clocher que la municipalité voulait raser. A Belgrade, habitants et artistes joyeusement associés réinventent des manifestations contre Milosevic. Encerclement festif du Parlement, avec 20 000 réveille-matins et une seule pancarte : Réveillez-vous !
            Et l’auteur de conclure : « L’Europe, ce n’est pas seulement quelques bâtiments, des centaines de bureaux, des rencontres entre ministres et chefs d’Etat, .... mais bien une relation forte, vivante, essentielle à un territoire et à des populations ». « Sans participation active des citoyens, sans un désir partagé de construire une œuvre commune qui transcende les clivages nationaux et les exclusions nationalistes, l’Europe sera une enveloppe formelle, une coquille vide ».



            En un mot : « l’Europe est bien la métaphore de l’élaboration d’une œuvre d’art, qui se noue en modèle réduit dans les multiples projets fédérés par Banlieues d’Europe ». 


20100305

« Il y n’a pas d’artiste contemporain en Tunisie ! »

Anette O. Boissier
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Il ne suffit évidemment pas d’examiner ce que les Européens construisent à l’intérieur des frontières de l’UE notamment, il importe surtout d’analyser les rapports qu’ils instaurent avec les « autres » (pays, cultures, gouvernements). Voici, au travers d’un cas, un exemple de comportement qui nous interroge sur nous-mêmes. Ce texte fut présenté lors de la rencontre de l’ATEP (Association Tunisienne d’Esthétique et de Poïétique) organisée par Rachida Triki : Les paradoxes du contemporain dans l’art (29-30 janvier 2010). Il est ici repris en l’état. Il porte sur « Les conditions de l’échange entre les scènes artistiques locales
et la scène internationale de l’art contemporain ». C.R.

Es geht mal wieder um die Beziehungen zwischen Europa und die Anderen. Es geht nicht nur um Kunst. Eher um Misstrauen und Wettebewerbsfähigkeit. Nicht um Vertrauen. Es sei tragisch und unerträglich ! Das Wort einer europeanicher Kritiker – es gibt keine Zeitgenössische Kunst in Nord-Africa – holt einen allerdings unsanft in die Realität zurück : der Kampf zwischen Europa und neben Länder. Diese Beitrag soll die verschiedenen Internationalen Beziehungen aus verschiedenen Blickwinkeln beleuchten. Ein Plädoyer für Dialog gegen Menschenverachten. Das Potenzial dazu hat er.

No basta evidentemente de examinar lo que los Europeos contruyeron al interior de las fronteras de UE en particular, lo que importa en su mayoria es analisar las relaciones que establezcan con los {{demas}} (paises, culturas, gobiernos). Aqui, a traves de un caso, un ejemplo de comportamiento nos interoge de nosotros incluso. Este texto fue presentado durante el encuentro del ATEP (Asociacion Tunez de la estetica y poetica) organizada por Rachida Triki : Las paradojas del contemporeano en el arte (29-30 de Enero 2010). Aqui, fue retomado en su estado se refiere {{a las condiciones de cambio entre las escenas artisticas locales y la escena internacional del arte contemporeano}}.



It is obviously not enough to only take into account what the Europeans are building within the borders of the European Union, it is above all important to analyze the relationships they establish with the "others" (countries, cultures, governments). Here, through a particular case, we can see an example of behavior that makes us question ourselves. This text was presented at the meeting of the TAAP (Tunisian Association of Aesthetics and Poiesis) organized by Rachida Triki: The paradoxes of contemporary art (January 29-30 2010). It is included here in the state. It focuses on "The terms of exchange between local art scenes and the international stage of modern art”. 

Avrupa'yı irdelemenin en iyi yöntemlerinden biri  kuşkusuz Avruaplıların AB çerçevesinde inşa ettiiklerinden daha çok Avrupa'nın "öteki" ile (yani ülkeler, devletler, ve iktidarlala)  kurduğu ilişkileri incelemektir. Raşida Triki'nin ATEP ( Association Tunisienne d'Esthétique et de Poïétique ) kurumuna sunduğu metin bu gerçeği anlamak açısından önemli bir örnek. Metnin başlığı : Çağdaş sanataki çelişkiler. Metin çağdaş sanatın yerel düzeyde yapılan sanat sahnelerin uluslarası sahnelerle yaptığı alışverişleri inceleyen bir metin.


Ces dernières années, plusieurs commissaires internationaux ont prospecté en Tunisie. Ils ont invariablement diffusé l’idée, par leurs actes ou leurs paroles, qu’il n’y a pas d’artiste contemporain dans ce pays. Pourtant le label « art contemporain » est utilisé par certains artistes afin de définir leurs œuvres. Je voudrais donc essayer de décrire dans cette communication les conditions qui mènent les acteurs internationaux à tenir ces propos.

