20090112

Exclusions-répulsions




20090111

Editorial

Il n’existe pas de frontières politiques naturelles, et le concept de démocratie n’enveloppe pas de limitation de ce type. Les frontières résultent toutes d’une histoire, que cette dernière s’appuie sur des phénomènes géographiques (montagnes, fleuves,…) ou non. Ce sont les fictions nationales produites par les Etats-nations qui ont pour rôle de faire passer les frontières pour naturelles, afin d’ancrer en chacun l’idée qu’on ne peut arriver de nulle part ou qu’on ne peut relever de plusieurs appartenances, accompagnée de systèmes d’exclusion-répulsion. Mais au-delà de ces faits, et au-delà de la question de savoir ce qui est satisfait en chacun par l’insistance sur les frontières et les stigmates impartis, il importe d’explorer surtout ce pourquoi nous y tenons tant, dès lors que nous devons discuter de les dépasser. Comment reconnaît-on des frontières ? A des barrières, des limites : « Il faut que tu t’en ailles, tu ne peux pas rester ici » (JMG. Le Clézio, La Quarantaine, 19 juin, Paris, Gallimard, 1995, p. 152), d’autant qu’on ne peut guère se tenir sur « la ligne frontière » (idem, le 20 juin). Par quel processus finissons-nous par les accepter ? Par habitude et éducation nationale, par prégnance du national. Comment s’en déprendre ? Le lecteur observera, dans ce numéro centré sur les relations de la Turquie et de l’Union européenne, que ce n’est pas simple, dès lors qu’une question sensible pour les uns ou les autres entre en jeu, y compris dans le cadre de l’UE.
Le Spectateur européen a déjà montré ce que peut signifier le dépassement des frontières dans le cadre de l’Union européenne dans son état actuel. La carte permanente publiée dans chaque livraison le montre bien. Notre dernière publication portant sur les cartes a non moins amorcé le débat sur les frontières extérieures. Le Spectateur pousse à réfléchir sur le statut de l’autre extérieur (avant de s’attaquer à l’autre intérieur) dans une UE qui n’a pas fini de discuter sur et avec ses « marges ».
La question que nous voulons poser maintenant est celle-ci : pourquoi les fictions nationales ont-elles une telle prégnance, au point de nous faire parfois tenir des propos étonnants, et exalter des émotions confondantes ? Le rapport entre l’Idée d’Europe, l’Europe des géographes, celle des historiens, des politiques, et la configuration actuelle de l’UE (conçue comme projet politique institué) doit permettre d’interroger la constitution, la reproduction et la transformation nécessaires des « géographies de l’esprit », ainsi que les appelle Marc Crépon.
Voilà pourquoi nous proposons à nos lecteurs quelques considérations d’ensemble portant sur les rapports EU/Turquie et/ou Turquie/UE. Entre les deux : combien de frontières et de nationalismes exacerbés ! Le lecteur verra d’ailleurs que le point de vue Grec sur cette question n’est pas sans équivoques. Encore insistons-nous plutôt pour l’heure sur les frontières mentales. Un manuel scolaire français illustre toujours la candidature de la Turquie à l’entrée dans l’UE par une femme voilée ! (Rapport de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, jeudi 6 novembre 2008). La littérature Germano-Turque n’est pas non plus exempte de stéréotypes et de conflits portant sur l’ampleur de telles ou telles moeurs. Il nous paraît, sur cette question, qu’il importe d’en finir avec les répulsions si manifestes dans certains milieux parce que fondées sur des stéréotypes. D’autant que, qu’on soit favorable ou défavorable à l’adhésion de la Turquie à l’UE, la moindre des choses est de requérir des commentateurs des arguments, et non des sentiments vagues mâtinés de mensonges ou pire, de racisme. Quant à l’appartenance de la Turquie à l’Europe géographique, cela ne pose aucun problème, et un récent numéro de la revue Grande Europe, n°1, 2008 (Paris, La Documentation française) le rappelle avec nombre d’arguments. Quant à son appartenance à l’Europe historique, nul historien ne la conteste. Quant à son appartenance à l’Europe philosophique, qui la nie ? Alors, évitons les faux débats, voilà tout du moins ce que propose ce dossier : entreprendre les débats, en mettant en confrontation les perspectives turques, grecques, françaises, allemandes, espagnoles ainsi que toutes les autres, afin d’aider à construire une argumentation. La culture européenne, si elle doit avoir lieu, ne peut procéder de lieux communs. Elle doit se forger dans l’argumentation et la confrontation.

