20070310

editorial

Se célébrer.
Longtemps nous avons vécu sur l¹idée selon laquelle les organisations sociales et politiques seraient uniques et incomparables. Tel nationalisme avait d¹ailleurs ceci de paradoxal qu¹il cherchait à affirmer le caractère unique de telle nation de référence, mais qu¹il ne pouvait s¹empêche de déclarer l¹existence de ce caractère sans placer les autres nations sur une échelle, en infériorité par rapport à lui. A l¹heure où s¹affirme un horizon européen, nous devons apprendre ce faisant à dépasser tant les échelles de commensurabilité dressées pour servir de classement hiérarchique, que les idéologies associées à des imaginaires nationaux d¹unicité.
Mais, ce n¹est sans doute pas une raison pour tomber dans un autre piège, celui de la croyance en la possibilité d¹une pure coexistence de toutes choses sous la forme d¹une simple accumulation sans distinction, d¹un mélange indifférent, d¹une exubérance infinie et futile ou d¹un flux éternel. On voit bien, à la même échelle de l¹Europe, ce qu¹a de problématique le laisser-faire d¹une régulation sociale et politique soumise aux lois du seul marché.
Dans quelle mesure l’Europe a-t-elle besoin d’être couverte de signes de célébration ? Célébration de soi, marques du territoire, production de signes d’identification et de gloire, fabrication de grands récits… qui imposent des descriptions, des canons de l’identité et empêchent la coexistence de certains éléments.
A ce titre, alors qu’ils n’ont guère besoin d’être sensés ou insensés, de tels signes ont évidemment une fonction politique : celle de faire valoir une passion de l’Un qui exclut. Ce sont des signes de ralliement, signes de dignités, signes retenus et échangés qui touchent les sens et fixent dans des images ou dans la sensibilité l’organisation de la communauté.
Mais, sachant cela et sachant surtout que ces signes nient la politique, faut-il encore admirer ces tours d’esprit nationaux qui ont transformé les citoyennes et les citoyens en spectateurs de célébrations dans lesquelles ils croient qu’il s’agit d’eux-mêmes ? Et ils les suivent avec ardeur.
Ce ne sont d’ailleurs pas tant des superstitions que des efforts pour maintenir des cultes chargés de distribuer le sublime et les déshonneurs. Et ces cultes de glorification se matérialisent dans des appareils d’organisation du visuel et du politique (monuments, mémentos, urbanismes, statuaires, etc.), soutenus par l’invention d’artifices, l’institution de situations particulières, la force d’affections, et l’entretien de rites au moyen de symboles, d’effigies, par lesquelles la distance est raccourcie de manière fictive entre les citoyens et l’Idée de nation. La rémanence des projets nationaux n’est pas dissociable de ces dispositifs.
Partant, il est aussi possible de saisir l’histoire récente de l’Europe au travers de ces dispositifs de glorification, dispositifs d’ailleurs toujours corrélés à d’autres dispositifs, mais cette fois de sécurité, assurant la raison géopolitique de la puissance.
Cette question de la célébration prend un tour particulier à l’époque des délégitimations et des discours qui tentent de rendre problématiques les motifs habituels de l’action, les utopies, les mythes dont, à beaucoup d’égard, tout le monde constate qu’ils ont mal tourné. Elle prend aussi ce tour particulier à l’heure de l’Europe, c’est-à-dire à l’heure où il nous faudrait refuser de réitérer ce qui a eu lieu.
Elle prend ce tour non seulement pour les contenus que nous venons de rappeler, mais aussi pour les réactions souvent suscitées après l’affaiblissement de ces signes de célébration : scepticisme à l’égard des ressources de vérité et de justice, attitude désemparée à l’égard de l’action, atomisation des corps sociaux. Suspens dont on remarque toutefois qu’ils ne vont pas très loin, puisqu’il suffit d’un match de football pour réveiller les célébrations et qu’on n’entend guère les critiques banales du nationalisme demander qu’on fasse entrer dans les Panthéons quelques Noirs pour rappeler les pratiques d’esclavage, ou quelques immigrés pour indiquer comment nous comptons surmonter les partages que nous avons nous-même imposés au monde.
Heureusement, il n’est pas certain que nous n’ayons le choix qu’entre la téléologie des grands récits et le patchwork des îlots dispersés. Entre les sentiments dramatisés de l’unité politique, bientôt convertis en haine à l’égard de l’autre, puisque se célébrer c’est choisir les figures de référence à l’exclusion d’autres figures possibles, et l’angoisse du néant impartie par les dissolutions des liens sociaux, d’autres voies demeurent possibles.
En tout cas, si l’un des traits de la culture européenne doit être aussi de nous aider à répondre, de façon concrète, à la question : « qui sommes-nous dans notre rapport avec les autres ? », il n’est sans doute pas nécessaire de le muer en célébration de soi, en panthéon de l’unité et des sentiments uniformes, ou en un sens de l’aura qui, en fin de compte, masque, le plus souvent, les calculs de rentabilités autour desquels tourne la vie courante. Il y avait alors bien de la fable ou du grand récit dans cette modalité de la célébration. L’histoire moderne de l’Europe en est tissée, tissée de récits fondés sur une certaine conception de l’unité, du discours narratif, et de la figure téléologique de la nation.
Comment éviter de reproduire cela ? Comment assumer la déflation des croyances d’abord, puis leur suspension ? Par une politique sans célébration, par une politique sans repères ni édification. Peut-être une politique des amers qui aux grands récits partageant les amis et les ennemis substituerait une vie publique féconde, des actions collectives, des enthousiasmes pour la rencontre, des solidarités entre archipels politiques, assignant au politique une autre manière de faire. Si un corps politique est, comme aimait à le répéter le philosophe Michel Foucault (1926-1984), un « ensemble des éléments matériels et des techniques qui servent d’armes, de relais, de voies de communication et de points d’appui aux relations de pouvoir et de savoir qui investissent les corps humains et les assujettissent en en faisant des objets de savoir » (Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, p. 37), alors il est temps de nous préoccuper de ce qui se construit sous nos yeux, « pour nous » ?.

Avec nous ?

20070309

trace

ancienne trace du rideau de fer

20070308

Tableaux pour l’Europe

Nous commençons ci-dessous un repérage que nos lecteurs peuvent nous aider à compléter en nous faisant parvenir des références.
En première approche, il semble que les célébrations de l’Europe dans la peinture européenne se répartissent d’emblée en deux groupes : d’une part, les œuvres concernant le personnage d’Europe, et d’autre part, les œuvres relevant d’une conscience géographico-historique. Entre ces deux groupes, l’œuvre de Jan Van Kessel (1626-1679 et Erasmus Quellinus (1607-1678). Le tableau est exposé à Münich, et s’intitule Europa. Il date de 1664 et fait partie d’un cycle des quatre continents.
Les célébrations de l’Europe peuvent être expressément critiques.
Cette recherche, en s’amplifiant, sera donc obligée de revoir ses critères de classement. Nous le ferons, en fonction des envois qui nous seront proposés.