Constat d’une dynamique de l’art contemporain en Tunisie

Pour commencer, j’aimerais faire le constat de la présence en Tunisie de ce label qu’est l’art contemporain grâce à une observation de terrain :
Au début de mes enquêtes en 2002, les artistes que j’interviewais évoquaient régulièrement le problème de l’accès aux manifestations à l’étranger. Il était alors question de manifestations « internationales » au sens politique du terme « renvoyant aux interactions entre États » (Badie & Smouts, 1992 : 69). Par exemple : la Biennale du Caire ou l’Exposition Universelle pour lesquelles la sélection tunisienne était effectuée par les services compétents du ministère de la culture tunisien. Les artistes se demandaient régulièrement comment faire pour obtenir le soutien du ministère et être sélectionnés pour de telles manifestations. Ce soutien étatique signifiait donc une intégration réussie dans le monde de l’art tunisien.
En 2009, la situation est tout autre. Beaucoup ne cherchent plus à participer à ces manifestations, ils en convoitent d’autres, comme la Biennale de Bamako à laquelle de plus en plus d’artistes envoient des dossiers de candidature. Dans ces manifestations, la sélection des artistes n’est plus laissée à la liberté des États, elle est centralisée au niveau de la manifestation elle-même, elle est effectuée par un ou plusieurs commissaires ayant acquis une reconnaissance internationale en raison des expositions préalablement réalisées.
Cette observation montre que les références des artistes en matière d’instance légitime de jugement esthétique se transforment progressivement. C’est pourquoi l’impression véhiculée par les commissaires internationaux suite à leurs séjours en Tunisie ont un poids si important. Les artistes ont conscience que la diffusion de leurs œuvres à l’étranger, lorsqu’ils visent le monde de l’art contemporain, dépend maintenant des commissaires et non plus du ministère de la culture. La frustration qu’ils ressentent face aux discours des commissaires vient donc du fait que pour certains artistes la communauté de référence souhaitée est la scène internationale de l’art contemporain (bien qu’ils puissent être en désaccords avec certains aspects de cette même scène).
Ainsi le label « art contemporain » est présent en Tunisie, bien que les commissaires internationaux disent qu’il n’y a pas d’artiste contemporain.

Le monde de l’art contemporain : une définition

La définition de l’art contemporain proposée par les sociologues peut nous aider à comprendre ce phénomène. Je la résumerai autour de cinq points.
Monde de l’art. Les sociologues définissent l’art contemporain, non comme un style ou mouvement artistique, ni même en fonction d’un espace temporel ou pas seulement, mais en tant que domaine d’activité au sein duquel les individus sont en relation les uns avec les autres, ce que Howard Becker nomme « un monde de l’art » (1988).
Luttes de classement. Le monde de l’art contemporain fonctionne comme un vaste réseau d’interconnaissance qui tient par la validation mutuelle des valeurs défendues par chacun de ces membres ; ce que Francine Couture nomme les « luttes de classement » (2000). Les artistes, les galeristes, les conservateurs de musée, les critiques d’art, les collectionneurs, les commissaires d’exposition collaborent à travers des réseaux d’affinités formant les mouvements artistiques. En cela, les acteurs de l’art contemporain sont à la fois concurrents et collaborateurs.
Académie informelle. En effet, le monde de l’art contemporain est une organisation de type collégiale fonctionnant sur la coopération. Sachant que, comme le décrit Emmanuel Lazega, la coopération veut dire que les différents acteurs échangent, se mettent mutuellement sous pression, se surveillent, se sanctionnent, choisissent des dirigeants et négocient des valeurs précaires (1999 : 640). Les sociologues de l’art ont adopté le terme d’« académie informelle » pour désigner ce phénomène de reconnaissance mutuelle (Moulin 1992, Urfalino 1989).
Statut d’artiste international. Il est également essentiel de préciser que l’art contemporain est par définition international, comme l’a démontré Raymonde Moulin. Obtenir le statut d’acteur international (en tant qu’artiste, commissaire, galeriste, etc.) signifie parvenir à ce maintenir durable au sein des académies informelles.
Définition des valeurs. Enfin, ce sont ces acteurs présents dans ces académies informelles (notamment les commissaires internationaux) qui ont le pouvoir de définir la valeur des œuvres aujourd’hui, c’est-à-dire de définir ce qui est une bonne œuvre ou une mauvaise œuvre.