20090110

10 raisons

Dix raisons en faveur de l’adhésion de la Turquie à l’U.E.
Kerim Uster
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Résumé en Turc.
Türkiye Avrupa Birliği'ne neden girmeli? Bu yazı iki temel fikir öneriyor. Öncelikle, Türkiye demokrasinin kökleşmesi ve tam anlamıyla bir hukuk devleti olma konularında önemli ilerlemeler kaydetti. Gerek insan hakları konusunda olsun gerekse de ordunun siyasetten -siyaset dünyasından- geri adım atmaya başlamasında olsun. Fakat şu çok açık; bu ilerlemeler hala yetersiz. Buna rağmen, AB'nin Türkiye'yi kabul etmesi ve Türkiye'nin de AB'den vazgeçmemesi gerekiyor. Türkiye "genç" bir demokrasi ve bazı sorunları çözmesi için yeterli olgunluğa sahip değil. Bu ülkenin AB'ye girmesi demokratik gelişmesini tamamlaması için vazgeçilmez bir yol. Türkiye bunu başarmak için gereken bütün altyapıya sahip.
İkinci önemli fikir ise Türkiye'nin nüfusunun çoğunluğunun Müslüman olması. Bu durum, AB için oldukça olumlu. Günümüz dünyasındaki Müslüman ve Hıristiyan çarpışması ortada. 11 Eylül 2001 de gerçekleşen olaylar, iki kültürün anlaşmazlığını ve birbirine duyduğu çekinceleri hiç kuşku yok ki arttırdı. Oysa ki, iki kültür bir yandan oldukça farklı olsa da, ortak noktaları da yok değil; mesela iki din de monoteist. Yani, AB'ye Müslüman bir ülke kabul etmek, iki kültürün tekrar birbirine bağlanması ve barışması açısından önemli bir adim olacaktır.
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L’article 49 du Traité portant sur l’Union Européenne précise que « peut demander à devenir membre de l’Union tout Etat européen qui respecte un certain nombre de principes ». Mais qu’entend-on par « Etat européen » ? Sur quels critères devons-nous nous fonder pour affirmer le caractère européen d’un Etat ?
Cet article du Traité semble présenter une confusion entre l’Europe et l’Union Européenne, confusion qui a tendance à fausser le débat quant à l’élargissement de celle-ci. En effet, l’entrée dans l’Union Européenne n’est pas de nature, à elle seule, à conférer la qualité d’Européen. Nul ne conteste cette appartenance aux Suisses ou aux Norvégiens, qui pour l’instant ne font pas partie de l’UE. À l’inverse, si demain le Conseil européen, dans un de ses moments de fantaisie, décidait l’élargissement de l’UE au Sénégal, ce pays, me semble-il, ne deviendrait pas européen pour autant. Ainsi l’évocation de la qualité « européenne » afin de justifier l’adhésion d’un pays à l’UE paraît relever du non-sens. La réponse à la question : « La Turquie est-elle européenne ou non ? » ne permet donc pas d’argumenter en faveur ou à l’encontre de son adhésion. Rappelons d’ailleurs que certains hommes politiques français qui défendaient l’Algérie française affirment, aujourd’hui, le caractère non-européen de la Turquie. Autrement dit, la qualité « européenne » semble être un instrument en vue de dissimuler ses opinions personnelles, davantage qu’un argument pour justifier l’adhésion d’un pays.
Quels sont ces critères d’adhésion à l’Union Européenne ?
Les principes évoqués à l’article 49 sont énoncés à l’article 6 du même Traité : il s’agit de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que de l’Etat de droit. Autrement dit, s’il existe des frontières à l’UE, elles ne peuvent être géographiques à l’instar de cette phrase, devenue presque « proverbiale », du Président de la République : « La Turquie est en Asie Mineure ». Elles sont davantage des frontières concernant des exigences démocratiques. Qu’en est-il de la Turquie au regard de ces exigences ?
Tout d’abord, la Turquie déploie la plupart des infrastructures d’une démocratie « moderne ». La routinisation des alternances au pouvoir au travers d’élections libres, des partis politiques dotés d’intérêts et d’idéologies divers, des médias pluralistes, la marginalisation de l’islam politique et de l’idéologie islamiste, illustrent le caractère démocratique du régime. Constitutionnellement, la Turquie dispose de pouvoirs exécutif, législatif et judicaire autonomes, par conséquent la séparation des pouvoirs est en principe assurée. Cela dit, La Turquie est une « jeune » démocratie dans la mesure où la République date de 1923 et le passage au multipartisme seulement de 1946. Cela explique certains dysfonctionnements institutionnels dus notamment à certaines pressions « extérieures », en l’occurrence celles de l’armée, qui peuvent mettre en danger, comme l’ont bien illustrés les nombreux coups d’Etats intervenus au cours du XX ème siècle, la stabilité et la continuité de celles-ci.
Mais examinons de plus près cette démocratie turque et plus précisément les questions dérivées que celle-ci pose au regard de la question suivante : quels sont les obstacles à l’adhésion de la Turquie à l’UE ? Nous tenterons d’y répondre en étudiant successivement la tutelle de l’armée sur le pouvoir politique, le statut des minorités, les droits de l’homme et enfin les « questions qui fâchent ».
Qu’en est-t-il de nos jours de cette tutelle de l’armée ? Constitue-t-elle un obstacle à l’adhésion de la Turquie à l’UE ? Avant de s’attacher à cette question, il est nécessaire de rappeler que l’armée a joué un rôle essentiel dans la création de la République laïque en 1923. Autrement dit, il faut prendre en compte, lorsque l’on examine la tutelle de l’armée sur le pouvoir politique, le contexte historique dans lequel cela s’inscrit. Au demeurant, l’armée fait l’objet d’une valorisation considérable dans le pays dans la mesure où, d’une part, elle a donc participé à la création de la République et d’autre part, elle s’est montrée garante de la laïcité pendant près d’un siècle. De là la difficulté de l’écarter d’un seul coup de la vie politique.
Cela dit, difficulté n’est pas synonyme d’impossibilité. Force est de constater que cette tutelle de l’armée s’affaiblit au fil du temps, preuve du gain de maturité de la démocratie turque. Tout d’abord, la réforme constitutionnelle de 2001 a réduit la place de l’armée dans les institutions. Ce mouvement engagé a été approfondi. En effet, le Conseil national de sécurité (MGK), issu du coup d’Etat de 1980 et principal instrument de la domination militaire sur les institutions démocratiques turques, est devenu consultatif ; sa composition modifiée donnant désormais la majorité aux civils. Enfin, rappelons que l’armée n’a pas opéré, cet été, le « coup d’Etat » tant attendu par l’opinion publique (turque et européenne) en renversant le parti au pouvoir, le parti AKP ( Parti de la justice et du développement). Ainsi l’armée semble se retirer progressivement de la vie politique, consolidant la Turquie dans sa marche vers l’Etat de droit.
Un second obstacle retenu par les « Turco sceptiques » pour réfuter l’entrée de la Turquie dans l’UE est le respect de ses minorités et notamment de la minorité Kurde. À ce sujet, évoquons tout de même, les réformes qui ont légalisés l’enseignement privé de la langue Kurde ainsi que les émissions de radio et de télévision dans cette langue. Par ailleurs, les lois restrictives concernant les religions minoritaires ont été amendées dans un sens plus ouvert.
Enfin, la question des droits de l’Homme et notamment celle du statut des femmes semble constituer un autre aspect de cette question démocratique, obstacle à l’adhésion de la Turquie. À nouveau, rappelons la série impressionnante de réformes constitutionnelles et législatives concernant ce sujet. En effet, la peine de mort fut abolie, le droit des femmes amélioré et concilié avec les normes européennes (par exemple, le statut de chef de famille, attribué au mari, fut aboli). Par ailleurs, un nouveau Code pénal ainsi qu’un nouveau Code de procédure pénale ont été adoptés, la pratique de la torture par les forces de l’ordre interdite et sévèrement punie.
Qu’en est-il des « questions qui fâchent » ? Il s’agit bien évidemment du problème Kurde, du « tabou Arménien » et enfin du « casse-tête Chypriote » pour reprendre les expressions de Michel Rocard. Tout d’abord, ces problèmes ne relèvent pas, en principe, des critères d’adhésion à l’UE. Mais évacuer ces questions d’une telle façon serait sans doute maladroit et d’une certaine mesure hypocrite. Cela dit, concernant ces questions, la Turquie a également effectué certaines avancées. La question arménienne, par exemple, commence à être débattue dans les lieux publics. Quant au « casse-tête » Chypriote, c’est bien la partie grecque de l’île qui a refusé le plan Annan qui prônait la réunification. Le problème Kurde, lui, a été traité dans le cadre du respect des minorités.
Ces réformes sont certainement insuffisantes et des difficultés éminentes perdurent quant à leur application. Ces dernières constitueraient, selon les « anti-Turcs », des arguments pertinents pour refuser la candidature turque.
Mais un positionnement « anti-Turc » ou « pro-Turc » ne paraît pas compatible avec le projet de l’UE. Car, être partisan de l’UE, rappelons le, c’est, avant tout, croire aux principes de l’article 6 du Traité de l’Union. Au demeurant, les prises de positions formelles fondées sur des préjugés sont inconciliables avec ces principes, ce qui explique le caractère insignifiant de ces positions. Au contraire, toutes ces questions font appel à l’identité de l’UE qui a, me semble-il, une responsabilité à l’égard de ces problèmes. L’UE croit-elle réellement que le gel des négociations permettra à la Turquie de résoudre ses conflits ? Mis à part briser la dynamique des réformes pour se conformer aux critères européens, cela n’aurait pas d’effets très positifs. Certes, dans la mesure où la Turquie est une « nouvelle » démocratie, il est parfois difficile qu’elle fasse preuve de suffisamment de maturité pour régler certains conflits. Mais, si l’UE repose sur l’exigence du respect des droits de l’homme et de la démocratie, elle détient une part de responsabilité dans la résolution de ces problèmes. Elle a le devoir de soutenir ce pays dans son processus de démocratisation. Il faudrait que l’UE entre en Turquie et non le contraire. La Turquie ne relève pas d’un autre contexte et ces conflits ne sont pas extérieurs à UE. Ainsi l’adhésion de la Turquie à l‘UE parachèverait le processus de démocratisation du pays et consoliderait sa marche vers l’Etat de droit. À l’inverse, éloigner ce pays de l’UE constituerait une vraie « gifle » à l’égard des Turcs, décrédibiliserait les démocrates du pays, au risque de faire sombrer le pouvoir dans un régime autoritaire fondé sur le nationalisme.
Par ailleurs, on reproche à la Turquie son type de laïcité. Certes, cette laïcité, paradoxalement inspirée du modèle français, n’opère pas la séparation de l’Etat et de la religion. Au demeurant, il s’agit d’un contrôle de la religion par l’Etat comme l’illustre l’existence d’une direction des affaires religieuses le « Diyanet » rattaché au Premier Ministre. Pour autant la laïcité turque est-elle une « fausse » laïcité ? L’UE repose sur un projet laïque. Mais de quelle laïcité parlons-nous ? La laïcité n’a pas une signification unique ou uniforme dans la mesure où chaque pays part d’abord de ses propres présupposés historico-culturels. Force est de constater qu’il existe plusieurs formes de laïcité dans l’UE. D’ailleurs, cette dernière phrase doit être lue avec prudence dans la mesure où le terme « laïcité » n’existe pas dans certains pays de l’Union : on parle souvent de préférence de sécularisation. Autrement dit, il serait peut-être plus juste de faire discuter entre elles ces différentes laïcités présentes dans l’UE afin de trouver des terrains d’entente avant de reprocher à la Turquie sa propre forme de laïcité. En ce qui concerne cette dernière, il serait plus approprié d’employer le terme « sécularisation » bien que le terme turque soit celui de « laiklik », dont on entend bien qu’il est inspiré phonétiquement du français.
Mais pourquoi penser l’adhésion de la Turquie en terme négatif. N’y a-t-il pas des aspects positifs à cela ? Est-ce trop provocateur de poser la question de la façon suivante : Pourquoi la Turquie doit-elle entrer dans l’Union Européenne ? L’économie, l’histoire et la religion de la majorité des Turcs à savoir l’Islam semblent être des réponses pertinentes pour de telles questions.
Les critères de Copenhague exigent « l’existence d’une économie de marché viable ainsi que la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché intérieur de l’Union » (Traité). En l’occurrence, la Turquie respecte ces critères économiques. Mieux, et c’est une spécificité turque : la Turquie est le seul pays candidat à l’UE qui ait été associé à cette Union, sans en être membre, par le biais d’un accord d’union douanière, et cela depuis douze ans déjà. De surcroît, en 2007, ce pays a envoyé vers l’UE des 27 près de 57% de ses exportations et en a reçu un peu plus de 40% de ses importations. Par ailleurs, la Turquie est désormais le premier fabricant européen de téléviseurs, le premier constructeur de bus et d’autocars, le troisième fabricant de yachts et le quatrième marché de télécom. Autrement dit, d’un point de vue économique la Turquie est déjà dans l’UE et son adhésion à part entière concourrait à la prospérité de l’Union.
D’abord les Ottomans, puis les Turcs ont les yeux rivés sur l’Europe depuis deux siècles. Les Ottomans s’engagèrent, tout au long du XXeme siècle, dans un mouvement de réformes qu’ils qualifièrent d’ « occidentalisation », terme de leur invention. Abdlülmecid 1er inaugurait l’ère des Tanzimat (réorganisations) et proclamait en 1839 un rescrit impérial qui levait les restrictions au regard du droit de propriété. Par ailleurs, l’égalité de toutes les personnes, sans distinction de religion et d’ethnie, fut instaurée, les tribunaux et l’enseignement public séculiers institués. Au demeurant, ces actes constituèrent au moins partiellement, une sorte de Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen en version ottomane. Ces réformes permirent à l’Empire Ottoman d’être officiellement admis dans le cercle des Etats européens. Lors du Congrès de Paris de 1856 organisé par une coalition incluant l’Angleterre, la France et l’Empire Ottoman, ce dernier devint membre du concert européen. Ce mouvement fut approfondi après la fondation de la République (1923). Le pouvoir kémaliste s’en prit aux bases juridiques et financières de l’Islam. En effet, les fondations et les tribunaux islamiques furent abolis. L’éducation devint laïque et placée sous le contrôle du ministère de l’Education nationale. En 1928, l’alphabet en lettres latines remplaça l’alphabet arabe. Le calendrier Turc se substitua au calendrier arabe et le dimanche devint le jour de repos à la place du vendredi. Un nouveau Code civil, celui de la Suisse fut introduit. Les femmes obtinrent des droits, notamment celui de voter, dans les élections municipales de 1930 et dans les législatives de 1934, bien avant de nombreux pays européens, dont la France. Ainsi à travers cette rafale de réformes modernisatrices, certes autoritaires, le visage de la Turquie se transforma.
Ce rapprochement historique avec l’Europe permit à la Turquie de déployer de nombreux réseaux d’échanges avec l’UE (et vice-versa), réseaux d’échanges qu’une adhésion future viendrait approfondir. Évoquons, par exemple, le dîner de gala organisé du 24 au 26 novembre 2008 par la Chambre de commerce française en Turquie, avec près de 300 hommes d’affaires Turcs et Français (1), en présence du président de la Chambre de commerce d’Istanbul, M. Yalçintaş et de la secrétaire d’Etat français chargé du Commerce extérieure Madame Idrac. Mais cette expression « réseau d’échange » ne vise pas uniquement le commerce, il s’agit aussi, par exemple des réseaux d’échanges universitaires. L’idée est, en règle générale, d’approfondir les échanges pour une meilleure connaissance culturelle des pays afin d’éviter au maximum, les incompréhensions. En effet, réduire la Turquie aux écrits d’Orhan Pamuk et de Nazim Hikmet ne parait pas rendre compte de la réalité culturelle de ce pays. De même pour la France qu’on ne peut résumer à Voltaire ou à Rousseau. Éviter ces raccourcis paraît essentiel pour résorber un problème majeur dans le monde : les incompréhensions culturelles. Car, c’est en apprenant à connaître l’autre qu’on fait fondre et disparaître celles-ci.
C’est pourquoi, nous pensons enfin que la religion de la majorité des Turcs à savoir l’Islam constitue un argument qui joue en faveur de l’adhésion turque. Mais reprenons le problème de plus haut. L’UE, nous l’avons vu, propose un projet laïque. À première vue, affirmer le caractère pertinent de l’Islam comme argument à l’adhésion parait donc être dépourvu de sens. Mais comment expliquer que les critères d’adhésion se multiplient au fur et à mesure que la Turquie les respecte ? N’y a-t-il pas, chez de nombreux européens, un consensus implicite pour définir l’UE comme un « club de nations chrétiennes » ? Dès lors, nous comprenons que le problème ne concerne pas directement la Turquie mais l’Islam. En effet, Samuel Huntington (2) employait dans son ouvrage l’expression « choc de civilisation ». Force est de constater qu’il existe des incompréhensions et des méfiances entre les religions musulmane et chrétienne. Méfiances qui se sont accrues après les événements du 11 septembre 2001, en lien avec l’islamisme plutôt que l’Islam. Mais pourquoi sont-elles si méfiantes l’une à l’égard de l’autre alors que ces deux religions déploient de nombreux points communs à commencer par le fait qu’elles se présentent toutes les deux comme des religions monothéistes révélées. Il semble d’après nous nécessaire que l’Islam et le Christianisme apprennent de nouveau à se connaître, d’autant que 20 millions de musulmans vivent dans l’Union. Cela permettrait de faire disparaître les amalgames « musulman-terroriste » ou « chrétien-impérialiste ». Car cette peur mutuelle qu’entretiennent les deux références religieuses l’une à l’égard de l’autre réside dans leur méconnaissance. Ainsi, l’adhésion de la Turquie constituerait une réponse à ces incompréhensions culturelles et favoriserait un pas important vers la pacification des relations chrétiens-musulmans.
(1) Félicitations à Jessica Dafer pour l’oscar obtenu.
(2) The clash of civilizations and the remaking of world order, New York, Simon and Schuster, 1996, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 1997.