I – Les célébrations d’Europe.

Elles sont évidemment très nombreuses. Voici celles que nous avons relevé rapidement, pour l’heure :

- L'enlèvement d'Europe (1470) de Liberale Da Verona.
- Le Cortège de Thétis (entre 1465 et 1494) de Bartolomeo di Giovanni (il décore un coffre de mariage, Europe et le taureau est l'une des figures du cortège, formé de divinités marines. Europe, pensive, se tient à califourchon sur le taureau dont la couleur brune contraste avec la blancheur du corps des Néréides).
- Le Combat de l'Amour et de la Chasteté de Pérugin (1503). Destiné à décorer le studio d'Isabelle d'Este à Mantoue, le groupe Europe et le taureau se distingue à l'arrière-plan de la scène consacrée aux amours de Psyché. Europe est à califourchon sur le taureau qui va aborder le rivage où l'attend Apollon.
- L'enlèvement d'Europe (1632), par 
Rembrandt. Ce dernier choisit la scène privilégiée des graveurs, celle de l'enlèvement. On y voit Europe, regardant en arrière vers ses compagnes restées sur le rivage, la main droite tenant l'une des cornes du taureau, la main gauche posée sur l'encolure.
- L'enlèvement d'Europe, 1559-1562, par Tiziano Vecellio, dit Titien. Cette toile fait partie d'un ensemble de six grandes toiles presque carrées, composé pour l'infant Philippe, fils de l'empereur Charles Quint, et destiné à décorer un camerino privé du roi. Titien met l'accent sur le moment du rapt.
- L'enlèvement d'Europe, 1580, par Paul Véronèse.
- Guido Reni (1575-1642), quant à lui, a produit trois versions de L'enlèvement d'Europe.


II – Les célébrations de l’Europe.

- Europa, Jan Van Kessel (1626-1679 et Erasmus Quellinus (1607-1678).
- Jules de Balincourt, New-Found-Land, 2004. Le peintre observe la société contemporaine et ses réactions face à l’immigration.
- Ian Paterson, Europe (série de photographies, 2003) : des noms de villes inscrits par grattage (intervention à même la pellicule) sur fond de nuages, traçant ainsi un voyage dans le ciel européen.


III – Brève description.

Europa, de Jan Van Kessel (1626-1679 et Erasmus Quellinus (1607-1678), s’intitule en Allemand Der Erdteil Europa.
Ici, il s’agit d’une véritable célébration.
Au centre la ville de Rome (personnages et architecture). Et autour d’elle, une Europe des villes. Sont citées (à partir du haut à gauche et en suivant) : Cracovie, Madrid, Anvers, Paris, Cologne, Amsterdam, Vienne, Lisbonne, Stockholm, Moscou, Venise, Constantinople, Londres, Copenhague, Bruxelles, Prague.
Evidemment, cette liste mérite des commentaires, relatifs à l’époque, au choix du répertoire par villes, et aux villes choisies.
Les figurations y sont celles de la faune et de la flore, de manière privilégiée, puis elles des activités (sur eau, terre et dans l’air), enfin celles de l’urbain.


Conclusion provisoire.

Le thème et le contenu de ce dossier sont lancés. Nous souhaitons le compléter, voire le réorganiser, au fur et à mesure des découvertes et envois de nos lecteurs.
Il sera d’ailleurs, au fur et à mesure, amplifié par des considérations proprement esthétiques.


Christian Ruby

20070307

European Navigator

European Navigator
www.ena.lu/mce.cfm


Vous trouverez sur ce site tout ce que vous voulez savoir sur les cérémonies officielles de l’Union européenne. Ainsi peut-on réfléchir en connaissance de cause à la question des célébrations, commémorations, ou symboles de l’Union.
Par ex. nous reproduisons ci-dessous ce qui concerne l’hymne européen. Il s’agit des propos de Carlo Curti Gialdino.


2. Il Consiglio d’Europa e la scelta dell’inno (1949-1972)

2.1. L’esigenza di un inno europeo

L’inno, accanto alla bandiera, fu considerato, fin dalla costituzione del Consiglio d’Europa, una delle misure concrete suscettibili di rendere manifesta all’opinione pubblica la realtà del processo di unificazione europea. In un rapporto del Segretario generale all’Assemblea consultiva del 1950, infatti, veniva non a caso citato il saggio di Daniel-Rops(15), Drapeau d’Europe ed, in particolare, il passaggio in cui, a proposito della bandiera, si osserva che “Le jour où un hymne européen le saluera comme aujourd’hui l’hymne national salue le drapeau national des divers pays, un grand pas aura été fait dans le sens de l’union nécessaire”(16).

Come accadde per la bandiera, così per l’inno, fin dalla costituzione del Consiglio d’Europa pervennero a Strasburgo da parte di singoli individui(17) ed associazioni suggerimenti volti ad adottare un inno europeo, accompagnati da proposte di testi e di musiche(18). In particolare, il conte Coudenhove-Kalergi propose, nel 1955(19), l’Inno alla gioia della Nona Sinfonia di Beethoven. Questo inno fu cantato il 20 aprile 1959 dal coro di St. Guillaume di Strasburgo in occasione della celebrazione del decimo anniversario del Consiglio d’Europa.

La mancanza di un inno, inteso come simbolo ed espressione della identità e solidarietà europea, si faceva sentire, soprattutto, nel quadro delle manifestazioni di carattere europeo (gemellaggi, giornate dell’Europa, ecc,). Questa necessità venne rafforzata dall’istituzione, nel 1955, da parte dell’Assemblea consultiva del “Prix d’Europe” e dall’attribuzione, a partire dal 1961, dei “Drapeaux d’honneur” ai comuni particolarmente attivi nella diffusione dell’idea europea: si avvertiva in tali occasioni, l’esigenza di far chiudere la cerimonia dall’esecuzione di un inno.

Nel 1961, la sezione belga del Consiglio dei Comuni d’Europa fece incidere e cominciò a diffondere il “Chant européen des Communes”(20). Se il testo del canto si ispirava ai temi dei gemellaggi e della solidarietà tra i comuni, la musica era un adattamento dell’Inno alla gioia di Beethoven(21). Nell’aprile 1961, inoltre, il bollettino della sezione olandese del Movimento europeo pubblicò un articolo sull’inno europeo. Dopo aver mostrato scetticismo sull’ipotesi di creare una musica nuova(22) venne espressa la preferenza per il finale della Music for the Royal Fireworks in re maggiore (1749) di Georg Friedrich Händel. Questa musica, d’altra parte, era stata scelta dalla Direzione della Stampa e dell’Informazione del Consiglio d’Europa come introduzione alle proprie trasmissioni radiofoniche, prima di essere utilizzata dalla radiotelevisione francese come musica di sottofondo per le immagini di De Gaulle(23).