Processus d’identification professionnelle

Au vue de cette définition, que ce passe-t-il lorsque des commissaires internationaux reviennent de leur prospection en disant : « il n’y a pas d’art contemporain en Tunisie » ? En fait, ils ne sont pas en train de dire qu’il n’y a pas d’artistes puisque certains d’entre ces artistes se référent explicitement à ce label et que d’autres ont déjà participé à des manifestations du monde de l’art contemporain international (parfois précisément dans des expositions de ces mêmes commissaires).
Mon hypothèse est qu’ils énoncent l’idée qu’il n’y a pas de communauté cohérente d’art contemporain identifiable par les acteurs étrangers. En effet, en dehors d’une telle communauté, comprenant les artistes, les galeristes, les commissaires, les critiques, mais aussi les collectionneurs et les institutions nationales défendant cette forme particulière d’art, à travers les expositions ou la formation qu’elle propose, le paysage artistique n’est tout simplement pas accessible à l’acteur étranger.
R. Moulin a en effet démontré que les informations concernent un artiste ou groupe d’artistes sont diffusées par de telles infrastructures ayant la capacité de promouvoir les artistes au niveau international. Quelque soit les pays, les commissaires internationaux ne passent guère plus de quelques jours dans le pays où ils prospectent. Ou bien, comme se fut le cas pour Africa Remix, ils peuvent aussi décider de ne pas se déplacer du tout : « parce que l’on ne peut aller partout »[2].
C'est-à-dire que les choix d’un commissaire sont nécessairement faits grâce à l’intermédiaire d’un interlocuteur local, si un tel interlocuteur n’a pu être identifié, le commissaire international ne peut effectuer une prospection efficace. Pour qu’un tel interlocuteur soit identifié, il doit lui-même avoir mis en place une infrastructure (quelque soit sa forme) diffusant le label de l’art contemporain dans son pays. Un intermédiaire est donc un acteur local qui a généré une action collective locale liée à l’art contemporain.
En effet, dans les organisations collégiales (dont l’art contemporain fait parti) se sont les identités qui dans les échanges créent « une forme de solidarité limitée fondée sur l'intuition de caractéristiques communes qui rendent plus probable l'existence d'intérêts communs à long terme, et donc d'une réciprocité différée et indirecte nécessaire à l'action collective » (Lazega, 1999 : 647). C’est-à-dire que l’action collective repose sur l’identification à une appartenance commune celle de l’art contemporain.
Il s’agit également d’une spécificité de ce que Lucien Karpik (2007) a appelé l’économie des singularités, c’est-à-dire les marchés de biens ou de services qui ne sont pas réductibles à la concurrence des prix, parmi eux le marché de l’art contemporain. Karpik montre que l’échange ne peut avoir lieu que sur la base de connaissances et de valeurs communes aux deux parties. Ces valeurs communes étant véhiculées par des dispositifs de jugement dont l’une des fonctions est de faire l’intermédiaire entre les deux parties ; cet intermédiaire travaille à la mise en place d’une relation de confiance permettant que l’échange soit possible, il est le garant crédibles de la qualité des artistes qu’il soutient. Sans dispositif de jugement (sans aide lui permettant de se repérer) le consommateur, ici le commissaire international, est tout simplement « condamné à l’inaction » (Karpik 2007 : 120).

Ainsi, l’« identité professionnelle de l’art contemporain » est un point de repère pour les commissaires internationaux. C’est cette identité qui permet la mise en place de la relation entre le local et l’international. Si les deux parties ne partagent pas cette même identité, l’échange ne peut pas se faire. Or, ce point de repère n’existe pas de manière cohérente en Tunisie, les institutions et modalités relationnelles ne sont pas facilement identifiables par les commissaires étrangers. Pour cette raison, l’échange reste difficile, voire conflictuel, entre le monde de l’art tunisien et la scène internationale de l’art contemporain menant les acteurs internationaux à supposer qu’il n’y a pas d’art contemporain dans le pays.
Bien sûr, cela mène à s’interroger sur le caractère « déculturant » de tels mécanismes de diffusion culturelle (Boissier 2009). Néanmoins des exemples, comme la Thaïlande où j’ai également effectué mes enquêtes (Boissier 2008), montrent que les acteurs locaux mettent en place des stratégies visant le retournement de la situation de domination afin de devenir à leur tour prescripteur de valeurs nouvelles en intégrant les académies informelles.






[1] Annabelle O. Boissier est docteure en anthropologie (IRIS-EHESS). Elle enseigne la sociologie à l’Institut Supérieur des Beaux Arts de Tunis (ISBAT). Ses recherches portent sur le rôle des relations transnationales dans le développement des scènes artistiques contemporaines en Thaïlande et en Tunisie. Elle a notamment publié : « De l’art moderne à l’art contemporain. Un transfert de monopole dans le monde de l’art thaïlandais. », Aséanie, Sciences sociales et humaines en Asie du Sud-Est, n° 24, 2009 ; « Are they Moderns, Contemporaries, Thais or Globalized? The homogenization of professional contemporary art networks », in Wind of the East, Perspectives on Asian Contemporary Art, Finnish National Gallery / KIASMA, Museum of Contemporary Art, 2007 ; et « Les enjeux des arts plastiques tunisiens actuels : Expérimentation de la mémoire collective et nouvelles individualités », in Mutual Creation: Art and Its Societies South of the Mediterranean, Al-Adab, January-February 2004, Bayreuth (en langue arabe). Elle a participé à divers congrès internationaux parmi lesquels le World Congress for Middle Eastern Studies ou le Mediterranean Social and Political Research Meeting.  Elle est co-fondatrice du groupe de réflexion SAP et a pour celui-ci organisé plusieurs colloques (www.groupesap.wordpress.com). Elle est également co-fondatrice d’un site internet à destination des chercheurs et des acteurs proposant une base de données sur les arts visuels tunisiens du XXème siècle (www.visartunisia.com).
[2] Réponse de Jean-Hubert Martin (lors du colloque Art contemporain et sociétés post-coloniales, Actazé, Paris, 2006) faite au sociologue Hamdi Ounaïna le questionnant sur les raisons justifiant l’absence de prospection en Tunisie pour la préparation de l’exposition. 

