20090408

Bi-culturalité

Nombre d’européens vivent une situation de bi-linguisme, par transfert, choix ou exil. En dehors de l’analyse des raisons qui y conduisent, il est essentiel de comprendre comment vivre le bilinguisme, dans quelle mesure il donne à penser une culture d’échange, fondée sur la traduction permanente plutôt que sur l’exclusive ? Enfin, le bilinguisme et le biculturalisme se recoupent-ils ? Telle est aussi la question qui traverse cette rubrique du Spectateur européen que nous comptons développer au fil des numéros.

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Whether by birth, choice or exile, many Europeans currently live in a situation of bilingualism. Aside from the reasons that lead to such a predicament, it is crucial to understand how people experience bilingualism and the extent to which it encourages a sense of sharing and community. Also, what is the relationship between bilingualism and biculturalism? These are the topics that this issue of the European Spectator will tackle and that we will attempt to develop throughout the following publications.

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Zahlreiche Europäer leben in einer Situation der Zweisprachigkeit, sei es aus freier Wahl oder im Exil. Abgesehen davon, dass die Gründe erforscht werden sollten, die zu solch einer Situation führen, ist es wesentlich zu verstehen, wie die Zweisprachigkeit erlebt wird.

Inwieweit entwickelt sich eine Kultur des gegenseitigen Austausches , die eher auf einem ständigen Wechselspiel und nicht auf Ausschließlichkeit beruht?

Und entspricht Zweisprachigkeit unbedingt dem Zugehörigkeitsgefühl zu zwei Kulturkreisen?

Der Europäische Betrachter wird sich diese Fragen in dieser und den folgenden Ausgaben stellen.

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Pek çok Avrupalı değişik nedenlerden dolayı iki lisan birden konuşabiliyor. Bu şans profesyonel alandaki bir transfer veya başka bir ülkeye göc etme zorunluluğundan olabilir. Ama en önemlisi bu değil. Öyle ki hangi nedenden olursa olsun önemli olan iki lisan konuşmanın iki kültüre sahip olmak için ne kadar önem taşıdığı. İki lisan konuşmak iki kültüre sahip olmak mı demek? Değilse, iki lisan konuşup ama kültüre sahip olmayınca aslında o konuşulan lisana yabancı kalmıyormuyuz? Avrupalı izleyici bu sopruların bir ortak Avrupa kültürü oluşmasında önem taşıdığını ve dolaysıyla internet sitesi çerçevesinde bu sorulara çözüm pistleri arıyor.

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Dialogue.

Deux interlocuteurs : Fernanda et Hildegard.

Fernanda – 47 años – casada – un hijo.

Nací en Buenos Aires (Argentina) y llegué a Francia en el año 1997. Soy profesora de español.

Aunque tengo las dos nacionalidades, me defino en este momento como una argentina que vive en Francia. Argentina, ante todo, porque es mi lengua, mi historia, mis raíces y quizás porque estoy lejos necesito ponerla en primer plano.

Es verdad que desde que vivo y trabajo aquí, he cambiado. Es decir, mi mentalidad ha cambiado un poco. Me doy cuenta de esto cuando me asombro de cosas cuando estoy en Argentina, cosas que antes me parecían totalmente normales. La primera es el desorden en el tráfico y la segunda el tuteo generalizado. Recuerdo que la primera impresión que tuve cuando llegué a Francia fue la sensación como de estar en una casa de muñecas, donde todo es chiquito, donde uno no puede perderse : las calles angostas , los edificios bajos , los espacios todos señalizados - doblar a la derecha, stop, ceder el paso -, como si no hubiera un metro cuadrado abandonado. En cuanto al tuteo – eso lo sentí al volver a Argentina después de tres años – me impresiona cómo los periodistas se dirigen a los telespectadores en los informativos. El tuteo es casi general, te tutean hasta en las publicidades de la calle. Y como éstas, podría hablar de muchas otras cosas.