I VII Stati generali del Consiglio dei Comuni d’Europa, svoltisi il 15 ottobre 1964 nel Palazzo dello Sport a Roma rilanciarono l’iniziativa approvando una risoluzione in cui era espresso l’auspicio “qu’un hymne européen soit adopté pour le Conseil de l’Europe et la Communauté européenne”.

C’è da dire che, in quegli anni, l’Inno alla gioiaconobbe una singolare fortuna in Germania, da una parte e dall’altra della cortina di ferro(24). La sua musica non solo era suonata nelle cerimonie ufficiali in entrambe le repubbliche tedesche, la federale e la democratica, ma, anzi, tutte le volte in cui i due Stati presentarono una squadra comune nelle competizioni sportive, ad esempio dalle Olimpiadi invernali di Oslo del 1952 a quelle estive di Tokio del 1964, l’Inno alla gioia fu utilizzato come inno nazionale. Una fortuna, quella dell’Inno alla gioia, che ha accompagnato questa musica in Germania anche durante il Terzo Reich, dato che essa non solo era tra le musiche obbligatorie nel programma musicale del concerto ufficiale per l’anniversario di Hitler(25), era stata suonata nella cerimonia di apertura delle Olimpiadi di Berlino nel 1936 ma, addirittura, era risuonata tristemente nei campi di concentramento tedeschi!(26) La fortuna dell’Inno alla gioia, tuttavia, superò anche i confini tedeschi(27), fino ad essere scelto tra il 1974 ed 1980 come inno nazionale della Rhodesia (oggi Zimbabwe) del regime razzista di Ian Smith(28).

L’Inno alla gioia, infine, conobbe una notevole popolarità quando il quarto (ed il secondo) movimento della Nona Sinfonia costituirono oggetto della novella “A Clockwork Orange” (letteralmente “Un’arancia a orologeria”), scritta nel 1962 da John Anthony Burgess Wilson (1917-1993) e del film “Arancia meccanica”, diretto da Stanley Kubrick nel 1971, pellicola che, di riflesso, diede a Burgess fama mondiale. L’Inno alla gioia, nell’arrangiamento di Wendy (già Walter) Carlos al sintetizzatore elettronico inventato dall’ingegner Robert Moog costituì, infatti, una delle musiche della colonna sonora. Di qui la grande fortuna dell’Inno alla gioia, che è diventato una melodia sulla bocca di tutti, perdendo, tuttavia, la sua personalità di brano coinvolgente, per assumere quella di colonna sonora di film, documentari, spot pubblicitari, manifestazioni sportive e quant’altro(29).

2.2. L’Assemblea consultiva sceglie l’Inno alla gioia

Nelle istanze del Consiglio d’Europa, all’inizio degli anni ’60, lo studio della scelta dell’inno fu affidato alla Commissione dei poteri locali dell’Assemblea consultiva. Tuttavia, i parlamentari, pur riconoscendo non solo l’esigenza ma anche l’urgenza di adottare un inno europeo ebbero notevole difficoltà a raggiungere un accordo sulle procedure da seguire. In particolare, taluni membri avanzarono l’idea di organizzare un concorso, altri vi si opposero sostenendo che sarebbe stato assai difficile effettuare una scelta che avesse trovato tutti d’accordo. Cosicché fu merito, nel dicembre 1969, di una nota del Ministero francese degli affari culturali al Presidente della Commissione per la gestione del territorio ed i poteri locali se la procedura conobbe una accelerazione. L’11 marzo 1971, poi, Kjell T. Evers, presidente della “Table ronde pour la relance de la Journée de l’Europe” e presidente della Conferenza dei poteri locali(30) chiese a René Radius, presidente della Commissione per la gestione del territorio e dei poteri locali che il Consiglio d’Europa istituisse ufficialmente l’inno europeo(31). La richiesta venne esaminata dalla commissione, nella riunione tenuta a Parigi il 22 aprile seguente, in cui venne stabilito un calendario d’urgenza e nominato relatore lo stesso René Radius. Il calendario prevedeva l’immediato deposito di una proposta di risoluzione e la presentazione di un rapporto accompagnato da una raccomandazione che la Commissione permanente avrebbe potuto adottare a nome dell’Assemblea consultiva. La Commissione per la gestione del territorio ed i poteri locali ritenne, infatti, che fosse arrivato il momento di prendere, a livello dell’Assemblea consultiva, una iniziativa mirata all’introduzione progressiva di un vero e proprio inno europeo. La Commissione si divise, peraltro, ancora una volta circa la procedura da seguire. Tre modalità furono prese in considerazione: quella di affidare ad una commissione giudicatrice la scelta fra le circa cinquanta proposte nel frattempo pervenute al Segretariato generale; quella, da tempo in esame, di organizzare un grande concorso europeo aperto a tutti i giovani compositori. Questa modalità, peraltro, poneva problemi non secondari quali, in particolare, i criteri di scelta sia dei componenti la giuria che della melodia. Una terza alternativa cominciò allora a farsi spazio: quella di individuare nell’ambito del patrimonio musicale europeo un compositore ben conosciuto nella sensibilità degli europei. In quest’ottica furono esaminate varie alternative, ciascuna basata sulla prassi che nel frattempo aveva cominciato a formarsi. Le trasmissioni dell’Eurovisione(32) avevano scelto come sigla (in gergo jingle) il rondò del preludio del Te Deum, op. 146, del francese Marc-Antoine Charpentier (1643-1704); le trasmissioni radiofoniche del Consiglio d’Europa alternavano la Music for the Royal Fireworks alla Water Musik, entrambe di Georg Friedrich Händel (1685-1759). Quasi subito, tuttavia, si impose la melodia dell’Inno alla gioia di Beethoven che era stato utilizzato, come si è ricordato, in molteplici occasioni di celebrazioni europee(33).

Se sulla scelta della musica si raggiunse rapidamente il consenso, sul testo dell’Ode di Schiller vi furono varie obiezioni. Si osservò, anzitutto, che essa non sembrava particolarmente adatta alla sensibilità del tempo e, comunque, non era ritenuta idonea a risvegliare la coscienza europea. Nel corso delle riunioni della Commissione, tenutesi nei mesi di aprile e maggio 1971, si decise, pertanto, di rinunciare al testo per non compromettere l’accettazione dell’inno da parte di tutti(34). Fu così che si arrivò, l’8 luglio 1971(35), all’adozione della risoluzione 492 (1971) da parte della Commissione permanente a nome dell’Assemblea consultiva(36), nella riunione che essa tenne a Berlino Ovest nonostante le proteste del governo della Repubblica democratica tedesca. È, pertanto, “à l’ombre du mur de Berlin”(37) che il Consiglio d’Europa adottò l’inno europeo(38).