20090109

France’s attitude

France’s attitude against Turkey on the way of EU and proposals for solution.
Fatih Mustafa Çelebi
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Dans cet article, l’auteur, Turc, rappelle que les relations entre la France et la Turquie ne sont pas récentes. Les deux pays ont des contacts depuis longtemps. Mais concernant l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, la France fait tarder les choses, quand elle ne s’y oppose pas, en fonction des voeux des différents Présidents de la République et de leurs soucis électoraux. L’auteur construit son article en trois temps. Il souligne les propos français. Puis il indique la position d’autres pays (Angleterre, Espagne, Italie, Allemagne, Autriche), afin de faciliter la confrontation des perspectives. Sur cette base, enfin, il propose des arguments destinés à aider à contrer le discours français. On remarquera particulièrement dans ce texte le tableau par lequel l’auteur répond point par point à la position française, organisant ainsi d’autant mieux la possibilité d’un débat.
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Résumé en Turc
Türkiye'nin AB'yle müzakerelerinin sürdüğü günümüzde, Türkiye'nin üyeliğiyle ilgili tartışmalar devam etmekte. Bilindiği üzere tartışmada iki cephe var. İlk cephe Türkiye'nin AB'ye ait olduğunu, ikinci cephe ise tam aksi düşünceyi savunuyor. İkinci cephenin geçmişten bugüne dile getirdiği düşüncelere, tezlere ve görüşlerini temellendirdikleri noktalara çok yapıcı ve elle tutulur cevaplar verildi, ayrıca da hali hazırda verilmekte. Bu cephenin ısrarla vurguladığı –her defasında da yanıt aldığı, ama hala dile getirmekten bıkmadığı- bir konu var; din konusu. Anlaşılacağı ve bilindiği üzere din ekseninde süren tartışmalar dahilinde, Türkiye'nin lehinde tutum sergileyen kesim somut açıklamalar yapmaktadırlar. Fakat konuya farklı pencerelerden bakılması ve açıklamaların çeşitlendirilmesi taraftarıyım. AB'nin bugünkü 27 üye ülkesinin nüfuslarının büyük çoğunluğu Hristiyan. Ayrıca sadece AB'de değil, bütün dünya'da Hristiyanlık dini önemli bir etkiye sahip. Türkiye'nin nüfusunun çoğunluğu ise Müslüman. İşte Türkiye aleyhtarı kesimlerce dile getirilen şikayetlerden biri. Onlara gore Türkiye AB'ye üye olamaz çünkü o, nüfusunun çoğunluğu Müslüman olan bir ülke. Türkiye çok zengin ve tarihi topraklar üzerinde yaşamını sürdürüyor. Anadolu, yani Türkiye'nin yaşadığı topraklar, ülke tarihini ve ülkenin gerçekte ne demek olduğunu çok iyi anlatmakta. İşte cevapta tam olarak orada; Türkiye'nin yaşamını sürdürdüğü topraklarda. Dinsel farklılıkları bahane ederek Türkiye'nin AB üyeliği önüne set çekmek isteyenlere verilecek cevap. Peki sadece Türk topraklarını işaret ederek nasıl bir cevap verebiliriz ki? Bu ne demek oluyor? Bugünkü Türk topraklarının, yani Anadolu'nun AB'ye üye olan 27 üye ülkenin nüfuslarının çoğunun inandığı din olan Hristiyanlığın bugüne gelmesinde ve bugünkü halini almasında çok büyük bir rolü var. Bu rol iki basit örnekle rahatlıkla açıklanabilir. Geçmişte İncil'in günümüz halini alması için büyük bir konsil toplandı. Bu konsilde dönemin önde gelen Hristiyan din adamları vardı. Konsil, İncil'in sayısının dörde indirilmesini kararlaştırdı. Yani, İncil'e bugünkü şeklini verdi. Bu konsil ise İznik'te, yani Anadolu topraklarında bir araya geldi. İkinci örnek ise yine çok kısa ve yine çok net. Hristiyanlık dinine ilk olarak 'Hristiyan' adının verilmesi ve bu şekilde adlandırılışı bugünkü Tarsus ve Antakya arasında kalan bir coğrafyada meydana geldi. Peki burası neresi? Yanıt bir kez daha Anadolu. Bu iki tarihi ve önemi kelimelerle anlatılamayacak olan örnekten şu sonuca varılıyor: Türkiye öyle güçlü bir medeniyet, öyle derin, zengin, tarihi ve anlamlı topraklar üzerinde yaşayan öyle eşsiz bir ülke ki, ona AB konusunda karşı çıkanların en temel tezini bile bin yıllar once çürütmeyi başarabilmiş. Bu bağlamda Türkiye karşıtı cephe aslında çok şanslı. Çünkü tartışmaya açtıkları konular onlar farketmesede Türkiye'nin elini her geçen gün daha da güçlendiriyor ve Türkiye'nin dünya uygarlığına neler kattığını ve gelecekte, farklı dinleri bir arada bulundurma kararlılığına sahip olan AB'ne üye olarakta neler katacağını gösteriyor.Son olarak şunu belirtmekte fayda var; Türkiye'nin tarihi ve kültürel geçmişiyle ilgili verdiğim bu iki örnek ve beraberinde yaptığım açıklamaların anlamı AB'nin ve bünyesinde barındırdığı insanların art niyetli olduğunu göstermiyor. Bunlar her demokraside olması gereken bir özellik olan çok sesliliğin bir sonucu olarak Türkiye aleyhinde görüş bildirenlere, ilgili konuyla bağlantılı verilen cevaplar sadece. Bu iki örnekle birlikte gerçek olan birşey daha var. AB çok önemli bir birikimin üzerinde oturmaktadır ve kendisini bugünkü konumuna getirmiş olan iradeye, kararlılığa ve doğru zamanda doğru kararlar verebilme yeteneğine tam anlamıyla sahiptir. Bahsi geçen bu iki büyük oyuncunun, yani AB ve Türkiye'nin ilişkileri iki tarafında en çok kazanacağı seçenek olan 'tam üyelik' seçeneğiyle birlikte yoluna devam edecektir. İlişkiler bu gelişmeler ışığında yürüyecektir, çünkü iki tarafta ortak çıkarların ortak noktalarda ve ortak hedeflerde buluştuğunu kestirebilecek vizyona ve büyüklüğe sahiptir.
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Turkey-France relations have a long background and there is no doubt that will have an important future. France was the first Christian country with which Turkey, or rather the Ottoman Empire established official relations. Turk-French relations started in 1483. These relations became amicable in 1525. The king of France, François the 1st was taken captured by Roman-Germen Empire Charles-Quint. For this reason, France called for help from the Ottoman Empire and the Ottoman Empire answered that call.
During the Turkish Independence War, France was the first western country recognizing the Ankara Government with the Treaty of Lausanne signed on 20 October 1921. However, there were disputes on the subjects between France and Turkey during the Treaty of Lausanne and relations were damaged.
However, with the foreign expansion policy of Turkey started during the period of rule of Özal, Turkish – French relations got into action and became affirmative. In the light of these developments experienced, Jacques Chirac who was elected as the President of France had made contribution to the affirmative course of Turkish-French relations.
Attitude of France against Turkey on European Union (EU) may be divided into two as Jacques Chirac Term and Nicolas Sarkozy Term. Attitude during the term of Chirac was quite smooth and affirmative. During this term, France had played an important role in signing of Customs Union Agreement in 1995, and in Turkey's effort to obtain a candidate country status to the European Union in Helsinki Summit that was held in 1999. With the constitutional amendment adopted in the General Assembly on 28 February 2005 France decided that approval of Turkey’s accession into to the European Union would be by holding a referendum. However, this article is now amended and a new article is being arranged saying that ‘approval of a country of which population is exceeding the 5% of the EU population shall be by holding referendum. In addition, it should not be forgotten that political relations of both countries was heavily damaged in 2001. Making a law on recognizing 1915 events in France deeply disappointed Turkish people and the Government of the Republic of Turkey. Relations becoming normal in 2003 were stressed by adoption of the law supporting the groundless Armenian allegations and foreseeing heavy penalties for refusal of such claims in the French National Assembly in 2006. However this draft bill has not brought in the agenda of French Senate and this has importance.
Nicolas Sarkozy term on the other hand is pretty new but very fluctuant term. Sarkozy became President in the Presidential election that was held on 6 May 2007. His pre-election attitude continues and he is still against the membership of Turkey to the European Union.
Nicolas Sarkozy is a hard leader but not very much to cope with. He has a manner and style that are usually contrary to his country’s political traditions. He is coming from a migrant family and coincidencely he probably has a far kinship with Turks. The entire thesis that Sarkozy is using in his attitude against Turkey’s membership to the EU may be confuted. Even in his own Party the number of people who have affirmative attitude against Turkey is pretty high. The former French Prime Minister Dominique De Villepin is one of good examples. Sarkozy term will not last forever and even there will be countless adverse developments against Turkey, these adverse developments may case affirmative developments along with correct policies and rational implementations.
Attitudes of Prominent EU Member Countries (such as England, Italy, Spain, Germany, Austria) against Turkey.

European Union is a project that appeals to every thought. For this reason, it is a composition including different countries, different cultures and different civilizations and establishing a unity from diversities. There are 27 member countries in European Union. All have their own views and policies about Turkey. In this section, I am going to analyze attitudes of prominent EU member countries. First, I am going to start with England.
England wants to be an “elder brother” of Turkey on its way of full membership to the EU. Apart from financial aids, England provides all kinds of contribution and support. Starting with Tony Blair, this affirmative period is still continuing with Gordon Brown. It is very important for Turkey that England is standing near Turkey.
Spain has taken no adverse attitude against Turkey. It is in a more moderate position compared to England but it is still contributing Turkey. Spain thinks that after Turkey would become a member of the EU, this would not damage Spain. This view constitutes the basic thesis of Spain.
Germany had taken a very positive attitude against Turkey about the EU during the term of Gerhard Schroder. However, this atmosphere changed upon election of Angela Merkel who came to power after Schroder. Now, Germany follows an adverse policy against the membership of Turkey to the EU.
Austria as well is taken an adverse attitude against Turkey's membership to the EU just like Germany. Austria pubic opinion has a great role in this policy. Today, it is still possible to see the impacts of the events happened during the reign Ottoman Empire. In addition, impact and impression left by the workers who went to Austria in 1960s to work in this country caused a formation of bad Turkey image in the eyes of Austrians. The same impression may be seen in different countries of Europe including Germany. However, it should not be forgotten that our workers are not responsible for the picture of Turkey due to worker migration and my aim in mentioning is not to blame or insult our workers. A similar migration had happened from Italy. However, Italian embassies in the countries to which Italian workers went have never left those workers alone. However, Turkey have not done the correct move and therefore still have the effects.
Attitude of Italy against Turkey is affirmative by the effect of Silvio Berlusconi. Just like England, Italy also supports Turkey’s membership to the EU and has been helping Turkey during negotiation process.
Perhaps Sweden is the most affirmative country against Turkey. Sweden is one of the very first countries to help Turkey. They promised that they will make all kind of assist to Turkey at bureaucrat level even before the negotiations have not been opened.
As it is seen, there are different countries taking affirmative or adverse attitude against Turkey on the way of membership to the EU. However, there is one important point to take account. No country likes another. Countries establish their policies just by considering their interests and they make implementation accordingly. At this point Turkey should be very careful, should maintain its relations with other countries based on this truth and should determine its targets by most rational ways on the way of the EU.

Basic thesis that Nicolas Sarkozy defends against Turkey’s membership to the EU and concrete answers given/may be given.


Thesis of Nicolas Sarkozy
Concrete answers

1) 98% of Turkey’s soil falls out of Europe.
1) Turkey is geographically included as well in Europe to where the entire Cyprus island belongs.

2) Turkey will become the most populated country of the Union within 20 years.
2) There is a probability that Turkey will become the most populated country of the Union in 20 years. This may change some balances in the Union. However, this change will be favor of the EU, the Union will gain more strength. Because, the purpose of Turkey is not that weakening the EU. In addition, when we consider the population of the EU getting older, we can say that the young Turkish population is a need fort he EU.
3) Turkey’s culture carries mostly Muslim factors.
3) Europe and the European Union mean a union that is established by differences. Religious discrimination will only lead the world to worst. Ensuring permanent peace between Christian and Islam world will only be provided by getting rid of such religious obsessions. Besides, membership of Turkey to the EU is an important opportunity to establish permanent peace between Christian and Islam world.
4) If Turkey becomes a member to the EU, the fact called European Policy will be destroyed.
4) It is useful to consider the changing balances and new facts appeared in the world. Today politic actors are changing their roles. In this sense, European Policy may be strengthening by the membership of Turkey to the EU.
5) Turkey has to fulfill its historical task against Armenia.
5) 1915 events are completely a different issue. However, Turkey has the self-confidence and legitimacy required to discuss this issue at every platform. For this reason, it is the historian’s job to interpret the historical facts based on true documents and it is the politicians’ job not to limit the freedom and expression.

6) If Turkey becomes a member to the EU, memberships of Israel, Tunisia, Algeria and Morocco may be in question. Thus, the EU becomes a sub-region of the United Nation.
6) The legal frame of Turkey-EU relations and in this context its status targeting full membership completely different from other countries in question. All institutions of the Republic of Turkey involve in European organizations and almost all organizations from scientific, sportive, cultural associations and institutions, ton on governmental organizations and political parties are recognized by other countries in Europe. In addition, Turkey is one of the founder countries of the European Council.
7) In the referendum held in November 2005 on the European Institution, French and Dutch people vote ‘no’ to the institution which means they do not want to see Turkey in the Union.
7) Some communities in Europe do not know Turkey and Turkish people well enough, do not sufficiently know the possible effects that Turkey would make to the Union with its membership and therefore they make wrong determinations on the membership of Turkey to the EU. It is obvious that the ‘no’ votes will turn to ‘yes’ with an objective, true, planned and programmed introduction of Turkey and Turkish people.

How does the Decision Process Work in the EU? How does the Full Membership Process develop?


Turkey started full membership negotiations with the European Union on 3 October 2005. Pace of the reform works maintained effectively during pre-negotiation process unfortunately decreased after negotiations start. No matter what, negotiations continue although they slow down. In this context, there is a long and challenging way in front of Turkey. This way is one of the most important phases of the decision process of the EU. In order to be successful on this way, it is quite important to understand how does the decision process work and how does the full membership process develop and to convey these to the public opinion.
It is obligatory to start full membership negotiations and to fulfill all criterions under the 35 titles in these negotiations in order to be a full member to the European Union. Before starting the full membership negotiations, a country has to obtain a candidate country status and commencing negotiations after obtaining the status in question are different and challenging ways. To be brief, there are certain criterions in order to commence negotiations and there are certain criterions in order to complete negotiations and be a full member. Basically the decision process of the EU may be summarized as above.
Negotiations of Turkey on the way of full membership to the EU have been continuing about three years. In this three years Turkey has recognized that the full membership process would be challenging. However, there is a point that should be considered. 85% of the negotiations are completed in the related candidate country. That is to say if Turkey wants to complete full membership negotiations, first of all it should force itself and make an effort. Of course, here the effect of the political power is considerable. If the political power wants, negotiations may be put on the right track and an affirmative course may be ensured. In this connection, I want to forecast how the full membership process in Turkey will develop.
First of all, it is useful to remind some developments occurred in Turkey. Public opinion is a very important factor in the process of full membership. People who direct and have effect on the public opinion should be very careful in precision level of their speechs and they have to be sure about the accuracy of the information that they give. However, speakers appeared on the most viewed TV channels and people who have effect on the public opinion may give some inaccurate information on the EU in their speeches. Interestingly people may give such information in full of self reliance. These kind of events lead to misinformation of the public opinion and to decrease in public opinion support given Turkey on the way of the EU.
Furthermore, other factors in Turkey should also be taken into account. In a country it may be seriously destructive for that country to pretend like ambitious on something but in fact being not so. These two continuing developments that I have just mentioned damage the full membership negotiations of Turkey to the EU. Also, along with these, there are also other developments that are vitally important and reminding me implementations out of democracy. If these developments are concluded as those who are ambitious to govern the country by taking the power in anti-democratic ways want to be, full membership negotiations of Turkey may be stopped which means an adverse result for Turkey that may not be described by words and which would, there is no doubt, bring back Turkey about 20-30 years.
Developments experienced in other countries than Turkey are very important as well. There is no doubt, the external developments affecting the full membership negotiations of Turkey are seen amongst the countries that are full members for the EU. As it is known, some of the EU member countries including notably Austria, France and Germany are against the membership of Turkey and for this reason they are in some activities in order to prevent Turkey’s membership. Particularly the efforts (!) of France relating to this subject matter became very interesting. France wants to put the provision that asking the EU membership in a referendum out of its constitution. However, at the same time it wanted to put a provision in its institution that asking the EU membership of countries that are not geographically in Europe in a referendum. Then, a draft bill that makes the population ratio a criterion was prepared. Claiming that Turkey is not located in Europe as to geographical aspect is the first statement that France -mostly Sarkozy- likes to make. It is not necessary to say that this thesis is not valid anymore. However, it seems that someone has not still fed up with Turkey giving South Cyprus example. Additionally, France has blocked 5 of the titles out of 35 in the negotiations of Turkey with the EU. This is another development to be taken into account as well.
Already, Turkey’s full membership negotiations are continuing in such an atmosphere and development of the full membership process depends on the results obtained in such an atmosphere. Although it seems that the negotiations continue in an adverse environment, there is no obstacle before Turkey to put this adverse environment into a right track by taking determined steps. Turkey has such potential and power to do so. Also, despite the policy that is followed by some EU member countries including France against Turkey seems adverse about the full membership, there are people in those countries who are affirmative to Turkey and of course political powers in these countries would change after a certain time.

