20090302

Rural

L'Europe teste ses réseaux ruraux.
Jean-Patrick Bouvard
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Se mettre en réseau, nouveau credo de notre société ou évolution nécessaire des pratiques ?
Toute société humaine se construit, par nécessité, en réseau. Les réseaux existent à tous les niveaux, à toutes les échelles et celle de l'Europe ne fait pas exception. Depuis plusieurs années, l'Union Européenne a mis en pratique une idée de réseau notamment en lien avec ses programmes d'initiatives communautaires tels que LEADER (Liaison Entre Actions de Développement de l'Economie Rurale). L'intérêt des pratiques européennes, au-delà de la question d'échelle, est l'évolution apportée à la mise en réseau par une mise en œuvre renouvelée. Quelles sont les mutations souhaitées pour la mise en réseau sous la troisième programmation LEADER+ (après LEADER I et LEADER II) et le quatrième programme LEADER dont l'innovation Leader rejoint, pour ce quatrième opus, le second pilier de la PAC (Politique Agricole Commune) et abandonne par conséquent son statut de programme pour gagner celui de «mesure».
LEADER+, initialement prévu de 2000 à 2006, s'est finalement conclu fin 2008. Troisième programme du nom, il a été enrichi de l'expérience des précédents. Il a eu pour vocation de permettre à des territoires ruraux sélectionnés de distribuer des aides financières à partir d'une stratégie de territoire constituée de fiches Action et sous l'égide d'un comité de programmation (constitué d'au moins la moitié de personnes de la société civile). La première mission du territoire retenu, nommé GAL (Groupe d'Action Locale), est de permettre l'aide aux projets innovants, dynamisant le monde rural. Pour parvenir à un développement rural, la coopération entre territoires nationaux ou européens a été directement intégrée dans les enjeux du programme. Elle a permis la création de projets partagés entre territoires structurés. La dernière mission LEADER+ est de constituer un réseau des territoires ruraux.
L'expérience LEADER est riche, l'impact de la démocratie participative ou de la coopération sur les territoires ruraux serait intéressante à étudier comme peut l'être la mise en réseau recherchée et ses effets.
Les réseaux de GAL-Leader+ ont été constitués, par exemple en France, en coupant celle-ci en cinq, la métropole partagée en quatre, plus un pour les DOM. Ces regroupements de GAL ont été appelés RIA (Réseau Inter-régional d'Animation). Ils ont connu des mises en place plus ou moins rapides, des productions très variées et des succès mitigés. Zone d'information sur la mécanique de programmation leader, d'échange sur les projets et méthodes ayant connus un succès (appelés «bonnes pratiques»), de partage d'expériences, d'idées, de difficultés, de pistes de coopération..., le RIA ou réseau Leader+ a su trouver sa place auprès des GAL. Pour peu qu'un besoin se soit fait jour et plus encore qu'un vide de réseau déjà constitué ou d'une présence antérieure d'un animateur dévolu à cette tâche ait existé, la rencontre entre GAL a été effective.
Le RIA a ainsi permis de produire une plus-value qui répondait à la logique de la mise en réseau. Chaque membre a pu bénéficier des rencontres et des transferts. La limite de l'exercice s'est fait jour avec la montée en puissance des programmes, des coopérations, des actions communes et des réflexions, et en corollaire un besoin de plus en plus fort de liaisons avec d'autres territoires structurés. Le réseau Leader+ ainsi constitué a eu beaucoup de mal à s'ouvrir et s'affranchir de la mécanique européenne constituant la vie du GAL. La difficulté a été d'attirer d'autres territoires dans l'aventure du transfert d'idées et de projets.
Le nouveau Leader est devenu partie intégrante du deuxième pilier de la PAC. Il forme le quatrième axe chargé de l'innovation en développement rural, sorte de département R&D du monde rural. Il s'accompagne également d'une volonté de mise en réseau, nouvelle, plus large, le réseau rural. Il correspond à l'idée de prendre en compte l'ensemble du deuxième pilier et de faire réseau autour du monde rural en général de ce qui le constitue en particulier. L'ensemble des secteurs, filières, territoires, groupes d'individus structurés et individus sont concernés.
Les réseaux ruraux sont en cours de constitution, de définition et d'action. La structuration envisagée est la suivante : un réseau rural national regroupant intellectuellement des réseaux ruraux régionaux. Si cela tient à une sélection des territoires candidats aux aides Leader (les GAL) différente, régionalisée au lieu d'être nationale, cela tient également compte des expériences déjà vécues et notamment des acquis Leader+.
Utopie magnifique ou fourre-tout voué à l'échec ? En tout cas, cette proposition mérite d'être suivie comme expérience de développement rural. Chaque région s'ingénie actuellement à formaliser ce que pourrait être son réseau rural, sa forme, ses missions, ses interactions. Chaque Réseau Rural doit être défini par une stratégie et des actions.
Comment arriver à mettre le monde rural en réseau ? Supra-réseau, inter-réseau ou réseau de réseau, quelle forme choisir ? A quel pilotage recourir et quelles champs d'actions envisager ? Une multitude de questions se font jour et sont en chantier pour permettre de rendre réelle cette idée de réseau rural et si possible de le rendre productif voir innovant dans les démarches de réseau global.