Nella parte motiva della risoluzione si considera l’opera musicale scelta, non solo rappresentativa del genio d’Europa, ma anche costituente “l’ébauche d’une tradition”(39). Così l’essenza identitaria che viene attribuita all’eredità artistica di Beethoven funge da mezzo per colmare il deficit di radicamento storico della costruzione europea, ancora inesistente o quanto meno precario. La risoluzione, pertanto, propose all’accettazione degli Stati membri come inno europeo “il preludio all’Inno alla gioia, quarto movimento della IX Sinfonia di Beethoven”(40), ne raccomandò l’utilizzazione in tutte le manifestazioni europee, se del caso insieme all’inno nazionale, ed, infine, invitò la Commissione incaricata delle relazioni con i parlamenti nazionali, la Commissione per la gestione del territorio e i poteri locali e la Conferenza europea dei poteri locali ad adottare tutte le misure appropriate per l’attuazione della risoluzione.

2.3. Il Comitato dei Ministri adotta l’Inno alla gioia come inno europeo

È stato rilevato(41) che l’Assemblea non si rivolse al Comitato dei Ministri, probabilmente consapevole che questo passaggio avrebbe potuto comportare un ritardo nella procedura decisionale. Tuttavia, il Comitato dei Ministri ricevette la risoluzione, a titolo di informazione, e dopo aver deciso, in un primo tempo, nel settembre 1971, di limitarsi a “prenderne nota”, nella riunione dell’11-12 gennaio 1972 esaminò specificamente la questione dell’inno ed adottò una decisione formale.

In seno al Comitato taluni delegati, pur esprimendo il proprio accordo di principio su quanto proposto dall’Assemblea, si chiesero se il Comitato fosse competente a prendere una decisione anche per altre organizzazioni europee, dal momento che il Consiglio d’Europa non comprende l’insieme dell’Europa. A questa osservazione il Presidente del Comitato rispose che alla “Table ronde pour la Journée de l’Europe”, svoltasi a Parigi il 16 settembre 1971, le principali organizzazioni europee, compresa la Comunità europea avevano chiesto ai governi di fare il necessario perché l’inno fosse eseguito “dans le maximum possibile de communes, d’écoles et de manifestations, le 5 mai 1972”. Alla luce di ciò il senso della decisione che il Comitato dei Ministri avrebbe dovuto prendere era quello della scelta di un inno da proporre “agli Europei”. Conseguentemente, il Comitato dei Ministri, a livello di delegati, adottò come inno europeo il preludio all’Inno alla gioia, quarto movimento della Nona Sinfonia di Beethoven; decise di raccomandare ai governi rispettivi di prendere le misure necessarie perché l’inno fosse eseguito nel maggior numero di comuni e di scuole in occasione delle manifestazioni del 5 maggio 1972(42) ed approvò il testo di una lettera con la quale il Segretario generale del Consiglio d’Europa avrebbe portato la decisione a conoscenza dei Presidenti e Segretari generali delle Comunità europee e organizzazioni europee intergovernative nonché ai Presidenti e Segretari generali delle organizzazioni aventi statuto consultivo del Consiglio d’Europa(43). Dunque, sotto il profilo formale, l’inno risulta ufficializzato dalla decisione del Comitato dei Ministri.

3. Le Comunità europee e l’adozione dell’inno (1984-1986)

Come per la bandiera, anche per l’inno europeo, i primi passi delle Comunità europee furono assai timidi e poco marcati dall’ufficialità. Questo fu vero per le due bandiere della CECA e per l’emblema dell’Euratom, ma fu ancor più evidente per l’inno. Jacques-René Rabier, che al tempo dirigeva il Servizio dell’informazione dell’Alta Autorità, ha raccontato che un familiare di un dipendente(44) aveva composto un inno, l’Hymne aux Etats-Unis d’Europe, che non aveva alcun valore ufficiale, non essendo stato accettato neppure dall’Alta Autorità. Rabier, tuttavia, riteneva che un inno non fosse soltanto un esercizio di composizione musicale; occorreva, infatti, eseguirlo per sondare la reazione del pubblico nei suoi confronti. Allora ottenne di farlo inserire nel repertorio della “Garde Républicaine” di Paris, nota banda musicale, che lo suonava in occasione delle manifestazioni europee. E così, il 9 maggio 1959, alla fiera di Parigi ci fu una giornata europea e l’inno fu eseguito alla presenza di Enzo Giacchero, il membro dell’Alta Autorità nel cui portafoglio era compresa l’informazione e di Michel Debré, primo ministro del generale De Gaulle(45).

Furono tuttavia i parlamentari a reagire subito dopo l’adozione dell’Inno alla gioia da parte del Consiglio d’Europa. Un parlamentare britannico lanciò la prima iniziativa nel parlamento britannico perché anche le Comunità si dessero un inno e propose di organizzare un concorso(46). Ed anche alle istituzioni comunitarie, in particolare alla Commissione europea, pervennero negli anni varie partiture, musiche e parole scritte da privati cittadini(47).

Anche per l’inno come per la bandiera(48) il catalizzatore politico fu il Comitato “Europa dei cittadini”, istituito il 25-26 giugno 1984 dal Consiglio europeo di Fontainebleau. Infatti, nella sua seconda relazione, il Comitato, considerato che l’“Inno alla gioia viene di fatto eseguito nelle manifestazioni europee” e che anche il Consiglio d’Europa riconosce che “l’inno è rappresentativo dell’idea europea” raccomandò al Consiglio europeo che “questo inno fosse eseguito nelle manifestazioni e cerimonie opportune”(49).

Il Consiglio europeo di Milano del 28 e 29 giugno 1985 approvò le proposte del Comitato Adonnino ed incaricò la Commissione e gli Stati membri, ciascuno nel quadro delle proprie competenze, di prendere le disposizioni necessarie per la loro attuazione.

Il Comitato dei Ministri del Consiglio d’Europa autorizzò il Segretario generale ad informare la Commissione europea che esso aveva preso nota “with satisfaction” delle proposte del Comitato Adonnino e delle decisioni del Consiglio europeo di Milano del 28-29 giugno 1985 e concesse l’uso da parte delle Comunità europee dell’inno (oltre che della bandiera) del Consiglio d’Europa(50).

Anche riguardo all’inno le decisioni politiche furono prese dai responsabili del triangolo istituzionale, il Presidente del Parlamento europeo Pierre Pflimlin, il Presidente della Commissione europea Jacques Delors ed il Presidente pro-tempore del Consiglio, il Ministro degli esteri olandese Hans Van den Brook in occasione del pranzo interistituzionale del 12 marzo 1986. Nella successiva riunione tecnica dei Segretari generali delle istituzioni del 20 marzo 1986 con riguardo all’inno fu preso atto della proposta contenuta nella relazione definitiva del Comitato ad hoc “Europa dei cittadini” (Comitato Adonnino) concernente la scelta del preludio dell’Inno alla gioia del quarto movimento della Nona Sinfonia di Beethoven nell’adattamento di von Karajan pubblicata dall’editore Schott’s di Magonza e si rilevò che questo inno era oggetto di estesa utilizzazione da parte delle istituzioni.