20100304

Sienne : une ville singulière

Josette Delluc
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Eine Stadt, die in keine Schublade passt. Überraschend ist, wie gross der Antiel der Civilizationen an Siennes Schaffen ist. Ausserdem, immer wieder in den vergangenen Jahren schien Sienne (Italia) vom Krieg bedroht. Immer hat er überlebt. Sienne, das ist die Stadt von die Brüder Lorenzetti, und von Fruttero and Lucentini. Das ist heute, für uns, die Hauptstadt von vielen Abendteuer. Und vor mehr als 1000 Jahren, wurde die Stadt mit vielen Influenzen gegründet. Und heure noch. Als ob sie selber auch immer auf der Suche nach neuen Formen sei.

Singularidad pero tambien ejemplar a Sienna, esa ciudad ilustra la realidad de los cambion quien han contribuido a la formacion de un conjunto cultural europeo. Nacido tante de la belleza y de la riquessa del lugar el genio de los hombres, ha asimilado la tradicion y varios prestamos. Sienna queda sin embargo, un centro de cultura donde se exprima, en medio de la nuevas ideas el concepto de Europa. La idea de Europa aparece solamente al siglo XV, mientras que las transformaciones del mundo trastorna las escalas, la cartografia, y la percepcion misma del espacio. Una nueva frontera se establece al este, dibujado progresivamente, por las conquistas de los Ottomans quien tomaron posesion de la tierra santa y controlan en 1453 Constantinopole. No puedan aceptar ese fracaso frente al Islam, el nuevo papa a partir de 1458 trata de organizar una cruzada contra los Turcos.



The exemplary singularity of Siena illustrates the reality of exchanges that have contributed to the formation of a cultural Europe. Born in both the beauty and richness of the place and the genius of mankind, she has assimilated the tradition and multiple loans.
Nevertheless Siena remains, a center of culture which expresses, among the new ideas, the concept of Europe. The idea of Europe only appears in the XV century, as the transformations in the world unbalances the scales, the mapping, and the perception of space itself. A new frontier is established to the east, gradually drawn by the conquests of the Ottomans, who took possession of the Holy Land and took over Constantinople in 1453. Unable to accept this defeat against Islam, in 1548 the new pope tries organize a crusade against the Turks.

Siena Avrupa'nın sıradan şehirlerinden biri değil. Aksine, Avrupa'nın Siena'dan örnek alması gereken noktalar bir haylı fazla.  Öyle ki, şehirde yapılan ticari ve kültürel alışverişler Avrupa topluluğunun oluşmasına önemli katkılar sağladı. Siena Avrupa "konseptinin" şekillendiği ilk şehirlerden biri. Aslında Avrupa "konsepti" 15'inci yüzyılda, örneğin kartografi alanındaki gibi dünyada gerçekleşen kökten değişikler esnasında oluşmaya başladı. Sınırların yeniden çizildiği bir dönemde oluşan bir "konsept". Tıpkı Doğu'da olduğu gibi. Zira, Osmanlıların 1453'de Konstantinopl'u (Istanbul'u) ele geçirmesi Avrupa sınılarının oluşmasında önemli bir olay. ( Bugünün sınırlarının bu olaya göre şekilenmesi gerekiyor diyenler bize göre yanlış düşünüyor). Istanbul'un fethi neticesinde, Islamiyet karşısında mağlubiyete tahamüllü olmayan Papa ,1458'den itibaren Türkler'e karşı haçlı sefer organize etmişti. 