Proposals for Solution.

Turkey will have to convince France to change its attitude against Turkey if Turkey wants to be a full member of the European Union. Convincing Nicolas Sarkozy is very important with this respect. Solutions may be proposed by pages of letters or reports. However, I think it is more useful to simplify the events. For this reason, I feel that listing the proposals for solution one by one as to easy reading and understanding is useful. Therefore, following there are some proposals for solution in order to solve some dilemmas between Turkey and France on the EU:

- European Union is a project that may appeal to every thought as long as such thought is not a radical one. Thesis defended by some who are against the European Union are not on strong grounds and not based on correct information. For example, there are some people defending that some of our values will die out when we become the member of the EU. Then, which member country to the EU had lost its values? That is, the first proposal for solution is to suggest that European Union project should be understood, learnt and covered by all parts at first stage.

- It is so obvious and clear that 85% of the negotiations with the European Union are run in the related country itself. That is to say Turkey needs a very strong political will about the EU.

- In some countries of Europe, the image of Turkey does not reflect the truth. Namely, Turkey has an image problem in Europe. For this reason Turkey should prepare a communication program. For example, a country that is a member of the EU now, hired a theatre hall in France and had performed plays from its own country during the negotiation process. Turkey should well analyze this example and make a serious, systematic and planned communication program to introduce to Europe.

- Sarkozy established a new union named The Mediterranean Union. He invites Turkey to join this unity as well. A Mediterranean Union may not be considered without Turkey yet. However, according to some parties, Sarkozy offers the Mediterranean Union as an alternative of the European Union. I think Turkey should strictly decline the membership of the Mediterranean Union offered by France if it’s going to be seen as an alternative to Turkey for EU. I believe that moves against France should be more strict and aggravated. We can only tip the scales in our favor in this way. We have to show the real force of Turkey in diplomatic area and that Turkey really wants the European Union.

- France should also convince itself about the full membership of Turkey to the EU.

- Countries that support Turkey’s membership in the European Union should convince France as well.

- Policy is considered based on economy in countries. You can easily form your relations with big countries through important tenders. Turkey should not waste its time in dealing with obsessions and vicious cycles. It should give importance to economic developments in the world and should produce solutions relating to economic problems and make rational plans to improve in economy.

- European affect in Turkey should be enlivened again. That old excitement at the peak before the negotiations should be recreated. With this respect, people having a voice before public opinion, non governmental organizations, education institutes and of course the political power is responsible. Only they can make it possible.

- Turkey should give importance to the philosophy of “along with people for people”. Turkey should activate its potential and should produce alternatives. Problems should be resolved under the umbrella of democracy and political life should give chance to the youth and new faces.

- Turkey has a power to cope with every problem and to produce solution. Fort his reason, Turkey and Turkish people should never give up, should not abandon itself to despair and should not desist from the European Union that is the most important modernization project in its history. I think this is the key proposal for solution.

20090108

Oui

Oui à la Turquie : le choix de la modernité.
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In 2005, Turkey began talks on joining the European Union with the constant hope of a positive outcome. However, if the dialogue exists in UK or others europeans countries, France widely disapproves the turkish membership. Which are the reasons and solutions of this deadlock ? Michel Rocard is a french politician, member of European Parliament who also served as Prime Minister under the François Mitterand mandate, from 1988 to 1991. He belongs to the Socialist Party, whose head he took in 1993, and missed running for president several times. Moreover Rocard is known as an honnest speaker and therefore he wrote a book entitled Oui à la Turquie, which explains with conscience and fervour the main features of turkish system and all its qualities. Thus Turkey will be regarded by french people as a dynamic and promising country which will be able to increase its power as soon as EU will accept it. The author wants to make french citizens more lucid about Turkey’s membership and his book is an effective claiming of truth.



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Fransanin Turkiyeyin Avrupa Birligine girmesiyle ilgili tutumu butun dunyaca bilinmekteyken, yeni bir kitabin ortaya cikmasiyla birlikte fransiz toplumu tekrar Turkiye konusunu dusunmeye basladi. Ustelik kitabin yazari herhangi bir yazar degil. Michel Rocard, eski bir fransiz basbakan. Fransiz toplumunun cok saygi duydugu onemli bir siyasi kisilik. Kitabinin ismi « Turkiyeye Evet » .Bu ulkenin yerinin kesinlikle Avrupa Birligi oldugunu savunuyor. Tarihi, eknomiyi, cografyayi, kibris, kurt ve ermeni sorunlarini teker teker ele alip, Turkiyeyi zaman zaman elestirmeyi de ihmal etmeden, Turkiyenin yolunun AB oldugunu on plana suruyor. Bu kitap, Turkiye AB iliskisi acisindan onemli bir referans. Turkiyenin bu kitaptan onemli bir ders cikarmasi lazim . Turkiyeye karsi en buyuk engel gibi gozuken Fransada bile Turkiye tartismasi cok yakinda tekrar basliyacak. Umutlar tuketilmemistir ve Turklerin gozlerinin hala batıya yonelik olması surmelidir ve gerekmektedir
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L’entrée de la Turquie dans la très sacrée Union Européenne est probablement l’un des sujets les plus controversés au sein de celle-ci. Mais en France, peut-on réellement parler de controverse lorsque le débat sur la question est à peu près inexistant ? Comme si la position négative de notre Chef d’Etat sur la sensible question turque devait clore toute discussion et laisser ainsi s’éloigner une nation bien méconnue des Occidentaux.
Michel Rocard, dans son ouvrage Oui à la Turquie (Coll. Tapage, Hachette Littératures, Paris, 2008), comble nos lacunes pour nous livrer une réflexion lucide, concise et argumentée du problème. Son passé de chef de gouvernement, son présent de parlementaire européen ainsi que ses relations étroites avec la Turquie sont autant d’éléments qui lui permettent d’entrevoir la vraie face de ce grand pays en mal de reconnaissance. Et son étude débouche sur une réponse claire : un oui à l’adhésion de la Turquie s’impose.
Si l’intitulé de l’ouvrage constitue une prise de position formelle, il n’en va pas ainsi dans toutes les pages de l’ouvrage. L’auteur, en effet, prend soin d’observer d’un œil critique les enjeux que soulève la question de l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne. Ainsi, même le plus novice des lecteurs comprendra vite qu’il s’agit d’un débat révélateur de nombreuses questions, et qu’on ne peut clamer un « Oui à la Turquie » sans en expliquer les raisons, les conséquences et les défis.
Par souci de clarté et d’accessibilité, la plume de l’ex-Premier ministre se veut fluide et méthodique. Plutôt qu’une analyse prolixe, c’est plus certainement un compte-rendu des difficultés et un appel à la prise de conscience que Rocard entend livrer à ses lecteurs. Pour cela, la contexture se cantonne à une élémentaire succession de chapitres abordant chacun un aspect précis du problème, pour une lecture rapide et aisée. Il s’agit effectivement de sensibiliser l’opinion, encore trop frileuse à propos de la Turquie, et surtout de réveiller les mentalités apathiques à propos d’une prise de décision devenue urgente.
Après une brève introduction, le lecteur apprend s’il est besoin que la Turquie a joué un rôle de poids dans l’histoire et la géographie de l’Europe. Et l’auteur de nous rappeler brièvement la chronologie de cette construction de la Turquie à travers ses relations avec le vieux continent, constamment motivée par un « tropisme européen » unique.
Les exemples affluent pour attester que la Turquie s’est toujours tournée davantage vers l’Ouest durant son histoire, depuis l’hégémonique Empire Ottoman jusqu’à plus récemment lors de la Première Guerre Mondiale ou la Guerre du Golfe. Mais s’il ne faut retenir qu’une date, c’est celle du traité de Sèvres de 1920 qui a dépouillé l’Empire de sa toute-puissance après la défaite de l’Allemagne et de ses alliés. L’acuité du traumatisme n’aura pas fait sombrer le pays pour autant : c’est avec vaillance que les Turcs se sont relevés de cet échec cuisant pour entamer une mutation politique, démocratique et sociale profonde. La plus grande de leur histoire sûrement, portée par leur désormais héros national Mustafa Kemal. Et Rocard insiste longuement sur cet épisode de renouveau, cette remarquable avancée du peuple turc qui, au lieu de se montrer vindicatif, a préféré se reconstruire en cherchant l’inspiration chez les vainqueurs. Mustafa Kémal, ou Atatürk (le père turc), demeure en cela l’emblème intemporel de la République turque moderne.
Le deuxième chapitre prolonge cette observation et se concentre sur la politique turque du XXe siècle axée sur ses relations avec l’Occident. Sous influence américaine tout d’abord, la Turquie va rejoindre l’Otan en 1952 avant de se porter candidate pour intégrer la CEE en 1959. Mais ce qui est pour les démocraties occidentales une condition essentielle d’appartenance à la communauté européenne n’est pas encore acquis à la Turquie : l’Etat de droit. C’est le début d’une sempiternelle série d’atermoiements européens tandis que la Turquie se fragilise par coups d’état et tensions internes. L’année 2002 est l’occasion d’un nouveau souffle pour le pays, avec la création du parti démocrate musulman, l’AKP. Alors que l’Europe entrevoyait des risques d’islamisation du pays, les Turcs prouvent une nouvelle fois qu’ils aiment la démocratie et qu’ils la défendent, et que l’islam est loin de l’archaïsme qu’on lui prête souvent. C’est cette dynamique démocratique réelle mais encore fragile que Michel Rocard appelle à renforcer par le biais d’une adhésion à l’Union.
Le troisième chapitre insiste sur un aspect méconnu pour ne pas dire ignoré de la Turquie : son économie. Les Européens, et notamment les Français, se sont-ils déjà interrogés sur le potentiel économique de ce candidat téméraire ? Ont-ils pris le temps de s’intéresser à la question turque à travers autre chose que sa religion ou sa situation géographique ? Rien n’est moins sûr. Cette partie du livre est ainsi parmi les plus utiles de toutes car elle décrit l’extraordinaire moteur économique turc, avec ses nombreux atouts et ses quelques faiblesses. On comprend alors que ce n’est pas sur cette matière que les Européens peuvent faire montre de leur frilosité.
Rocard entame justement un quatrième chapitre pour évoquer le « train des réformes » que la Turquie a mis en route depuis quelques années. Notamment, depuis les fameux « critères de Copenhague » de 1993, les gouvernements turcs successifs se sont engagés dans d’importantes évolutions de la politique pour approcher toujours plus le modèle, il faut le dire, équivoque, de l’Etat de droit. La révision constitutionnelle de 2001 et les réformes du système administratif et judiciaire vont permettre à la Turquie de faire une place plus grande aux droits de l’homme. Ainsi, la liberté de presse, le respect des minorités ethniques ou encore la baisse de l’intervention de l’armée dans la politique sont autant de sujets que les textes turcs encadrent pour amener l’évolution démocratique à son paroxysme. Cependant, comme le souligne honnêtement Michel Rocard, ces progrès ne sauraient suffire tant que les comportements quotidiens ne s’imprègneront pas pleinement des réformes démocratiques textuelles. C’est un effort supplémentaire que devra fournir la Turquie si elle veut parachever son processus de démocratisation, mais après la lecture de l’ouvrage, tout permet d’y croire.
Le cinquième chapitre est l’occasion pour la Turquie d’entendre ses quatre, ou pour être juste, ses trois vérités. Le fait que l’auteur s’attarde sur les « questions qui fâchent » dans un livre intitulé « Oui à la Turquie » constitue un paradoxe nécessaire. Défendre l’intégration de la Turquie à l’Union est effectivement beaucoup plus louable lorsque cela s’accompagne d’une analyse éclaircie des qualités, mais aussi des lacunes du pays. Trois problèmes sont donc exposés : kurde, arménien et chypriote. Rocard les aborde avec pédagogie, assez pour que le lecteur comprenne l’essentiel de la polémique tout en s’affranchissant des détails superflus. Si la résolution de ces conflits paraît indispensable pour que la Turquie se conforme aux critères de Copenhague, Michel Rocard assure que c’est la poursuite des négociations entamées depuis 2005 qui permettra une conjoncture propice au changement. On ne saurait donc exiger des Turcs qu’ils résolvent leurs problèmes à propos des droits de l’homme avant d’être convaincus qu’une véritable dynamique européenne soit consacrée à leur candidature.
Mais l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne ne serait-elle conditionnée que par une série d’objectifs à atteindre ? Non, assurément. C’est dans le sixième chapitre que la contradiction se dévoile. Le lecteur pourra constater que le cahier des charges imposé à la Turquie est loin d’être fixe. L’Europe demande toujours plus, retarde le moment de la prise de décision par défiance et irresponsabilité. Ainsi, quand la Turquie semble enfin en voie d’accomplir son chemin vers les droits de l’homme, on s’effraie de son poids au Parlement Européen, de ses nationalistes et du bien-fondé de sa laïcité. Les kémalistes rigides menacent-ils le régime ? Les principes démocratiques turcs sont-ils solides ? Autant de doutes qui épuisent, découragent et vexent profondément le peuple turc qui a vu ses voisins bulgare ou roumain passer sans problème. C’est de ce point de vue-là qu’il faut craindre un repli identitaire et un rejet de l’Europe irréversibles.
Dans cette mare de réflexions suspicieuses, soyons positifs, requiert Rocard. La Turquie est une chance pour l’Europe et il faut la saisir tant qu’il est encore temps. Pour éviter qu’elle ne se tourne vers la Russie ou l’Asie, il est stratégiquement judicieux de joindre les Turcs à notre communauté en vue de relations pacifiées ; car la paix, « c’est ce que l’Europe sait le mieux faire ». Aussi, pour des raisons plus pragmatiques, répondre positivement à la candidature turque est l’occasion de s’allier avec un grand exportateur d’eau et de pétrole et de développer davantage le marché entre Europe et Asie Centrale. L’immigration contrôlée, le gonflement des effectifs militaires européens et une nouvelle approche de l’islam sont également à inscrire sur la liste des points forts à tirer de cette intégration. A noter que la religion musulmane demeure un lourd facteur de réticence chez les Européens, historiquement chrétiens. Avec une détermination remarquable, Michel Rocard tente de dépoussiérer notre vision bien surannée de l’islam, démontrant son caractère évolutif, moderne et essentiel, pourvu que l’Europe souhaite étendre son influence au Proche et Moyen-Orient.
Dans le huitième chapitre nous est remémorée l’élaboration progressive de la communauté européenne, strictement économique dans un premier temps, de plus en plus coopérative par la suite. Rocard va notamment dénoncer la Grande-Bretagne pour en faire, douteusement, l’un des principaux responsables de la « mort de l’Europe politique ». Si le point de vue est discutable, le résultat demeure effectif : l’Europe politique et fédérale n’existe pas. Quelle nécessité d’établir un tel constat dans cet ouvrage ? Pour expliquer que le « pouvoir d’attraction » de l’Union Européenne, dû à ses débuts économiques et commerciaux prospères, est désormais caduc. Et l’auteur de rappeler que la Turquie a présenté sa demande d’adhésion bien avant celle de la Grande-Bretagne, sans jamais que son cas soit étudié avec l’intérêt suffisant. Alors, les faibles capacités politiques de l’Union étant désormais indubitables, la Turquie va-t-elle garder longtemps encore les yeux tournés vers l’Ouest ?
Cette question en amène une autre, à laquelle Michel Rocard va consacrer un chapitre entier : qu’est-ce que l’Europe aujourd’hui ? Quelle est la nouvelle identité européenne, si identité il y a ? L’Europe est un « objet constitutionnel non identifié », répond l’ex-Premier Ministre. Comprenez, une communauté incertaine, qui cherche à mêler les économies mais jamais les souverainetés. Non, chaque Etat entend bien conserver sa politique nationale, la France en tête. Mais il y a bien une chose qu’on ne peut imputer à l’Europe : son caractère profondément démocratique et son leitmotiv fondé sur le respect formel des Droits de l’homme. C’est ainsi que Rocard oppose la raisonnable et structurée Union Européenne aux Etats-Unis « toujours soucieux de dérégulation ». Ce match des grandes puissances est là pour convaincre que l’adhésion de la Turquie et de ses quelques 71 millions d’habitants constituerait un atout majeur pour relancer la compétitivité du marché européen, ainsi que sa dynamique économique globale.
Après la défense ardente des atouts turcs, place à la raison en ce qui concerne une date possible d’admission à l’UE. Le pire serait de précipiter l’intégration de la Turquie, selon Michel Rocard et d’autres analystes. Pour éviter flux massifs de travailleurs et charges budgétaires pesantes, il faut dire oui rapidement mais patienter encore une quinzaine d’années avant que la Turquie ne devienne un membre européen à part entière. Pour cela, Rocard suggère une intégration progressive, par étapes, qui permettrait que la Turquie entre en Europe avec les meilleures armes en main. Le peuple turc, qui a par le passé refusé des alternatives en dépit d’une adhésion pleine, acceptera-t-il cette fois une solution personnalisée ? Comment convaincre cette grande nation que son cas ne peut être traité comme celui des Polonais ou des Bulgares ?
Michel Rocard termine sur une conclusion avertie. Faire nôtre la Turquie est indispensable pour réconcilier les musulmans avec l’Occident et démontrer que l’Union Européenne n’est pas un club de nations chrétiennes. Les nonistes doivent donc savoir que si leur position est validée, les conséquences sur la crédibilité de la laïcité seront grandes. Au final, ce livre est un mode d’emploi pour comprendre l’étendue des ressources de la Turquie, grande nation au potentiel insoupçonné. Michel Rocard, s’il aura semblé évasif dans son étude aux yeux des plus vétilleux, a incontestablement réussi un pari difficile : celui de présenter la Turquie sous un jour plus honnête et plus éclairé. Et c’est une fois les a priori tombés que ce grand peuple nous apparaît comme extraordinairement capable de grandes choses avec l’Europe.