Pero no digo esto como una crítica ni de Argentina , ni de Francia, sino como una diferencia. En efecto, no soporto las críticas ni de los franceses hacia los argentinos ni de los argentinos hacia los franceses. Pero lo que más me cuesta soportar es la crítica de los argentinos que viven en el extranjero hacia los argentinos.

Hildegard- 50 Jahre- verheiratet – 4 Kinder

Vor 23 Jahren bin ich, im Alter von 27 Jahren, im Rahmen der Tätigkeit als Fremdsprachenassistentin nach Frankreich gegangen, nach Vénissieux. Inzwischen bin ich verheiratet, habe vier Kinder und arbeite als Deutschlehrerin im Norden Frankreichs.

Die erste Frage nach der Zweisprachigkeit und die zweite, ob ich mich in beiden Kulturen, in der deutschen und in der französischen, gleichermaßen zu Hause fühle, berührt meine ganz intime Identität, als brennten diese Fragen wie Zweifel immer noch.

Denn je nach Alter und Zugehörigkeitsgefühl habe ich mehrere Etappen durchlaufen, jedoch keine definitive Antwort gefunden. Also muss ich wohl anerkennen, dass ich mich fortwährend in einem Schwebezustand befinde, gleichwohl ich mich im Grunde ankern will.

In Diskussionen mit anderen „Gleichgestellten“, Personen mit ähnlichem Migrationshintergrund, stelle ich Unterschiede fest. Für mich ist es jetzt eine Tatsache, dass ich immer weniger den Ereignissen in Deutschland, in meinem Elternland, hautnah folgen kann, auch wenn ich es wollte.

Insofern definiere ich mich eher als Französin, aber mit deutschen Wurzeln. Es wäre schön, wenn diese auch in der kommenden Generation in meiner Familie lebendig blieben.

À haute voix

Hildegard : Fernanda, tu te sens argentine, française ou plutôt européenne?

Fernanda: Etre européenne, je ne sais pas ce que cela veut dire. Je me sens argentine ET française, mais pas au même titre.

Hildegard : Parle – moi de tes origines !

Fernanda : Mes grands-parents paternels sont d'origine espagnole, ils ont immigré en Argentine quand ils étaient jeunes adultes. Du côté maternel, la famille vient d'Uruguay. En Argentine, me semble-t-il, l'accueil des étrangers se fait tout naturellement et j'ai vu fréquemment des échanges entre personnes de langues différentes, sans appréhension. Bien sûr, la communication en Amérique Latine est facilitée par la même langue, et même avec le Brésil il n'y a pas vraiment de barrière linguistique proprement dite. Pour te parler de la diversité, dans ma classe, j'ai fréquenté des enfants japonais, enfants juifs, des pieds noirs, italiens, espagnols.

Hildegard : Cet aspect multiculturel doit te manquer?

Fernanda: Oui, d'une certaine façon. Mais ici, en France, je suis en contact avec des gens africains ou des maghrébins, des polonais et des allemands.

Hildegard : Est-ce que tu te considères comme étrangère?

Fernanda: Oui, mais cela ne pose pas de problème.

Hildegard : Est-ce que les gens d'ici te font des remarques?

Fernanda: Oui, mais ça ne me choque pas qu'on remarque que je viens d'ailleurs, parce que le regard n'est pas négatif. Il est arrivé que des gens pensent que je viens d'Italie ou d'Espagne. Cela ne me dérange pas, c'est amusant.

Hildegard: Moi, c'est différent! Cela me vexe quand les gens disent que j'ai un accent ou quand ils me posent la question d'où je viens. Rarement, on me prend pour une alsacienne! Je trouve qu'au bout de plus de vingt ans de vie en France, ma façon de m'exprimer ne devrait plus susciter des remarques de ce genre. Bien que je ne fasse rien pour améliorer mon accent, l'expression en public etc., je ressens encore un handicap langagier et parfois cela me perturbe. Surtout quand je suis émue ou énervée, j'éprouve des difficultés d'exprimer une idée, d'être claire. Et je me sens coincée, c'est révoltant.