Tenter d'expliquer les particularismes de cette petite ville italienne permet de l'inscrire dans l'histoire et d'évoquer quelques caractères de la culture européenne.
Suarès, cet amoureux de l'Italie qu'il parcouru à pied en 1893, est transporté au seul contact de Sienne : « je ne suis pas ici depuis un quart d'heure, je tiens tous les fils de brique et de pierre de la Cité. Je l'aime et la respire et la baise dans tous ses pores. Sans l'avoir jamais vue, je la reconnais. » Cette expression exaltée et excessive des sentiments traduit à la fois la volonté d'effet littéraire et la nature passionnée du poète. Mais comment comprendre l'immense succès populaire de cette petite ville aujourd'hui, alors qu'elle n'offre, en dehors de la période du Palio, aucune attraction spectaculaire. Seule une réalité architecturale s'impose à tous, elle abrite une richesse culturelle moins directement accessible. La ville s'est étendue au cours du Moyen Age et les remparts ont non seulement assuré sa pérennité mais ont aussi sauvegardé son unité, la ville moderne ayant été maintenue à l'extérieur. Les ruelles longent de sévères façades des XIII° et XIV° adoucies par la couleur ocre de la brique et souvent alliée à la pierre et au bois vieilli des portes.
Sans imposer d'uniformité, l'unité architecturale présente un élégant ensemble gothique résultant parfois du hasard, parfois d'un vrai projet d'urbanisme. Les réseaux des rues correspondaient au XII° et XIII° siècles, à l'aménagement souhaité par les nobles reliés entre eux selon leurs alliances. A l'issue de luttes intestines, les palais des seigneurs vaincus étaient obligatoirement détruits après pillage. Ensuite la municipalité de cette ville émancipée dès le XII° siècle, choisissait d'établir des places ou d'ouvrir des rues. De plus le Conseil des Neuf dans la première moitié du XIV° siècle imposa des règles pour veiller à l'harmonie des façades des bâtiments qui bordent le Campo, il décida du pavement de briques qui souligne la légèreté de la forme en éventail de la place. Au total est née une ville dont la perfection semble émaner des projets d'un précurseur de Nicolas Ledoux ou d' Étienne Louis Boullée qui aurait dessiné une cité idéale. Du Palais public, jusqu'à la cathédrale et à l'oratoire de Saint Bernardin, c'est une vaste ville médiévale qui s'étend. Cette ampleur étonne, Sienne a conservé exactement l'aspect des cités qui ponctuaient le territoire de l'Europe féodale. C'est pourquoi, au cours de sa promenade, chaque visiteur qu'il soit scandinave, espagnol, polonais, ou hongrois, tout en admirant les tours et arcs siennois éléments particuliers de cette architecture, pense sans doute, comme André Suarès « sans l'avoir jamais vue, je la reconnais », car il s'établit une immédiate familiarité avec ce site, la perception de la ville originale de l'Europe.
C'est le dynamisme de ses relations commerciales qui favorisa l'essor de la ville. Il est surprenant de remarquer que bien que située au milieu de collines, Sienne n'a pas souffert d'enclavement, au contraire, elle bénéficia d'une situation géographique favorable sur l'axe reliant Rome au nord de l'Europe. Ainsi contribue-t-elle au renouveau des échanges au cours des XII et XIII° siècles, Fernand Braudel dans son étude de la Méditerranée rappelle qu'elle exporte du blé vers l'Espagne et qu'elle est une des premières puissances financières active dans les foires de Champagne. Elle compte parmi les principaux centres italiens qui restaurent et soutiennent l'activité européenne. Sa puissance économique est incontestable comme son autorité politique sur la Toscane, freinant les ambitions de Florence. Mais la date de 1348 marque la fin de son apogée, dominée par les Français puis par l'empereur Charles Quint, en 1555 elle est intégrée au Duché de Toscane, Florence devient la capitale incontestée dirigée par les Médicis, l'Italie est dominée par les Princes, il en est fini des « cités-États ».
Sienne reste, cependant, un centre de culture où s'exprime, parmi les idées nouvelles, le concept d'Europe. L'idée d'Europe n'apparaît qu'au XV° siècle, alors que les transformations dans le monde bouleversent les échelles, la cartographie, et la perception même de l'espace. Une nouvelle frontière s'établit à l'est, dessinée progressivement, par les conquêtes des Ottomans qui prennent possession de la Terre Sainte et contrôlent en 1453 Constantinople. Ne pouvant accepter cet échec face à l'Islam le nouveau pape à partir de 1458, tente d'organiser une croisade contre les Turcs. Pie II, n'est pas né à Sienne mais il y vécut, y fit ses études, en fut l'évêque et contribua à enrichir son architecture. Sa vie mouvementée est représentée, en 1505, par les fresques de Pinturicchio dans la salle de la cathédrale qui abrite et expose aujourd'hui, les recueils de sa précieuse bibliothèque. Aenas Sylvius Piccolomini avant d'être pape fut un grand Humaniste: poète, géographe, en contact avec des moines et lettrés qui fuyaient Constantinople, il devient un homme de la Renaissance et redécouvre l'Antiquité. C'est ainsi que ce personnage complexe contribue à définir les triples fondements de la culture européenne affirmant qu'elle est établie sur la Grèce, Rome et le Christianisme. De cette manière, au cours du XV° siècle s'est forgée la prise de conscience d'une entité européenne: ses valeurs anciennes sont rappelées et attribuées au territoire qui se définit; sa frontière occidentale émergera de la découverte du Nouveau Monde à la fin du siècle.