Il 29 maggio 1986 in occasione della cerimonia(51) in cui venne issata per la prima volta la bandiera europea davanti al Palazzo Berlaymont, sede della Commissione europea, l’orchestra degli ottoni del Conservatorio di Bruxelles (sezione fiamminga) suonò l’Inno alla gioia; subito dopo la corale della Comunità diretta dal Maestro Jean Jakus cantò la versione originale in lingua tedesca dell’Ode di Schiller(52).

Da allora il preludio dell’Inno alla gioia è suonato in occasione di celebrazioni europee, da solo o insieme all’inno nazionale del Paese in cui si svolge la manifestazione. Ad esempio, è stato suonato a Bruxelles il 10 luglio 2003 al termine della Convenzione europea che ha approvato il progetto di trattato che istituisce una Costituzione per l’Europa. Inoltre, l’esecuzione dell’Inno alla gioia ha aperto il 3 maggio 2004 a New York il concerto celebrativo dell’allargamento dell’Unione europea svoltosi presso il Palazzo di vetro delle Nazioni Unite nonché è risuonato a Roma, in Campidoglio, il 29 ottobre 2004 all’inizio ed al termine della cerimonia di firma del trattato costituzionale(53).

L’Inno alla gioia, come canto di libertà, è stato anche suonato e cantato in Paesi terzi. Ad esempio, nel 1989 a Pechino nella piazza Tienanmen in segno di protesta; inoltre, la Nona Sinfonia di Beethoven è particolarmente nota in Giappone dove è eseguita nel mese di dicembre come musica ufficiale delle celebrazioni per il nuovo anno. L’inno europeo è stato anche utilizzato in occasione di cerimonie militari, quali, ad esempio, la istituzione di Eurocorps a Strasburgo il 5 novembre 1993(54) ed in talune cerimonie di Euromarfor(55).

[...]