Vincent Yahiaoui



La entrada de Turquía en la Unión Europea es un tema controvertido en el seno de la Unión. Pero, en Francia, ¿podemos hablar realmente de controversia cuando el debate no existe? Como si la posición negativa del presidente francés, Nicolas Sarkozy debiera cerrar la discusión sobre esta pregunta y alejar esta nación desconocida por los europeos.
Michel Rocard, ex primer ministro francés, intenta subsanar nuestras lagunas con una reflexión lúcida y argumentada del problema. Su estudio desemboca en una respuesta afirmativa como lo refleja el título de su libro “SÍ a Turquía”.
Aunque el título del libro es una toma de posición formal, las paginas parecen estar en contradicción con el mismo. En efecto, el libro presenta un debate y es gracias a este debate que el lector entiende la respuesta “SÍ a Turquía” de Rocard.
Después de una breve introducción, el lector descubre que Turquía ha jugado un papel muy importante en la historia y la geografía de Europa. El autor nos recuerda la cronología de la construcción de este país a través de sus relaciones con el « viejo continente » motivado, este último, por un “pensamiento europeo único”. Los ejemplos son numerosos para mostrar que Turquía estuvo siempre dirigida hacia el Oeste durante su historia. Sin embargo, si hay que retener una fecha, es la fecha del Tratado de Sevres de 1920 que despojó al Imperio Otomano de su poder.
Después de este fracaso, Turquía empezó una mutación política, democrática y social dirigida por Mustafa Kemal que se convirtió en el héroe nacional al inspirarse del modelo europeo: adoptar el código civil suizo y penal italiano, la “laicidad”, inspirada teóricamente del modelo francés y la prohibición del velo en los lugares públicos. Rocard insiste en esta renovación y en la madurez del país al adaptarse a estos cambios.
Otro argumento que permite sostener la adhesión de Turquía en la Unión Europea es su economía. Rocard describe el extraordinario potencial económico de este país con sus numerosas ventajas y algunas de sus lagunas. En efecto lo que hay que entender es que lo que está en juego no es solamente una posición geográfica o de religión.
También Rocard nos evoca los esfuerzos de reforma empezados por Turquía desde hace algunos años. El gobierno turco se ha comprometido con importantes cambios para acercarse al modelo del Estado de derecho. La revisión constitucional de 2001 y las reformas del sistema administrativo y judicial han permitido a Turquía poner en un lugar importante a los derechos humanos. Sin embargo, estos progresos no son suficientes y Turquía debe continuar sus reformas democráticas. También es necesario que no se olviden la « preguntas más delicadas », es decir la cuestión kurda, armenia y chipriota.
Si esto último interesa realmente a la Unión Europea lo mas estratégico podría ser que ésta se implicara para ayudar a una democracia reciente, como el caso de Turquía, a resolverlos.
Para terminar, estamos en un mundo que presenta un choque de culturas debido a la incomprensión. En efecto, los conflictos entre el mundo cristiano y el mundo musulmán son conocidos por todos. Samuel Huntington, profesor en la Universidad de Harvard, habla de choque de civilizaciones. Entonces, aceptar a Turquía, un país musulmán, podría ser interesante para pacificar las relaciones entre los dos mundos y mostrar que existen no dos sino un mundo que reconoce la diversidad.

Reprise en Espagnol par Kerim Uster

20090107

From Greece

La position favorable de la Grèce
Yannis Pazios , étudiant.

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Résumé en Grec
Για ιστορικούς και πολιτικούς λόγους, οι σχέσεις μεταξύ Ελλαδας και Τουρκίας είναι συγκουσιακές. Ωστόσο, τα τελευταία χρόνια σημειώθηκε μία βελτίωση στις ελληνό-τούρκικες σχέσεις με την ανάπτυξη συνεργασίας των δύο χωρών σε διάφορους τομείς.
 Η χώρα μας υποστηρίζει την ενταξιακή πορεία της Τουρκίας στην Ευρωπαϊκή Ενωση, υπογραμμίζοντας 'οτι η κατάληξη της πορείας αυτής θα εξαρτηθεί απο την ίδια.Με την ένταξη της στην Ε.Ε, η Τουρκία θα πρέπει να υιοθετήσει τους κανόνες, τις αρχές και τις αξίες της Ευρωπαϊκής Ενωσης, βάζοντας σε προϋπόθεση την επίλυση των διαφορών που επικρατούν μεταξύ Ελλαδας και Τουρκίας.
 Για την χώρα μας, η ένταξη της Τουρκίας στην Ευρωπαϊκή Ενωση, είναι η μόνη λύση για να πάψουν οι τριβές μεταξύ των δύο χωρών,να επιλυθούν οι Τούρκικες αμφισβητήσεις και να αναγνωριστούν από αυτήν τα κυριαρχικά δικαιώματα της Ελλάδας.


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Résumé en Turc
Siyasi ve tarihi nedenlerden dolayı Türkiye-Yunanistan ilişkileri gergin olarak bilinirler. Her ne kadar bu iki ülke NATO çerçevesinde beraber hareket etseler de, Ege deniziyle ilgili sorunların çözümünü henüz bulmuş değiller. Peki uluslararası hukuk bu sorunları çözebilirmiydi? Belki, ama bugüne kadar bu hukukun da pek bir fydası olmadı. Dolayısıyla Yunanistan bu sorunların çözümünün tek yolunun Avrupa Birliği olacağına inanıyor. Yani, Türkiye'nin AB'ye tam üye olması gerektiğini savunuyor. Böylece halen gündemde olan bu sorunların çözümleri için ilk adımların atılabileceğini düşünüyor. Bu sayede de, son birkaç senede ivme kazanan Yunan ve Türk yakınlaşması da sürdürülebilir.

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Pour des raisons historiques et politiques, ces dernières concernant une large différence d’appréciation portant sur le Droit international, les relations gréco-turques sont conflictuelles. Ces dernières années cependant un rapprochement très net s'est instauré dans les domaines politique et économique. Le dialogue entre les deux pays a repris. Son objectif ? Parvenir au règlement pacifique de leurs différends.
Cependant les conflits persistent alors même que ces deux pays collaborent (notamment au sein de l'OTAN). Mais cela n’empêche pas la Grèce, depuis que la question de l'adhésion de la Turquie au sein de l'UE est posée, de manifester son soutien à son égard, espérant ainsi un engagement réciproque sur la voie de la réconciliation. Tout cela ne s’opère toutefois pas sans arrières pensées, puisque la Grèce espère par là aussi qu’on lui reconnaisse pleinement la souveraineté sur la mer Egée.