Auparavant Sienne avait choisi de s'allier à un autre personnage dont la vie est encore plus étonnante que la légende : Frédéric II qui a contribué à sa manière au dynamisme culturel dans la péninsule italienne. Empereur germanique il impose sa puissance à une grande partie de l'Europe, d'Italie aux rives de la Baltique et aussi en Méditerranée jusqu'au Moyen Orient. Il réside souvent en Sicile où il brise la féodalité et établit une structure étatique, base d'une puissance inégalée jusqu'à Charles Quint. Cependant dès 1220 il reconnaît les droits des cités gibelines, qui, comme Sienne, ont pris son parti et non celui du pape. L'empereur est un érudit, homme de sciences, comme son grand père maternel, le roi Roger, il étudie la science arabe en Sicile. Il crée à Naples en 1224 la première université qui échappe à L'Église, une université d'État, placée sous son contrôle. Frédéric II n'est pas seulement un mathématicien, il est l'un des premiers à rédiger des poèmes en italien, avant même que Dante ne glorifie sa langue maternelle; L'œuvre est rapidement diffusée à Sienne ou à Pise par l'intermédiaire de ses fonctionnaires.
Par ailleurs l'influence de Frédéric II est déterminante dans le domaine monumental. Bien avant la Renaissance, il redécouvre l'art antique et l'impose comme modèle à ses sculpteurs en exigeant la représentation en ronde bosse. Il fait créer une nouvelle statuaire, sans doute en grande partie au service de sa grandeur. La transmission se fait avec Niccolo Pisano 1206-1280, bien que toscan, il a travaillé chez les tailleurs de pierres du sud de l'Italie et fait connaître chez lui cette manière, en réalisant la chaire du baptistère de Pise achevée en 1260 puis celle de la cathédrale de Sienne 1266-1268 à laquelle participa son fils Giovanni. Ensuite, ce dernier est chargé du décor extérieur de la façade du bâtiment. Aujourd'hui abritées dans le Musée de l'œuvre (de l'Eglise) Métropolitaine, ces statues sont exposées à hauteur du visiteur ce qui permet de distinguer l'individualité prêtée à chaque visage, l'étude de la posture de chaque corps selon qu'il doit exprimer la jeunesse ou la vieillesse. Elles constituent une véritable série de portraits d’évêques, papes ou saints, preuve d'un intérêt marqué pour l'Homme, antérieur au tournant du Quattrocento. Dans ce moment essentiel des origines de la Renaissance les artistes, à Sienne, réalisent le passage du plat au volume. Non seulement Pisano y introduit dès le XIII° siècle la technique de ronde bosse mais la représentation de l'espace se formalise aussi dans la peinture, et Daniel Arasse propose les frères Lorenzetti comme inventeurs de la perspective au début du XIV° siècle.
En répondant aux commandes de riches marchands, ou le plus souvent de l'Église ou de la Municipalité, les peintres de «l'école de Sienne» exercent leur nouvelle manière de représenter. Le Palais Municipal est à cet égard le bâtiment civil le plus riche en témoignages. Réalisées du XIV au XVI° siècle de grandes et nombreuses fresques répondaient à une volonté politique d'auto-célébration, bien conservées pour une grande part, elles deviennent aujourd'hui de précieux documents pour l'histoire et l'histoire de l'art. Ainsi, dans la salle dite de « La mappemonde » est évoquée la victoire que Sienne a remportée sur Florence en 1260 à Monteparti grâce au Guidorriccio da Fogliano. Ce condottiere à la fière allure est représenté sur son cheval en 1328, par Simone Martini, lors du siège de Montemassi alors qu'il fait face au soulèvement florentin. La détermination du héros, l'ordonnancement du camp militaire, affirment la domination de Sienne. La simplicité du dessin, correspond à l'austérité médiévale et la description du paysage, présentant les collines comme site de défense, atteste de cette période de troubles.
Ambrogio Lorenzetti, quelques années plus tard entreprend un travail d'une grande complexité. Il peint entre 1337 et 1340, dans la « Salle des Neuf » les Effets du bon et du mauvais gouvernement. Sur trois murs, la fresque envisage les valeurs et programme politique de la municipalité et décrit l'environnement de la cité. Le bon gouvernement est incarné par sept allégories féminines telles que la Foi, la Charité, la Prudence ou la Justice, le dessin très précis des visages et chevelures, l'alignement de ces figures hiératiques, le décor de tissus à motifs semblables à une mosaïque polychrome témoignent encore de l'influence de l'art byzantin et donne beaucoup de sérénité à une scène placée sous l'égide divine et où sont rassemblés les citoyens décrits dans leur diversité. La présence de soldats évoque la force et l'assurance de la défense de la cité, la paix. Très étonnante est la représentation des effets du bon gouvernement sur la