(15) Pseudonimo di Jean-Charles Henry Petiot (1901-1965).
(16) L’estratto del rapporto è citato da C. LAGER, Europe d’azur et d’or, cit., p. 64.
(17) La prima proposta è contenuta in una lettera manoscritta inviata da Jehane-Louis Gaudet, professore di canto a Lione, il 26 agosto 1949 a Paul-Henry Spaak, primo Presidente dell’Assemblea consultiva del Consiglio d’Europa. Il testo inizia con queste parole: “Permettez, je vous prie, à une maman ayant subi toutes sortes d’ennuis lors de la dernière guerre, y compris l’internement (par les Allemands), de vous adresser sa 917° chanson. Ce chant est un hymne qui est un appel à tous les êtres du monde qui désirent la Paix – sans arrière-pensée – et qui songent à se grouper pour former les Etats-Unis d’Europe. Pourquoi n’en feriez vous pas le chant des Nations Unies? Cela donnerait à une femme honnête l’occasion d’arriver à se faire connaître. Ce ne pas si souvent qui cette chose extraordinaire se produit […]”. La lettera era accompagnata dal testo della melodia del “Chant de la Paix di Jehane – Louis Gaudet, Conseil de l’Europe, Assemblée Consultative, R. RADIUS, Rapport sur un hymne européen, doc. 2978, 10 giugno 1971. L’anonimo funzionario del servizio Documentazione e Studi del Consiglio d’Europa, il 7 settembre 1949, ringraziò “Monsieur le Professeur J. L. Gaudet” [!!] a nome del Presidente Spaak, Archivi del Consiglio d’Europa, busta 2912, doc. 3 e 4.
(18) Le proposte presentate comprendevano sia inni solenni che marce trionfali con titoli quali, Hymne de l’Europe unifiée (C. Kahlfuss, 1949), Invocata (H. Horben, 1950), Marche de l’Europe Unie (M. Clavel, 1951) Europa vocata (H. Holenia, 1957), Europa! (P. Krüger), Hymnus europeus, Vereintes Europa, Europe lève-toi! (L. Alban, 1961) An Europa (E. Hohenfeldt e F. Schein, 1953), La Marseillaise de la paix(M. L. Guy, 1953), Paneuropa (C. Falk), Inno all’Europa (F. Durand e A. Autéri Sivori, 1958), L’Européenne (J. Lafont, 1960).
(19) Lettera di R. Coudenhove-Kalergi a Paul M.G. Levy, Berne 3 agosto 1955, Archivi del Consiglio d’Europa, busta 2912, doc. 1. Il conte, scottato dal rifiuto della sua proposta di una giornata dell’Europa, chiedeva a Levy se fosse o meno utile avanzare la proposta di un inno. Levy, il 5 settembre 1955, anzitutto, ritenne che la proposta della Nona Sinfonia fosse eccellente e che il patrocinio del conte non sarebbe stato controproducente. Rilevò, peraltro, che il momento non gli sembrava opportuno e che dell’inno ci si sarebbe occupati dopo l’adozione della bandiera. Invitò, comunque, il conte a “favoriser l’exécution de l’Hymne à la Joie de la 9e symphonie dans toutes les manifestations européennes”, Archivi del Consiglio d’Europa, busta 2912, doc. 2. Al riguardo si può ricordare che Coudenhove-Kalergi aveva fatto eseguire l’Inno alla gioia già in occasione del primo Congresso dell’Unione Paneuropea, riunito a Vienna il 4 ottobre 1926.
(20) Parole di F. Vanden Brande, adattamento musicale di Geo Teirlink.
(21) In un nota indirizzata nel 1963 dalla sezione belga del Consiglio di Comuni d’Europa al Segretariato della Commissione dei poteri locali del Consiglio d’Europa veniva spiegato che “Le choix de l’Ode à la Joie de Beethoven, nous a permis d’éviter les écueils d’un concours dont il aurait sans doute été malaisé de dégager un lauréat unanimement admis. C’est d’ailleurs une mélodie qui a déjà été enseignée dans les écoles bien avant qui il ne fut question au Conseil de l’Europe” (v. la relazione di R. Radius, cit.).
(22) Anche P.M.G. Levy, scrivendo il 3 aprile 1962 a van Aken, Segretario generale del Movimento europeo olandese affermava “Ma propre opinion est qu’il faut éviter de lancer une nouvelle et quelconque musiquette, et que je serais extrêmement favorable à l’adoption de quelques phrases d’une partition connue, comme, par exemple, l’Hymne à la Joie de Beethoven, ou “Royal Fireworks” de Händel. On pourrait y adapter des paroles qui devraient être extrêmement simples et éviter certaines des complications avec lesquelles nos faiseurs d’institutions européennes se torturent trop souvent l’esprit”, Archivi del Consiglio d’Europa, busta 2191, doc. 13.
(23) Lettera di P.M.G. Levy al senatore belga A. Molter, 12 marzo 1962, Archivi del Consiglio d’Europa, busta 2912, doc. 3.
(24) D.B. DENNIS, Beethoven in German Politics, 1870-1989, Yale University Press, New Haven, Conn., 1996.
(25) D.B. DENNIS, Beethoven in German Politics, 1870-1989, cit., p. 162, ricorda che la Nona Sinfonia fu trasmessa in diretta dalla radio tedesca in occasione del compleanno di Hitler nel 1937, diretta da Wilhelm Furtwängler, che si ripetè anche nel 1942. Joseph Goebbels espressamente richiese tale esecuzione convinto che la sinfonia “with its fighting and struggling” riflettesse la capacità di Hitler di assicurare un “triumph and joyous victory”.
(26) E. BUCH, La neuvième de Beethoven, cit. L’Inno alla gioia era stato eseguito al campo di Terezin, presso Praga, nell’aprile 1944 con il pianoforte che assicurava le parti mancanti dell’orchestra. Sempre nel 1944 un coro di bambini ebrei provava nelle latrine del campo di Auschwitz l’Inno alla gioia in vista di un concerto che fu annullato in quanto i piccoli cantanti nel frattempo erano stati trucidati nelle camere a gas (D. SIMON, L’Ode à la Joie. Mise au point, in Mémoire.-Net. Mémoire locale et Seconde Guerre Mondiale, in «http://www.memoire-net.org/artiche.php3?id_article=229». J. SCHMIDT, "Not These Sounds": Beethoven at Mauthausen, in Philosophy and Literature, 2005, pp. 146-163.
(27) E. BUCH, La neuvième de Beethoven, cit., pp. 255-256, il quale ricorda anche che, nel 1967, venne suonato l’Inno alla gioia in occasione dell’inaugurazione del nuovo quartier-generale della N.A.T.O. a Bruxelles. Al giornalista di Der Spiegel, presente alla cerimonia, i servizi stampa della N.A.T.O. precisarono che l’esecuzione non aveva avuto alcun carattere ufficiale; quanto al generale statunitense che presiedeva l’inaugurazione aveva creduto trattarsi dell’inno belga.
(28) Le parole di "Rise of Voices of Rhodesia" furono scritte dalla sudafricana Mary Bloom e vennero scelte in un concorso nazionale.
(29) M. MARCELLI, La Nona Sinfonia di Beethoven. Appassiona il dotto e l’ignorante, in «http://www.akkuaria.com/musica/nona_di_beethoven.htm».
(30) La Conferenza aveva tenuto una riunione a Parigi il 1° febbraio 1971 (presenti il Segretario generale del Consiglio d’Europa e A. Dominicé, Presidente dei delegati dei Ministri) ed aveva convenuto all’unanimità “de l’opportunité d’instituer un hymne européen qui symbolise le mouvement de foi de ses populations en faveur de l’Union européenne”.
(31) Lettera di K.T. Evers a R. Radius, 19 marzo 1971 (doc. AS/LOC (22)37, Archivi del Consiglio d’Europa, busta 2912, n. 14). Nella lettera K.T. Evers segnalava che, ad avviso della conferenza, “dans le cadre de l’édification de l’unité européenne, après l’adoption d’un drapeau européen et l’institution d’une Journée de l’Europe, la question d’un hymne européen se pose d’une manière prioritaire”.
(32) L’European Brodcasting Union/Union Européenne de Radio-Télévision, associazione di categoria senza scopi di lucro tra enti radiotelevisivi, costituita il 12 febbraio 1950, dette vita nel 1954 al circuito dell’Eurovisione.
(33) Paul M.G. Levy, che era stato all’origine della scelta della Music for the Royal Fireworks di Händel, come musica iniziale delle trasmissioni del Consiglio d’Europa, avrebbe voluto che questa melodia fosse adottata anche come inno europeo. Levy non amava l’Inno alla goia, tanto che affermò, intervenendo nel 1990 ad un dibattito a Louvain-la-Neuve, che il Consiglio d’Europa l’aveva adottato “à mon corps défendant si j’ose ainsi m’exprimer…” (F. DASSETTO, M. DUMOULIN, Naissance et développement de l’information européenne, cit., pp. 83-84).
(34) Secondo il Comitato “the works of the 'Ode to Joy' should be replaced later by a genuinely European text that might be selected by competition, but meanwhile Beethoven’s tune could be proposed as a European anthem” (doc. AS/LOC (22) PV 10, punto 4, Archivi del Consiglio d’Europa, busta 2912, doc. 15).
(35) La proposta di risoluzione relativa all’Inno europeo fu presentata da Radius e a. il 13 maggio 1971, Conseil de l’Europe, Assemblée consultative, Documents de Séance, II, 1971, doc. 2957.
(36) Conseil de l’Europe, Assemblée consultative, Textes Adoptés par l’Assemblée, Strasbourg, 1971.
(37) E. BUCH, La neuvième de Beethoven, cit., p. 273.
(38) Vale la pena di ricordare, in questo contesto, che Leonard Bernstein diresse proprio a Berlino il 25 dicembre 1989 un concerto, in occasione della celebrazione della caduta del muro, nel cui programma figurava l’Inno alla gioia. In questa esecuzione Bernstein sostituì la parola “Freude” (“gioia”) con “Freiheit” (“libertà”).
(39) E. BUCH, Parcours et paradoxes de l’Hymne européen, cit., p. 91, osserva che “L’allusion aux quelques exécutions isolées de l’œuvre de Beethoven dans le cadre des manifestations « européennes » peut paraître de peu de poids ; et pourtant, au-delà des avantages pratiques, elle impliquait de manière générale la question de la tradition elle-même. Or c’était là un enjeu crucial pour une construction européenne dont l’un des grands handicaps était d’en manquer, et même d’aller, à certain égards, à l’encontre des existantes”.
(40) La risoluzione fa riferimento al preludio all’Inno alla gioia, intendendo per preludio il brano strumentale della Nona Sinfonia, con funzione prolusiva al coro.
(41) A. LARCHER, Le drapeau de l’Europe et l’hymne européen, cit. pp. 13-14.
(42) Il rappresentante svizzero ricordò che nella Confederazione la competenza a decidere circa l’esecuzione dell’inno nei comuni e nelle scuole è dei cantoni; tuttavia il governo avrebbe indirizzato una raccomandazione ai cantoni. Il rappresentante del Regno Unito osservò, invece, che non è uso in Gran Bretagna eseguire l’inno nazionale o altri inni nelle scuole, motivo per cui le autorità britanniche probabilmente si sarebbero limitate ad informare le scuole e gli enti locali dell’esistenza dell’inno europeo. Il delegato tedesco, infine, rilevò che il suo Governo approvava ogni iniziativa volta a promuovere l’identità europea; tuttavia, non avrebbe potuto prendere posizione senza conoscere le implicazioni finanziarie delle nuove proposte del Segretariato sul bilancio del Consiglio d’Europa (Conseil de l’Europe, Conclusions de la 206e réunion des Délégués, 11 au 12 janvier 1972, punto XXIII, Organisation de la Journée de l’Europe, p. 28).
(43) Il testo della lettera era il seguente : “Le Comité des Ministres, réuni au niveau de ses Délégués, a examiné, lors de sa 106e réunion tenue à Strasbourg du 11 au 18 janvier, la proposition de l’Assemblée relative à l’acceptation par le pays membres comme hymne européen du Prélude à l’Ode à la Joie, 4° mouvement de la IX Symphonie de Beethoven (Résolution 492 de l’Assemblée Consultative) j’ai l’honneur de porter à votre connaissance, qu’a l’unanimité, le Comité des Ministres s’est prononcé en faveur des suggestions de l’Assemblée proposant ainsi cet hymne aux européens. En même temps, il convient d’indiquer que l’Assemblée Consultative a recommandé l’utilisation de cet hymne dans toutes les manifestations de caractère européen, le cas échéant de pair avec l’hymne national des pays respectifs ”.
(44) Si trattava di Michel Roverti, pseudonimo della madre di Nadine Van Helmont, che scrisse la musica e l’orchestrazione, mentre le parole erano di Nadine Van Helmont, Editions Roverti, 30 bis, rue de la Ferme, Neuilly, Paris. Varie lettere di Nadine Van Helmont a Jacques-René Rabier (20 maggio e 1 luglio 1958, 17 settembre 1970, 20 aprile 1971, 31 dicembre 1971 e 14 gennaio 1972 nonchè le risposte di Jacques-René Rabier del 26 aprile 1971 e 26 gennaio 1972 sono conservate nel fondo Robert Pendville presso la Fondation Jean Monnet pour l’Europe, Ferme de Dorigny, Lausanne.
(45) J.-R. Rabier nell’intervento nel 1990 ad un dibattito a Louvain-la-Neuve, in F. DASSETTO, M. DUMOULIN, Naissance et développement de l’information européenne, cit., pp. 83-84. La data indicata da Rabier (1° maggio 1958) è corretta in 9 maggio alla luce delle informazioni di Nadine Van Helmont del 22 gennaio 1997, di cui al Fondo Robert Pendville, alla Fondation Jean Monnet pour l’Europe, Ferme de Dorigny, Lausanne.
(46) In sede di Consiglio d’Europa questa iniziativa fu oggetto di un interrogazione dell’on. Radius ad Antony Royle, rappresentante del Presidente pro-tempore del Comitato dei Ministri. Rispondendo nella sua qualità di ministro britannico Royle ne prese le distanze, ma con prudenza, limitandosi ad affermare che il premier Heath aveva già precisato, rispondendo all’interrogazione parlamentare, di non ritenere opportuno che il governo britannico organizzasse un concorso. Personalmente riteneva logico che le Comunità si dessero un proprio inno ma che al riguardo il governo britannico non aveva una “posizione definitiva” (Council of Europe, Consultative Assembly, Parliamentarian question tabled by M. Radius and reply by Mr. Anthony Royle, Parliamentarian Under-Secretary for Foreign and Commonwealth Affairs of the United Kingdom, representing the Chairman in Office of the Committee of Ministers), seduta del 25 gennaio 1973, Official Reports, AS(24) CR 25, Archivi del Consiglio d’Europa.
(47) Nel fondo Robert Pendville alla Fondation Jean Monnet pour l’Europe, Ferme de Dorigny, Lausanne, sono conservati, infatti, Europe, lève-toi (parole e musica di L. Alban, arrangiamento di J. Rozi, 1961, inviato pure al Consiglio d’Europa), L’Européenne (parole e musica di J. Lafont, 1960, inviato pure al Consiglio d’Europa), Le Chant des Européens (parole e musica di P. Devence, forse uno pseudonimo, 1962), Sur un même chemin… (parole di C. Rehaut, musica di A. Pisart, 1963), Inno europeo dedicato alla memoria di A. Moro (parole e musica di O. di Marzo, 1978), Chant de l’Europe (parole di J.-L. Vallas, musica di Y. Desportes, 1980).
(48) Vedi supra, cap. II, par. 3.6.
(49) Boll. C. E., suppl. 7/85, p. 30.
(50) CM/Del/Concl (86)393, Item 4, p. 13, Archivi del Consiglio d’Europa.
(51) Annunciando la cerimonia il commissario Ripa di Meana aggiunse che sarebbe stato interpretato il preludio dell’Inno alla Gioia di Beethoven “nuovo inno europeo”.
(52) L’orchestra e la corale eseguirono anche un brano di un giovane compositore di Anversa Jan van de Roost; alla cerimonia partecipò, altresì, Sandra Kim, vincitrice del Premio Eurovisione 1986 che interpretò la canzone “J’aime la vie”, simbolo di speranza e di gioventù.
(53) L’Inno alla gioia è stato altresì suonato l’11 dicembre 2001 a Bruxelles sulla Place Schuman, per iniziativa della presidenza belga dell’Unione europea in occasione della commemorazione, a tre mesi dall’evento, degli attacchi terroristici che distrussero a New York le Twin Towers (v. supra, premessa, nota 22).
(54) Armée et Défense, n. 616, nov. dec. 1993, p. 10.
(55) Cols Bleus, n. 2369, 26 ottobre 1996.