Les différends.

Depuis 1973, la Turquie conteste certains des droits souverains de la Grèce et cherche à obtenir une révision du statut juridique en mer Égée. Plus particulièrement, outre la question de la délimitation du plateau continental qui constitue le seul différend juridique entre les deux pays, la Turquie conteste l'espace aérien grec, le droit de la Grèce à étendre ses eaux territoriales, les juridictions grecques au sein du FIR (Flight Information Region : espace aérien placé sous la responsabilité de la Grèce) d’Athènes ainsi que la souveraineté grecque sur un certain nombre d'îles, d'îlots et de rochers de la mer Égée Orientale, en avançant la théorie des «zones grises» (exprimant les conflits de souveraineté autour des îles de la mer Egée). Enfin, elle prône un statut de démilitarisation générale des îles de la mer Égée orientale.
La contestation du statut de la mer Egée par la Turquie détermine également son attitude à l'égard de notre pays au sein de l'OTAN.
La Turquie, exploitant le cadre et les règlements de l'Alliance, avance des revendications et créée des obstacles concernant :
a) la gestion et le contrôle des entreprises aéronautiques en mer Égée,
b) la planification de la défense de l'OTAN en relation avec le statut des îles de la mer Égée Orientale, et principalement de Limnos,
c) la contestation de l'espace aérien grec et la non-soumission de plans de vol lors de l'exécution d'exercices aéronautiques alliés en mer Égée, à l'intérieur du FIR d'Athènes.


Le rapprochement.

La coopération gréco-turque se développe dans une vaste gamme de secteurs et vise à consolider un climat de confiance et de collaboration. Ce rapprochement a été placé dans un cadre systématique qui est régi par un nombre important d'accords bilatéraux dans des domaines d'intérêt mutuel, tels que les relations culturelles, le tourisme, l'environnement, la lutte contre la criminalité, les relations économiques et commerciales, l'énergie, l'agriculture et la lutte contre les catastrophes naturelles.
Notre pays se montre en faveur de l'adhésion de la Turquie à l'UE en tant que membre à part entière, à la condition que celle-ci respecte la totalité des conditions préalables et critères exigés. Les conclusions du Sommet européen des 16 et 17 décembre 2004 visent à la consolidation des structures démocratiques de la Turquie et à l'adoption définitive par la Turquie d'une conduite internationale conforme aux règles européennes, aux principes et aux valeurs de l'UE.
Ces mêmes paragraphes traitent également des questions d'intérêt spécifiquement grec, satisfaisant ainsi aux objectifs grecs fondamentaux.


* * *

En somme, la Grèce est convaincue que le rapprochement gréco-turc portant sur des questions de « moindre » importance politique et l'adaptation de la Turquie à l'acquis communautaire dans le cadre de son processus d'adhésion à l'UE contribueront à améliorer les relations bilatérales. L'adhésion de la Turquie au sein des pays membres de l'union européenne représenterait alors une reconnaissance du Droit international, donc du droit de souveraineté de la Grèce sur la mer Egée, qui mettrait fin aux conflits toujours d'actualité.

20090106

Deutschland-Türkiye

Türkische und deutsch-türkische Literatur.
Synthèse par Christian Ruby
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" Wir müssen immer daran denken, dass wir keine Sklaven von Kulturen und kulturellen Identitäten sind », hat der türkische Literaturnobelpreisträger Orhan Pamuk einmal gesagt.
In der Tat gibt es für deutsche Leser einiges aus türkischen Federn zu entdecken. Die Türkei war Ehrengast auf der Frankfurter Buchmesse (2008). Viele Bücher sind erschienen in denen das Schicksal der Mädchen ist erklärt. Von Mädchen, das nur Unglück brachte, hatte man sie nicht ins Leben einbezogen. Man hatte ihr den Kopf mit Aberglauben und Hirngespinsten voll gestopft. "

Cet article témoigne simplement d’une autre réalité que des rapports politiques Union européenne/Turquie. Il s’agit des rapports d’intégration turco-allemands. Il s’agit certes aussi d’une autre histoire. En tout cas, la réalité d’un bi-culturalisme germano-turc, fût-il difficile parfois à vivre, doit donner lieu à des réflexions portant tout autant sur la présence européenne de la Turquie que sur les processus d’intégration ou de bi-culturalisme.


Zülfü Livaneli.

Ein Buch, die sich um das Schicksal von Frauen dreht, ist in diesem Sommer erschien : Glückseligkeit, von Zülfü Livaneli.
Hier ist Zusamenfassung.
Die 17-jährige Merem ist von ihrem Onkel vergewaltigt worden. Die Familie sieht sich deshalb in ihrer Ehre beschmutzt, sie zu rehabilitieren gibt es nur einen Weg – nein, nicht der Onkel findet seine gerechte Strafe, sondern das Mädchen muss weg. Ihr Cousin, ein aus dem Kreig gegen die Kurden heimgekehrter Soldat, soll sie töten, weit weg von der Heimat, in Istanbul, der grossen Stadt, wo sich Verbrechen vermeintlich einfach vertuschen lassen. Doch es kommt anders. Die beident terffen auf Professor Irfan, einen an sich selbst verzweifelnden Intellektuellen in der Mildlife-Crisis. « Kann ein Mensch sein Wesen abstraifen », fragt er sich, « und zu einer ganz anderen Persönlichkeit werden, kann e rein neues, anderes Leben beginnen ? ».
Das Buch beschreibt den mit unterschiedlicher Vehemenz unternommenen Versuch dreier Menschen, ihrem vermeintlichen Schicksal, ihrer kulturell geprägten Bestimmung zu entkommen. Livanelli lässt den Leser teilhaben an Doppelmoral und Verlogenheit, wie sie sowohl in ländlichen und religiösen Gemeinschaften zu finden sind als auch in der sich auklärereisch gebärdenden Urbanität – und zeigt ein Land, dessen Spagat zwischen kultureller Modernität in den Städten und angenommener Rückständigkeit auf dem Land für viele Menschen schmerzlich ist.
« Es hatte ihr niemand etwas beigebracht. Als Mädchen, das nur Unglück brachte, hatte man sie nicht ins Leben einbezogen. Man hatte ihr den Kopf mit Aberglauben und Hirngespinsten voll gestopft ». Ganz lagsam dämmert Meryem diese Einsicht – und dennoch bleibt sie fast bis zum Schluss das passive Opfer, das sich aber doch die Freiheit bewahrt, sich nicht selbst zut töten.

Hatice Akyün

Hatice Akyün est née en 1969 dans un village d’Anatolie. A l’âge de trois ans, elle quitte la Turquie pour Duisburg-Marxloh. Son père y a trouvé un travail. Elle y est scolarisée. Désormais, elle est journaliste en Allemagne, et vit à Hamburg. Dans un précédent livre, elle a décrit son existence entre deux cultures, Aujourd’hui, elle publie Ali zum Dessert (Goldmann-Verlag).
Voici des extraits d’une interview (Tageszeitung). Il n’y a rien en eux d’exemplaire, sauf à souligner la diversité des situations en Allemagne, les conflits d’appréciation sur les situations relatives et la différence de perspective sur la Turquie entre les pays européens.

Sie beschreiben die Geschichten aus Ihrer Familie so unterhaltsam, als gäge es keine ernsthaften Probleme und Konflikte. Das kann nicht wahr sein.

Ist es aber ! Ich kann Ihnen keine Leidensgeschichtent erzälen. Es gibt in unserer Familie keine Zwangsheirat und keine Probleme mit der Familienehre, ich habe keinen schlagenden Vater und es ist auch noch nie jemand verstossen worden. Ist es ein ernsthafter Konflikt, dass mein Vater ein Problem damit hat, dass seine Tochter mit Mitte 30 noch nicht verheiratet ist ? Dass meine Mutter anfängt zu weinen, weil ich in meiner Berliner Wohnung keine Teppiche hatte und sie nicht versteht, dass ich Parkett schick finde ? Sind das ernsthafte Konflikte ? Nein, sind es nicht. Ich gehe aus, ich treffe Freunde, ich trincke Alkohol, alles Dinge, die nich in die Welt meiner Eltern passen. Aber wir wissen, dass sich die Welt geändert hat und dass das auch an ihrer Familie nicht vorbeigeht. Meine Eltern sind zwar Analphabeten, aber nicht dumm. Sie verstehen mein Leben nicht, aber sie respektieren es. Ich kann nicht verstehen, warum meine Schwester Kopftuch trägt, ich würde das niemals tun. Aber ich respektiere es. Und darum geht es.

Kritikerinnen sagen, Sie idealisieren das Leben der türkischen Community ?

Aber das mache ich nicht. Ich beschreibe die Dinge so, wie ich sie erlebe. Und ich komme nicht aus einer Istanbuler Intellektuellenfamilie. Meine Eltern stammen aus einem anatolischen Dorf, mein Vater ist als Bergmann nach Duisburg gekommen. Wir sind eine klassische Gastarbeiterfamilie ! Die Rechtsanwältin Seyran Ates, die ich sehr schätze, hat mich leider für mein erstes Buch kritisiert. Aber sie hat vor allem die Problemfälle im Blick, die Frauen, die in ihre Kanzlei kommen, um sich helfen zu lassen. Es ist wichtig, diese Fälle in die Öffentlischkeit zu bringen. Aber man darf nicht nur über die Problemfälle reden ! Frauen wie Seyran Ates und Necla Kelek haben mir mein deutsch-türkisches Leben erschwert.

Inwiefern ?

Einfach weil sie es geschafft haben, ihre Sicht zur vorherrschenden zu machen. Diese Frauen sind der Grund dafür, dass ich mich jeden Tag rechtfertigen muss. Es hat sich ja eine Sicht durchgesetzt, dass es in jeder Familie Zwangsheiraten, Ehrenmorde und einen Sclagenden Vater gibt.