ville, Sienne est reconnaissable à ses tours carrées, sa cathédrale et l'artiste sait donner volume et élégance. Ses rues sont animées, différentes activités commerciales ou artisanales sont indiquées. La population s'y déplace à cheval ou à pied, ou exprime sa gaité en écoutant de la musique. Le peintre traduit l'atmosphère heureuse dans une ville riche et bien administrée. Les effets du bon gouvernement sont aussi étudiés sur la campagne. La réalité du paysage du cœur de l'Italie est presque photographique Nous reconnaissons les plantations d'oliviers et de vignes sur les coteaux et les champs de céréales dans la plaine, une agriculture bien organisée, des hommes au travail une impression d'abondance. Le dessin minutieux adopte le mouvement et le volume, non seulement il s'éloigne de la tradition picturale, mais en outre un siècle avant Les Très Riches Heures du duc de Berry, il apporte une valeur documentaire surprenante. Les effets du mauvais gouvernement présentent au contraire des personnages démoniaques et maléfiques tout droit sortis de l'imaginaire du Moyen Age: le noir domine, la famine sévit, la campagne est en friche, les pierres et mauvaises herbes deviennent envahissantes, des hordes de vagabonds armés évoquent le danger. Cette fresque riche de renseignements sur la vie quotidienne et les espoirs ou malheurs de la population, est une description saisissante de la ville et de son site au XIV° siècle, elle exécute le souhait de la Municipalité qui s'engage à préserver la concorde et la prospérité. Ambrogio Lorenzetti répond à ce projet politique par un travail qui enchante par sa beauté et laisse deviner la volonté novatrice du créateur et l'annonce de la fin prochaine du Moyen-Age.
Le projet esthétique et politique concernant le Palais Municipal, s'achève magistralement avec la commande faite à Domenico Beccafumi pour le décor du plafond de la salle du Consistoire. Réalisées entre 1529 et 1535 ces fresques magnifient, par exemple, L'amour de la patrie, La justice, La Concorde entre les citoyens, et glorifient la république en reprenant des scènes de l'Antiquité principalement romaine. Ainsi, Le dictateur Postumius Tiburtius et son fils unique évoque l'obéissance du chef militaire au politique, La réconciliation de Marcus Lepidus et Flavius Flaccus confirme que l'intérêt de l'État prime sur l'ambition personnelle, L'exécution de Spurio Melio rappelle la crainte de l'instauration de la Tyrannie. Cette pièce est devenue aujourd'hui la salle des mariages, il est possible d'y admirer « cette œuvre unique » qui «montra», écrit son contemporain Vasari : « les mérites et la valeur de Domenico qui, en toute occasion, fit preuve d'un métier sûr, d'un jugement supérieur, d'un immense talent. » Le contraste est saisissant entre la réalisation vive et alerte et la rigueur moraliste des thèmes, l'expression extravagante, le gonflement des muscles et position des corps outrancière, jeu sur la perspective ont pour objectif de dépasser les principes de la Renaissance. La virtuosité de l'artiste est visible aussi dans de nombreux autres édifices et en particulier dans ses réponses aux commandes de l'Église. Ainsi, Beccafumi avec Giovanni Antonio Bazzi dit Sodoma et Girolamo Pacchia, participe à la réalisation des peintures de l'oratoire de Saint Bernardin. Ces fresques sont consacrées à la vie de la vierge et malgré les différences entre les 3 artistes, influence forte de Léonard de Vinci et Raphaël chez Sodoma, jeunesse et inexpérience sensible de Pacchia son élève, et, plus grande personnalité de Beccafumi, la technique maniériste qui leur est commune contribue à offrir un bel ensemble où la religion semble bien être un prétexte au plaisir de peindre dans un temple dédié à l'art, comme la chapelle de Scrovegni de Giotto à Padoue ou la Scuola Grande di San Rocco de Tintoret à Venise.
L'influence des grands maîtres principalement de Michel Ange sur Beccafumi, est nettement perceptible dans ce qui fut l'œuvre de sa vie : le pavement de la cathédrale de Sienne. Commande extraordinaire en importance : 35 panneaux de marbre sur les 56, extraordinaire comme projet : un sol gravé qui déploie aux pieds des fidèles, en guise d'enseignement, des scènes de l'Ancien Testament ou de la mythologie. Les cartons de Beccafumi, conservés et exposés au Musée de l'œuvre (de l'Église) Métropolitaine permettent de comprendre la particularité de sa technique de dessin. « Le trait est instable, incertain, récursif mais les contours approximatifs, sont vivants et raffinés » ainsi Dominique Cordellier conservateur en chef du musée du Louvre décrit-il le travail de Beccafumi et précisément « le réseau de hachures croisées, plat et presque abstrait » qui caractérise sa manière. 