20070306

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Bibliographie séléctive.
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de publication et par thématique.
Anne-Marie Autissier.

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20070305

L’histoire franco-allemande

Avant la rentrée scolaire 2006-2007, les Editions Nathan publient pour la France, un manuel d’histoire « franco-allemand », une volonté novatrice qui s’adresse aux classes de terminales Littéraires, Scientifiques et Economiques et Sociales. L’avant-propos du comité scientifique indique l’intention d’élaborer une histoire croisée des deux pays. L’historique de cette démarche est rappelé : « souhait exprimé en janvier 2003 à Berlin par le Parlement franco-allemand des jeunes, réuni dans le cadre de la célébration du quarantième anniversaire du Traité de l’Elysée. » Le cahier des charges prévoit la réalisation de 3 volumes pour chaque niveau du lycée.
Ce livre est le résultat d’une coopération entre responsables ministériels et éditeurs en France et en Allemagne, l’entente a porté sur les textes et le choix des documents en tenant compte des sens différents accordés dans chaque langue, pour des notions essentielles en histoire comme Etat ou Nation.

On note que le premier ouvrage réalisé concerne la période postérieure à 1945, moment qui n’est plus conflictuel et où l’amitié et le dialogue constant permettent une réflexion parallèle de part et d’autre de la frontière devenue espace d’échanges.
Il s’agit ici de réagir à la première lecture, alors que ce livre n’a pas encore été utilisé et que selon l’éditeur, sa parution semble être accueillie favorablement par les enseignants.
En effet, cette proposition pourrait animer les classes d’une dynamique nouvelle. La clarté de l’évolution évènementielle ainsi présentée doit toucher le jeune élève et retenir son intérêt. Le système établi crée un cadre précis et simple, des repères au sein desquels les thèmes nombreux, les documents riches et souvent originaux favorisent la réflexion.
Il est possible de s’attacher à quelques-uns des points forts de l’ouvrage après en avoir présenté l’organisation.