20090105

l'Histoire de la longue durée

L'aire culturelle européenne. L’exemple de l'Histoire de la longue durée.
Josette Delluc, historienne
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Lorsqu'en 2005 Jean Clair conçoit pour le Grand Palais, la belle exposition sur la Mélancolie : « affection connue depuis l'Antiquité et aujourd'hui nommée dépression », il choisit ce thème parce qu'il invite à « une profonde histoire culturelle de l'occident » (in Catalogue de l'exposition). L'accrochage chronologique (de l'Antiquité à la fin du XXe siècle) donne à voir des œuvres des différents pays européens et permet de confirmer que tous furent traversés par les mêmes courants de pensée, bouleversés par les mêmes découvertes scientifiques. L'étude de la question des sentiments de l'homme au XIXe siècle, à partir des tourments du romantisme jusqu'à la découverte de l'inconscient par la psychanalyse, est un des exemples qui met à jour l'existence d'un ensemble culturel. Tous ces pays ont connu une évolution intellectuelle et artistique parallèle, cette histoire construite au cours des siècles constitue notre héritage, notre identité.
Alors qu'au début du XXIe siècle l'espace mondial est qualifié de globalisé, il est intéressant de remarquer que malgré tout, l'aire culturelle européenne résiste, c'est ce que nous pouvons tenter de démontrer en appuyant notre réflexion sur l'exemple de l'art vu depuis Paris.
Le premier aspect unificateur de cet espace a pour fondement le pilier de l'Antiquité : les Européens sont, aujourd'hui encore, des enfants de la Grèce. Cette réalité est manifeste autant dans nos choix individuels que dans les propositions institutionnelles. Il en est ainsi de la vivacité, qui semble éternelle, du mythe de Prométhée. La Cité de la Musique à Paris a programmé le 26 mars 2008, trois extraits d'œuvres qui s'y réfèrent : Les Créatures de Prométhée op. 43 de Ludwig van Beethoven, Prométhée ou le Poème du feu op. 60 d' Alexandre Scriabine et un extrait de l'opéra Prometeo de Luigi Nono. Chaque musicien confronté au travail de création réinvente ce mythe pour traduire sa propre préoccupation et émet une proposition personnelle. Ludwig van Beethoven en période révolutionnaire (l'œuvre est créée à Vienne en 1801) confie à l'homme émancipé son propre destin. A Moscou, un siècle plus tard en 1911, Alexandre Scriabine, proche des milieux de la théosophie, s'oppose à ce rationalisme et favorise le mystère. L'opéra de Luigi Nono à la fin du XXe siècle (1984 à Venise et création définitive en 1985 à Milan) est servi par le livret de Massimo Cacciari, d'après Walter Benjamin, Eschyle, Euripide, Johann Wolfgang von Goethe, Hérodote, Hésiode, Friedrich Hölderlin, Pindare, Arnold Schönberg et Sophocle. Ainsi ont été convoqués histoire et mythologie, textes philosophiques et poétiques, écriture musicale pour exprimer la lutte contre «le désert» et la stérilité, pendant le travail d'élaboration, puis son aboutissement : «la mesure du temps se comble», «écoute, écoute», la partition peut-être enfin jouée.
Ce concert rappelle la puissance de la pensée grecque et pour poser la question de l'homme face à la réalisation artistique, il met en perspective la réponse à des siècles différents de trois musiciens qui retournent aux sources pour se démarquer ensuite de la tradition par leur technique d'expression. La culture classique reçue en héritage est fondatrice de création, à chaque époque les artistes européens inventent une nouvelle écriture parfois révolutionnaire, mais, issue de la même histoire, c'est pourquoi leurs œuvres présentent un lien de parenté.
Le second pilier de notre culture occidentale est son fondement judéo-chrétien, «L'Église ...le plus ancien fournisseur des musées de France» rappelle Jean Clair[1]. Le retable d'Issenheim ou les crucifixions de Cimabue sont de très beaux exemples des commandes faites aux artistes par le pouvoir religieux à une époque où les œuvres étaient données aux fidèles comme illustration du discours du prêtre. Au XXe siècle la démarche des peintres qui reprennent le thème de la crucifixion est spontanée, car détachée de la religion, elle se présente comme un exercice académique, ou, une volonté de se mesurer aux maîtres du passé, en s'inscrivant dans leur continuité. La filiation peut-être confirmée par la suggestion de Gilles Deleuze[2] : «Il y a dans le christianisme un germe d'athéisme tranquille qui va nourrir la peinture; le peintre peut facilement être indifférent au sujet religieux qu'il est chargé de représenter». Le thème de la crucifixion au delà de sa signification théologique permet d'exprimer la mort, la douleur des proches, et, est aussi prétexte à travailler l'anatomie, en ce sens il est universel. Pablo Picasso dans sa Crucifixion datant de 1930 insère différentes scènes reconnaissables de la Passion alors que les personnages sont dessinés à sa manière novatrice : petite tête, corps disproportionnés et désarticulés. Par ailleurs dans son émission Palette de 1993 Alain Jaubert démontre que le peintre s'inspire pour cette toile de l'enluminure de l'Apocalypse de Saint-Sever du onzième siècle, après avoir lu l'article que lui a consacré Georges Bataille, en mai 1929, dans le numéro 2 de la revue Documents. De même, dès 1933, parallèlement à Picasso, Francis Bacon pour qui la représentation du corps est sujet quasi obsessionnel, peint une crucifixion. Lui aussi inscrit son travail en référence aux créations antérieures, la puissance de la musculature évoque Michel-Ange et le mouvement reprend les photographies d'Edward Muybridge. Ainsi, dans notre société laïcisée l'artiste selon son écriture, met en résonance ses créations et celles du passé sans ignorer l'art religieux. C'est le cas de Patrick Saytour qui en juin 2007, investit le Carré sainte Anne de Montpellier, non comme un lieu d'exposition neutre mais au contraire en tant qu' église, c'est cet ancien espace rituel qu'il transforme et s'approprie. Éloigné de tout projet religieux, il détourne la parole du culte et choisit comme titre:«croisé et multiplié». Son intervention transforme et agrandit le bâtiment par un jeu de miroirs et l'érection d'une nouvelle série de colonnes ajoute une travée. En décor mural, la multiplication de croix peintes, fidèles à la symbolique du lieu, achève la métamorphose. Ironie et dérision sont les armes de l'artiste pour entraîner le visiteur dans la quête du Vrai et du Faux, et non comme autrefois en ce lieu, dans celle du Bien et du Mal.
L'Europe a reçu un riche héritage culturel qui constitue toujours le fondement de la réflexion et de la création, nous pouvons tenter de présenter quelques facteurs de conservation et de transmission de ces valeurs.
Ce sont, bien sur, les voyages des artistes qui ont permis de tisser des liens entre pays. Pierre Rosenberg [3] a étudié «les relations artistiques entre la France et l'Italie». Il montre les commandes
données aux Italiens en France, tel Alessandro Turchi qui réalisa en 1621«La résurrection du Christ»dans la cathédrale Saint André de Bordeaux. Quant aux Français, ils vont apprendre auprès des artistes italiens, c'est l'exemple de Pierre Dumonstier dont le dessin d' une main droite féminine tenant un pinceau, honore Artémisia Gentileschi qui était peintre. Ce croquis est attachant par sa finesse et sa délicatesse, il traduit le respect voire la tendresse de Dumonstier pour Artémise et Pierre Rosenberg insiste sur l'intérêt historique du document : l'inscription précisant le lieu et la date prouve que Artémise vivait à Rome en 1625, et que Dumonstier y était en voyage avant d'y retourner en 1629,1633, 1642, et 1648. Ces échanges contribuent à former un art européen, à tel point que l'ancien président-directeur de l'établissement public du musée du Louvre peut interroger : « Ribera peintre italien ou peintre espagnol ? »
D'autre part les collections, bien que constituées par les princes ou les rois sont rarement nationales. Le Louvre a présenté «Les dessins du musée de Darmstadt, portrait d'une collection» cette exposition peut permettre de comprendre la diversité de l'origine des fonds artistiques des institutions en Europe. La collection d'arts graphiques du musée de Darmstadt est immense, quarante mille feuilles sont inventoriées. Elle fut entamée par Ludwig Ier futur Grand Duc de Hesse dès 1800, elle compte alors des estampes d'artistes tels Dürer ou Rembrandt; en 1812 une autre collection est rachetée soit mille quatre cent cinquante neuf dessins italiens, français, allemands et hollandais. Puis rejoindront ce fonds des dessins de peintres d'Allemagne du sud du XIXe siècle, d'expressionnistes allemands, des dessins allemands et américains des années mille neuf cent soixante dix. Enfin des acquisitions et donations complèteront ensuite cet ensemble, dont des dessins de Joseph Beuys. Nous avons ainsi l'exemple d'un des cabinets d'arts graphiques les plus riches d'Europe, qui conserve des feuilles de toutes les écoles et de toutes les époques, des maîtres les plus anciens aux contemporains. De tels fonds permettent de découvrir les évolutions au cours des siècles, et, sans voyager, de connaître la production au delà des frontières. Ainsi est donnée une histoire de l'art qui nous est propre, elle reste essentielle à la création aujourd'hui. Au Louvre, musée gardien des productions anciennes, Marie-Laure Bernadac invite des artistes contemporains en «Contrepoint» sans nul doute parce qu'ils sont nourris du passé et qu'ils revendiquent cette Histoire devenue leur histoire. Christian Boltanski dont le thème de travail est la mémoire, exprime le souvenir par des objets du quotidien, comme des photographies d'instants heureux. En 2004, il choisit pour exposer, de s'installer dans la partie la plus ancienne, le Louvre médiéval, pour présenter dans des vitrines les «objets perdus» du musée et ses propres objets perdus-retrouvés : ses anciens jouets reconstitués. L'italien Giuseppe Penone qui réfléchit sur la trace, l'empreinte, travaille ces dernières années sur le thème de l'arbre; il dresse, en 2007, deux immenses troncs aux côtés des sculptures de la cour Puget. Comment ne pas y voir un hommage aux racines de notre culture?
Par ailleurs, l'Europe fut dominatrice, elle a assuré son rayonnement culturel. La première vague de colonisation a conquis dès le XVIe siècle des territoires peu peuplés, c'est pourquoi nos langues, et par là même notre culture ont été imposées progressivement à l'ensemble du continent américain et plus tard en Australie. Ainsi s'est constituée une aire de civilisation occidentale. Après la décolonisation notre influence s'est amoindrie sur les continents asiatique et africain qui souhaitaient préserver leur identité. C'est ainsi que la Terre est fractionnée en différentes aires de civilisations qui se côtoient telles des plaques tectoniques, et, comme elles, elles peuvent être cartographiées. Mais les limites de ces espaces sont floues, le périmètre mobile. Les planisphères d' Yves Lacoste, Gérard Chaliand ou Samuel Huntington varient selon la position idéologique du propos qu'ils illustrent. Il est vrai que l'histoire a parfois bouleversé la logique géographique, ainsi le Japon, sous la coupe américaine depuis sa défaite de 1945, s'occidentalise, c'est pourquoi, l'écrivain Kenzaburo Oe peut décrire à la fois son attachement à sa culture et sa proximité avec notre littérature. Au contraire, les régimes totalitaires dont la nature est le contrôle par l'État de la politique, l'économie, la société et même les esprits, ont avec l'usage de la propagande et de la censure asséché la créativité et interdit les échanges. Le Maoïsme a donc accentué la séparation de la Chine avec le reste du monde, comme le Stalinisme a, après la splendide période créatrice du début de la révolution russe, imposé le réalisme socialiste et rompu avec l'Europe. Aujourd'hui les «murs» sont tombés, l'Europe a retrouvé ses anciennes frontières, renforçant la perception d'un espace culturel construit.
La vivacité de cet ensemble est manifeste, nous adhérons avec bonheur aux expositions comme celle qui, au Louvre, présente le destin de l'œuvre de Praxitèle ou celle qui étudie la puissance de Babylone. Toutes deux retracent l'histoire de notre héritage artistique, depuis l'Antiquité, dans un monde méditerranéen. La célébration de notre passé est nécessaire, cependant, elle demande aussi de la vigilance face au risque d’ethnocentrisme, certains «murs» ayant peut-être résisté.
Pourtant plusieurs faits attestent d'un intérêt ancien pour l'étranger. En ce sens des cabinets de curiosité ont recueilli dès le XVIe siècle les découvertes ramenées des voyages de plus en plus lointains, coquillages, roches, végétaux objets usuels ou rituels de civilisations inconnues. Krzysztof Pomian[4] analyse le désir de milliers de collectionneurs, amateurs de connaissance et de rêve qui recherchent dans ces merveilles la rareté et l'extraordinaire, hors de l'espace habituel et de ses références. Dans cette volonté d'ouverture, et alors que le rêve de l'Orientalisme a développé au XIXe siècle l'imaginaire des artistes, nous pouvons constater une action plus concrète des États. Pour sa part, la France, pays colonisateur, a souvent méprisé les peuples qu'elle dominait, mais elle a tenté de jouer auprès d'eux un rôle d'éducateur et protecteur. Elle crée l'Ecole Française d'Extrême Orient dès 1900, soit très rapidement après la conquête de l'Indochine. De son siège d'Hanoï cette institution encourage d'une part, le séjour de chercheurs et la prise en charge de l'inventaire et d'autre part la préservation du patrimoine culturel. Dès 1907 elle reçoit la charge de la conservation du site d'Angkor et est à l'origine de la création de plusieurs musées. Le bilan est positif car malgré les soubresauts de l'histoire mondiale et asiatique l'Ecole Française d'Extrême Orient a maintenu son existence dans la région et a même essaimé, ces dernières années à Jakarta, Kyoto, Séoul ou Pékin. Mais cet exemple semble singulier si l'on compare avec l'Afrique où, excepté le cas particulier de l'Ecole du Caire fondée en 1880, aucune Mission permanente n'a été créée sur ce continent alors que notre présence politique y fut longtemps imposée. A cette période la France est à la traîne car du moins les autres pays coloniaux comme la Grande Bretagne, les Pays Bas, l'Allemagne y organisaient-ils de nombreuses enquêtes de terrain. Les ethnologues français ne travaillaient le plus souvent qu'à partir d'informations rapportées par des non spécialistes : militaires, administrateurs des colonies, missionnaires, voyageurs. C'est sous l'impulsion de Paul Rivet, directeur du musée d'ethnographie du Trocadéro et de Georges Henri Rivière que la Mission ethnographique et linguistique Dakar Djibouti mène enfin les chercheurs in situ de 1931 à 1933, sous la direction de Marcel Griaule. Michel Leiris participe à cette entreprise avec une double fonction : il en est le secrétaire archiviste et M Griaule lui confie les enquêtes sur «des sociétés d'enfants, des sociétés séniles et des institutions religieuses. Parallèlement à ce travail, il rédige ses réflexions quotidiennes : ses joies, ses inquiétudes d'ordre intime ou ses questionnements philosophiques et intellectuels. Il témoigne de la difficulté à appréhender l'inconnu. Ethnologue peu aguerri, il maîtrise mal des études complexes comme celle de la Possession chez les Dogons. Lorsqu'il publie en 1934 ce qu'il appelle son «carnet de route»le titre qu'il choisi pour cet ouvrage : «L'Afrique fantôme»[5], traduit l'insatisfaction ressentie à l'issue de cette aventure qu'il avait tant désirée, et, le mal-être éprouvé au sein d'une civilisation qui lui est restée étrangère.
Dès le Moyen Age les marges de notre territoire européen sont touchées par des influences voisines, l'Espagne conserve après la Reconquête des acquis de l'art islamique et les peintres vénitiens qui représentent leurs diplomates et marchands reçus au Caire ou à Damas, modifient leur technique au contact de l'imagerie orientale. Passionné par la création dans le monde, il y a déjà plus d'un demi siècle, André Malraux [6] établissait des correspondances entre les sculptures monumentales d'Asie et d'Europe, qu'en est-il de cette perception aujourd'hui ? Les créateurs européens s'intéressent-ils aux modes d'expression des autres cultures? Comment le public les reçoit-il ?
Après des relations Nord-Sud, longtemps conflictuelles, la multiplication des échanges permet d'établir des liens nouveaux, pourtant le sentiment d 'incommunicabilité est durable. Notons qu'en 1989, le Centre Pompidou/Mnam présente une magnifique exposition nommée : «les Magiciens de la terre». A l'initiative de Jean Hubert Martin elle rassemble dit-il «les œuvres de cent artistes contemporains, les uns appartenant au monde artistique occidental ou fortement occidentalisé (ainsi la Corée du sud) les autres appartenant à celui des arts dits «archaïques ou «premiers», celui du «tiers monde» auxquels la qualité de contemporain est refusée, comme si leurs auteurs n'étaient pas vivants, comme s'ils agissaient de fantômes ravivant de vieilles civilisations jamais englouties.» (in catalogue de l'exposition). Cette fois ci ce ne sont plus les Européens qui vont explorer les continents dont les peuples avaient étaient qualifiés «d'inférieurs», mais au contraire, les artistes de ces pays sont invités à venir présenter et confronter leurs créations avec celles des Occidentaux, à égalité avec eux. Ce qui est frappant est le fait que, 50 ans plus tard, JH Martin reprenne le terme de Michel Leiris : «fantôme», comme pour marquer que la situation est inchangée. Lui cherche à inventer une solution pour établir enfin un véritable pont entre le Nord et le Sud. Il réitère cette tentative en organisant en 2005 l'exposition du Centre Pompidou «Africa Remix» consacrée aux artistes africains. Quel est l'enseignement de ces deux expositions Nord-Sud ? Il est évident que la réussite des échanges artistiques au delà des océans est maintenant assurée par l'utilisation des mêmes techniques : la photographie, la vidéo ou le cinéma. Ces différents vecteurs internationalisés peuvent transmettre des images, des contes, des propos politiques accessibles à tous. Cependant si JH Martin est un passeur qui met en évidence de réelles résonances entre le monde occidental et les autres cultures, les limites sont vite perçues. «Les Magiciens de la terre» prouvent par exemple que la production de sculptures de pierre (stéatite ou serpentine) des Inuit, s'intègre à nos codes : nous pouvons les classifier et les qualifier d'art minimaliste, les faire nôtres. Mais il n'en reste pas moins, qu'il est bien difficile d'accéder au cœur de l'art «traditionnel», c'est pourquoi les peintures au sol que les Aborigènes dessinent à Paris, nous enchantent par leur tracé et leurs couleurs, mais l'espace sacré qu'elles délimitent est pour nous vide de sens.
Nous devons alors nous interroger sur notre capacité à comprendre les œuvres issues d'Afrique, d'Asie ou d'Océanie avec notre formation classique? Très vite les Européens sont confrontés à la question de l'exposition des objets collectés, comment présenter un outil, un instrument de musique, faut-il les montrer en état de marche? Ce débat est ancien il devient plus complexe lorsqu'il concerne les rites, et fut amplifié en France lors de l'ouverture, au milieu de l'année 2006, du Musée du Quai Branly, l'impossibilité de s'entendre pour nommer cet établissement a concrétisé ce malaise. En plus si nous considérons que pour étudier ces objets, sont associés : ethnologues, anthropologues, sociologues mais aussi géographes et historiens; il est aisé de comprendre que le simple visiteur est désarmé : quelle est la nature des ces objets? Comment les regarder? N'en considérer que l'aspect esthétique est sans doute réducteur mais nos connaissances ne nous permettent toujours d' aller au delà. Certes, nous pouvons, pour comparer , rappeler que l'étude de la recherche mathématique de Kasimir Malévitch n'est pas indispensable pour comprendre l'évolution de sa peinture et le «suprématisme» , mais l'argument reste insatisfaisant.
Ce même problème est posé par l'exposition organisée au Louvre au troisième trimestre 2007 intitulée : «Le chant du monde. L'art de l'Iran safavide 1501-1736». Les splendeurs de cet âge d'or peuvent être admirées mais ne sont réellement accessibles qu'au spécialiste ou à l'érudit, l'aide du catalogue et des conférences parallèles s'avère indispensable pour les autres. Par contre à la même date étaient présentés «Les chefs-d'œuvre islamiques de l'Aga Khan Museum», pour cette exposition les liens entre Moyen Orient et d'une part l'Occident d'autre part l'Extrême-Orient sont démontrés, les diverses influences rappelées, comme l'apport par l'Ouest de la perspective, ce qui induit un schéma lisible pour le visiteur qui peut apprécier la richesse des créations dans l'immense Empire musulman.
Un Européen est donc apte à franchir les limites de son aire culturelle.
Rappelons que ce fut le cas de Picasso, en effet, dans la Crucifixion de 1930, évoquée plus haut, non seulement nous discernons un rappel à l'enluminure de Saint-Sever, mais en outre nous y reconnaissons l'évocation de masques africains ou océaniens. Picasso qui a beaucoup appris au Louvre,découvre «l'art primitif» au Musée Ethnographique du Trocadéro à l'instant même où il élabore les principes du cubisme dans son travail préparatoire pour «Les Demoiselles d'Avignon» . Dans sa recherche sur la géométrisation des corps, il s'approprie ces masques, formes stylisées du visage, les interprète et les intègre à son œuvre qui révolutionne l'histoire de l'art.
Transgresser son aire culturelle, comme Picasso, en affirmant sa personnalité n'est pas chose facile ni fréquente. Après lui les Dadaïstes face à l'horreur de la Première Guerre mondiale rejettent nos valeurs bafouées, et curieux de l'étrange, découvrent eux aussi une grande liberté d'expression au contact des arts dits aujourd'hui «premiers», l'effet fut formidable et le dessin occidental totalement renouvelé. Aujourd'hui à part des exceptions comme le peintre Miquel Barcelo, qui choisit d'affronter la lumière et la matière de la terre du Mali, les artistes plasticiens préfèrent travailler dans leur propre territoire riche d'un patrimoine domestiqué.
Sans doute les écrivains sont-ils plus nombreux à jouer avec les frontières culturelles. Parmi eux, Marguerite Yourcenar.[7] qui semble éprouver autant de plaisir à faire revivre Hadrien, qu'à décrire, avec poésie, les mœurs ou les peintures asiatiques dans les «Nouvelles Orientales». Jean Marie Le Clézio à la recherche de cultures étrangères, se plaît, lui aussi, à situer ses romans dans des sociétés et des paysages océaniens, africains ou sud américains. Citons en outre, l'intérêt de Bruce Chatwin pour la découverte de l'Autre, comme son parcours australien à la rencontre des Aborigènes[8]. En ce sens Edgar Morin à l'auditorium du Louvre le 3 décembre 2007 réaffirme son refus de l'exclusion et rappelle que pour lui la frontière est liaison; c'est un des aspects développés dans son travail intitulé « La Méthode »[9] auquel Anselm Kiefer se réfère lorsqu'il réalise la peinture commandée pour le Louvre et inaugurée à la fin de l'année 2007. Ces artistes ou penseurs témoignent de la capacité à dépasser les limites des aires culturelles.
Nous pourrions croire que la mondialisation a modifié l'équilibre du passé. Alors que les romans d'aventure décrivaient à la fin du XIXe siècle les paysages extraordinaires de pays lointains et inaccessibles, aujourd'hui les reportages et les images publicitaires font rêver d'une nature primitive ouverte au tourisme de masse. D'autre part avec la multiplication des échanges et la fin de la rareté, les cabinets de curiosités ont perdu leur raison d'être, dorénavant les importations offrent aux consommateurs occidentaux la possibilité d'acquérir divers objets de décoration ou d'ameublement totalement exotiques. Du monde entier proviennent des biens de consommation crées pour d'autres modes de vie qui sont adoptés par les Occidentaux. Le phénomène entamé depuis la création de la Compagnie française des Indes orientales est considérablement amplifié. Toutefois, nos portes sont ouvertes à des marchandises industrielles ou artisanales plutôt qu'à des productions artistiques. Notons par contre la place singulière du Japon, un siècle après la vague du Japonisme ce sont les principes de la sobre et élégante architecture nipponne qui inspirent nos bâtisseurs, et les classiques mangas qui impressionnent nos dessinateurs . Cependant à l'échelle mondiale l'impérialisme de notre culture est maintenu, celle-ci est attractive pour les autres populations et n'a rien perdu de sa puissance. Nous n'ouvrirons pas ici le débat sur l'implantation du Louvre à Abou Dhabi, mais nous évoquerons le fait que les peintures chinoises ou russes proposées dans nos galeries remportent un grand succès lorsqu'elles empruntent les techniques américaines des années 1970, comme si le modèle occidental assurait la reconnaissance des collectionneurs et des critiques. A l'inverse, il semble que le public asiatique soit ouvert à la diversité, et prêt à fournir l'effort que cette démarche implique. Nombreux sont les programmes des concerts ou opéras qui affichent les noms de nos grands compositeurs joués par des interprètes japonais, chinois ou coréens. Chez nous, ce n'est qu'après un grand travail d'adaptation que le metteur en scène américain Peter Sellars peut présenter en 1998 à Bobigny (MC 93) l'opéra chinois du XVIe siècle«le Pavillon aux pivoines», ce type de spectacle qui fait découvrir la musique traditionnelle chinoise est rare, encore a-t- il été occidentalisé pour capter notre intérêt. Et lorsque le théâtre japonais Nô est joué en France, il n'exerce aucune influence sur les productions suivantes. Il s'avère donc que, alors que les frontières économiques sont progressivement supprimées, les barrières culturelles résistent. Nous devons constater en Europe, un grand respect de l'Autre, attestée par exemple, par la fréquentation du musée du quai Branly , mais aussi une absence de perméabilité et un rejet sans doute inconscient face à d'éventuelles possibilités de syncrétisme.
Notre histoire politique et économique, l'évolution des idées, des sciences et des techniques ont constitué une entité culturelle européenne aux caractéristiques régionales nettement marquées, et particulièrement visibles dans les villes : Rome, Paris, Munich,Vienne, qui sont les pôles de création et de conservation artistiques. Nous bénéficions pour évoluer dans cet espace d'un appareil cognitif : repères, codes, références permettant de créer, d'analyser et d'adhérer ou non à une œuvre. Formés par une éducation dite classique, nous reconnaissons, cet héritage comme cadre de notre pensée et constitutif de notre identité . Fernand Braudel [10]qui consacra une partie de son œuvre à définir l'identité de la France, était aussi épris de diversité, il affirmait dans son travail que les aires de civilisation étaient un phénomène essentiel de la richesse humaine, c'est lui qui avait démontré qu'elles étaient caractéristiques de la longue durée. C'est pourquoi même dans un monde globalisé ces espaces subsistent, ils sont à la fois le produit de l'histoire accomplie et le témoignage du temps présent. Ainsi, sommes-nous loin de l'uniformisation et de «la fin de l'histoire» envisagées par Francis Fukuyama[11]. Au contraire les aires culturelles sont multiples, elles se côtoient et comme des plaques tectoniques, elles se rapprochent ou s'éloignent, mais elles ne s'entrechoquent pas et ne provoquent pas les séismes annoncés par Samuel Huntington.[12]
Ces aires ne s'ignorent plus mais le « dialogue des cultures », s'il existe, n'entraîne pas de bouleversement dans l'art contemporain occidental. Peu nombreux sont les artistes qui cherchent hors de notre héritage classique les fondements de leurs œuvres.