La richesse architecturale et picturale  de Sienne lui confère une forte personnalité qui peut être définie selon les trois règles du théâtre classique. Aujourd'hui, l'unité d'action est manifeste, l'ancienne Cité-État est devenue une ville-musée. Certes, la campagne restée proche, constitue toujours le décor sublime qui entoure ce merveilleux site des trois collines et la viticulture y reste dynamique mais la charge principale de la municipalité est d'entretenir les anciens palais et les centres religieux. Ils abritent maintenant, des universités souvent réputées où les langues sont enseignées, où des musiciens viennent étudier, et où un travail de recherche scientifique est mené avec succès. De même de nombreuses institutions municipales ou internationales occupent les anciens bâtiments restaurés. La ville vit de son héritage, en s'accommodant de la polarisation régionale qui est favorable à Florence.
L'unité de lieu ou du lieu donne à Sienne sa marque, son caractère primordial et la rend identifiable. Par ailleurs, l'architecture médiévale qui porte un décor renaissance renferme dans ses musées des données artistiques ou techniques, des informations sur la vie quotidienne, les idées nouvelles, les pouvoirs religieux et politique, qui permettent d'approcher au plus près du passé de la cité. Pour en comprendre le fondement revenons à la réflexion d'André Chastel. Il confirmait la singularité de cette ville lorsqu'il soulignait les particularismes locaux en Toscane riche de « l'école » de Pise différente de celle de Florence et de celle de Sienne. Chastel insistait sur le fait que « l'art italien » était issu de la diversité et il indiquait la difficulté à le définir encore après la disparition des « cités-États ». De la même manière tenter de démontrer la nature homogène de Sienne et son école renvoie paradoxalement au multiple et à la complexité. Chastel expliquait la variété par la prégnance du lieu: la terre pour Florence (et évidemment pour Sienne), la mer pour Venise, et aussi, les multiples influences extérieures qui ont nourri la création italienne. Les liens avec l'étranger ont été établis selon différents facteurs : la situation des régions, les contacts commerciaux, les alliances politiques ou les épisodes de domination. Ainsi les Normands et les Angevins transmirent l'art gothique au nord de l'Italie, alors que Byzantins et Arabes léguèrent l'art roman au sud. Nous pouvons constater qu'à Sienne au centre du pays, cette perméabilité est traduite par la double présence du gothique et de l'art byzantin. Le talent des artistes consiste à accueillir les influences sans se limiter à une simple copie, ainsi au début du XIV° siècle le peintre Duccio di Buonisegna allie ces deux apports apparemment contradictoires et réalise des œuvres qui ont bouleversé son époque. La pose de sa Maestà dans la cathédrale fut un grand événement esthétique et religieux. Après Duccio, c'est Ambrogio Lorenzetti qui dès ses premières œuvres apporte des variations à l'art byzantin: l'ondulation élégante du dessin de La Madonna del Latte interprète l'icône traditionnelle pour mieux exprimer la tendresse de la mère qui nourrit son enfant. C'est cette préoccupation inventive qui le conduira à représenter la perspective. Il apparaît que « l'école de Sienne » se construit en s'ouvrant aux héritages et emprunts et se détermine par ses rejets et réactions innovatrices. 
L'unité de temps est l'élément structurant de Sienne qui pourrait-être qualifiée de ville des origines. Déjà la légende de sa création fait référence à la naissance de Rome mais surtout la splendeur de la ville correspond à une période bien définie du XII° au XIV° siècles où elle a accueilli  certains des artistes et penseurs dont les travaux  menèrent aux bouleversements de la Renaissance. Puis Sienne s'affaiblit au XV° siècle alors que Florence Rome et Venise deviennent les centres de la puissance où les maîtres sont conviés pour concevoir et décorer les fastueux édifices qui surgissent de ce renouveau. La grandeur de Sienne s'achève avec le dernier éclat inventif des peintres maniéristes, Beccafumi et Sodoma, qui ont retenu les leçons de Raphaël, Léonard de Vinci ou Michel Ange, et apportent à la Renaissance finissante encore plus de liberté et de dynamisme. La gloire de Sienne correspond à un moment limité dans le temps mais grandiose dans l'histoire de l'art et qui circonscrit la ville dans sa singularité.
Singularité mais aussi exemplarité de Sienne, cette ville illustre la réalité des échanges qui ont contribué à la formation d' un ensemble culturel européen. Née à la fois de la beauté et la richesse du lieu et du génie des hommes, elle a assimilé la tradition et de multiples emprunts. Le nord lui a donné non seulement le gothique mais aussi des techniques nouvelles telle le « chiaroscuro ». La renommée de « L'école de Sienne » a entrainé ses peintres à l'étranger où ils diffusèrent la Renaissance italienne. Ainsi Pacchia semble avoir rejoint le Rosso à Fontainebleau pour le plaisir de François Ier. Auparavant, Martini demandé par le pape Benoît XII, participe au décor de Notre Dame des Doms à Avignon où il meurt en 1344. D'autre part la peinture siennoise confirme qu'au Moyen Age les villes cernées de remparts et les frontières fortifiées autorisaient les relations jusqu'à Constantinople. Ainsi surgit l'évidence de notre proximité passée avec la « Deuxième Rome » elle qui fut la gardienne de notre culture antique et qui en nous offrant l'art byzantin initia l'Europe à l'Orient.

Josette Delluc