Fernanda : Est-ce que tu te sens plus française qu'allemande?

Hildegard: Tout-à-fait! Je suis arrivée en France à 27 ans, j'aurais bientôt passé autant de temps en France qu'en Allemagne. Mon identité est maintenant française, avec des origines allemandes, bien sûr. Mais moi-même, je ne me caractériserais pas par ça. Bien que je ne l'oublie pas, au contraire. La possibilité de dire « je suis européenne » me plaît énormément et cette perspective m'ouvre des portes vers autre chose. L'Allemagne a changé, j'aime bien observer ces changements, mais je ne participe pas. En tant que professeur d'allemand, je constate aussi que l'image de l'Allemagne est meilleure, plus positive, j'en profite en quelque sorte, c'est plus agréable de parler des nouvelles valeurs comme des idées écologiques, de la réussite de jeunes Turcs ou des auteurs d'origine étrangère qui écrivent en allemand que de présenter l'éternelle Histoire, aspect important, je souligne. Mais je suis spectatrice. Et même je me sens parfois étrangère en Allemagne.

Fernanda: J'ai lu quelque part que celui qui émigre est quelqu'un qui se sent déjà d'emblée étranger dans son pays ou face à sa famille.

Hildegard: Ma vie d' « adulte » a commencé tard, et mon immigration et mes efforts d'intégration en France coïncident avec la fin de ma vie d'étudiante, une transition dure. Être étrangère, ça a un certain charme, mais pas très longtemps. Je tenais au bilinguisme. Pour notre fils ainé, nous avons profité de la possibilité d'une scolarité bilingue à Lyon, mais la vie professionnelle en France, le quotidien scolaire des enfants et la distance d'avec ma famille allemande ne m'ont pas permis de continuer. Tout n'est pas vain, tout n'est pas perdu, l'éveil aux langues étrangères, le fait de thématiser les origines différentes ont élargi l'horizon familial, c'est évident. Et dis-moi, comment tu vis le bilinguisme?

Fernanda: Je parle espagnol avec mon fils, il me répond en français - quand nous sommes en France. Pour moi, parler le français, c'est un choix, j'ai choisi d'apprendre et étudier le français, c'est un plaisir pour moi. Mais ce n'est pas toujours reposant. Au début, ça a été même fatigant, épuisant. Maintenant, c'est automatique.

Hildegard: Tu n'éprouves aucune difficulté?

Fernanda: Non, c'est automatique.

Hildegard: Et avec ton mari?

Fernanda: Avec mon mari, on s'est connu en Argentine, c'est moi qui ai voulu parler le français. Il aurait pu parler espagnol, mais notre relation s'est faite en français. Notre langue commune s'est établie naturellement. Par ailleurs, il aime bien l'allemand. Avec mon fils (9 ans), je lui ai toujours parlé en espagnol parce que je voulais qu'il possède ma langue, c'était important pour moi! Quand j'ai découvert, lors des voyages en Argentine, qu'il parlait l'espagnol, j'ai senti un soulagement, et une grande joie. C'était comme une deuxième naissance, comme s'il renaissait en espagnol.

Hildegard: Voilà un point de frustration pour moi, sans en faire un problème vital, je regrette de ne pas avoir pu importer ou maintenir le bilinguisme dans ma famille.

Fernanda: Nous ne parlons pas l'espagnol en famille. Parfois des petites remarques, mais en France, la vie se passe en français!

Avant de nous quitter, nous constatons que, toutes les deux, nous avions profité d'une sortie culturelle la veille même, l'une au conservatoire régionale où furent présentés « Les 4 saisons » de Vivaldi et « Las 4 estaciones portenas » de Piazzolla, l'autre avait participé en famille au finissage de l'exposition « Ici Berlin »!