[1] Clair, Jean. Malaise dans les musées. Paris: Flammarion, 2007.
[2] Deleuze, Gilles. Francis Bacon. Logique de la sensation. Paris: La Différence, 1984.
[3] Rosenberg, Pierre. De Raphaël à la Révolution. Les relations artistiques entre la France et l'Italie. Paris: Skira, 2005 (Bibliothèque d'Art).
4 Pomian, Krzystof. Collectionneurs, amateurs et curieux Paris , Venise XVIe-XVIIIe siècle. Paris: Gallimard 1987.
[5] Leiris, Michel. Miroir de l'Afrique. Paris: Gallimard 1995.
[6] Malraux, André. Le musée imaginaire de la sculpture mondiale. Paris: Gallimard, 1952-1954.
[7] Yourcenar, Marguerite. Nouvelles orientales. 1938. Paris: Gallimard/L'Imaginaire, 1978.
[8] Chatwin, Bruce . Le chant des pistes. Paris: Grasset, 1988.
[9] Morin, Edgar. La Méthode. Paris:Seuil/ Opus (2 volumes, 6 tomes) 2008.
[10] Braudel, Fernand. Article : Histoire des Civilisations: le passé explique le présent. Publié en 1959 dans l'encyclopédie française et repris dans Les Ambitions de l'Histoire,Paris : Editions de Fallois, 1997.
[11] Fukuyama, Françis. La fin de l'Histoire et le dernier homme, Paris: Flammarion.
[12] Huntington, Samuel P. Le choc des civilisations. Paris: Odile Jacob, 1997