Le titre « L’Europe et le monde depuis 1945 » respecte le programme officiel de Terminales (BO hors Série n°7, 3 octobre 2002 : Programme de l’enseignement de l’histoire et la géographie dans le cycle terminal.) qui progresse selon 3 parties : le monde depuis 1945 puis l’Europe et ensuite la France dans cette même période. Une structure certes logique mais qui entraîne des ruptures et oblige à des rappels constants voire des répétitions. En comparaison, dans ce nouvel ouvrage, en s’attachant à développer la France et l’Allemagne qui à elle seule est un exemple du monde bipolaire, on clarifie. L’histoire générale mondiale n’est pas gommée, les causes et les formes de la Guerre Froide, la confrontation des deux Blocs, les différences idéologiques, sont expliquées.

Ce livre se compose de 5 parties. Les 3 premières proposent un découpage chronologique de l’évolution des relations internationales depuis 1945 = le bilan de l’après guerre1945-1949, permet une réflexion sur les « mémoires » de la Seconde Guerre mondiale ; l’Europe est étudiée dans un monde bipolaire de 1945 à 1989 puis dans un espace globalisé de 1989 à nos jours.
Les 2 autres parties présentent, selon une volonté thématique, les transformations économiques, sociales et culturelles depuis 1945 et une étude comparative entre l’Allemagne et la France.

Une nouvelle place est donnée à la connaissance de l’Allemagne.

Pour étudier la question politique en Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale le document 2, page17, datant du 4 février 1945 : « Réflexions de W. Brandt sur la démocratie » est à retenir. Habituellement les manuels s’attachaient à la victoire des Travaillistes britanniques ou aux résultats du Parti Communiste Français dès les premières élections. Ici l’élan démocratique est aussi illustré par l’étude de la situation en Allemagne où l’éradication du nazisme oblige le peuple à se déterminer pour reconstruire un Etat. Ce débat interne était auparavant ignoré alors que l’étude des Grandes Conférences de 1945 (exemple du dossier pages 28 et 29) traitaient de la tutelle exercée par les quatre puissances.
De même traditionnellement les drames vécus par la population allemande : disparus, déplacés, n’étaient signalés que par de froids tableaux de chiffres ou d’impersonnelles flèches dessinées sur les cartes de l’Europe de 1945. Au contraire pages 26 et 27 est étudiée la présence des 4 puissances occupantes. Dans le document 3, page 27, un habitant témoigne de l’humiliation, de la peur des Allemands et des liens qui pouvaient se créer, malgré tout, avec les soldats vainqueurs, soviétiques ou américains.
La condamnation de l’Allemagne nazie doit rester ferme, cependant il apparaît ici que le recul permet d’entreprendre une histoire croisée des deux anciens ennemis mettant en évidence les limites de l’histoire sanction.

Le chapitre II de la première partie est consacré aux « mémoires » de la Seconde Guerre mondiale il permet, classiquement, l’apprentissage du vocabulaire spécifique : négationnisme, révisionnisme, génocide, crime contre l’humanité, Shoah ou holocauste, sans noter toutefois l’absence de désignation pour les déportés non juifs.
Mais la richesse de ce chapitre réside dans sa problématique. En effet d’une part, la présentation de « mémoires » multiples rappelle l’aspect planétaire du second conflit mondial, d’autre part, elle offre l’avantage de traiter l’évolution sur une cinquantaine d’années sans attendre pour cela la fin du livre. Ainsi est analysé le long processus qui mène à la reconnaissance de la responsabilité nationale, acceptation de la population et aussi des hommes politiques, illustrée par la demande de pardon du chancelier W. Brandt. L’ampleur du débat actuel entre historiens est aussi évoquée, prouvant que dans ce domaine, les Allemands ne parviennent pas à trouver la paix, (l’actualité autour de la publication du dernier livre de Günter Grass, confirme ces difficultés).
Enfin pour conclure sur ce chapitre, il faut signaler ce qui y est sans doute le plus intéressant : l’exposé des « mémoires » différentes dans les 2 Allemagnes aux idéologies contraires.
L’étude de ce thème essentiel donné ici dans sa complexité et sa globalité doit favoriser les interrogations et la réflexion des élèves.

Une présentation bien maîtrisée de la formation de L’Europe.

Au sein de la deuxième partie : « L’Europe dans un monde bipolaire » qui correspond au programme de terminales, sont regroupés 4 points : les relations internationales, la décolonisation, la division de l’Europe puis la construction européenne. La continuité de ces deux derniers chapitres devrait être utile aux jeunes gens qui, euros en poche, ne s’interrogent plus sur l’origine de l’Union Européenne. Ici, l’idée d’Europe, l’unité culturelle, les grands faits historiques des siècles précédents sont rappelés ; les étapes de la construction, les questions de l’élargissement et de l’approfondissement sont présentées sans omettre les crises, les doutes actuels.
L’élève citoyen devrait appréhender avec intérêt la question de l’avenir de cette association régionale dans sa spécificité.

La cinquième partie : « Allemands et Français depuis 1945 » est totalement novatrice.

Les chapitres XIV et XV permettent l’étude politique intérieure de la RFA, la RDA et de la France.
Les similitudes et les particularismes politiques et administratifs des deux démocraties libérales sont opposés aux caractéristiques du régime de type soviétique de la RDA. La chronologie mène à la réunification nationale et à la présentation de ce grand pays retrouvé dans les années 1990-2005.
Le chapitre XVI montre les fortes convergences entre la France et la RFA qui connaissent, au sein du bloc libéral, la même évolution économique : formidable période de croissance après la reconstruction, avant de subir une difficile crise de mutation aujourd’hui. En conséquence le développement d’une « société de consommation » et l’appel à l’immigration sont communs aux deux pays qui apportent cependant des réponses très différentes en matière des législations sociales ou de la naturalisation des étrangers.

Le chapitre XVII permet de s’interroger sur le bilan du partenariat franco-allemand : « un succès exemplaire ? »
Ainsi est développée l’évolution de l’équilibre entre ces deux puissances.
Les deux anciens ennemis, devenus partenaires puis de réels amis dès 1963, connaissent des relations nouvelles depuis 1990. En effet, en participant au cours de l’année 1989 aux conférences « 2+4 » qui acceptent la réunification, la France contribue à offrir à l’Allemagne une place et un rôle nouveaux en Europe. À la fin du XXe siècle, L’Allemagne a regagné son influence dans la Mittle-Europa alors que la France a perdu son empire colonial.
Amitié ne signifie pas fin de la rivalité !

Apprécier la richesse et l’utilité d’un tel ouvrage n’empêche pas d’exprimer deux types de réserve.
Il s’agit d’une part des faiblesses dans la structure.
Il est impératif d’étudier l’Allemagne et la France dans le contexte international, mais cette analyse à deux échelles conduit ici à des redoublements : relations internationales, économie et société, mondialisation et altermondialisation sont traitées successivement à l’échelle planétaire puis européenne. Les professeurs certainement éviteront ces répétitions.
Il faudrait revoir aussi le chapitre XII consacré à la population mondiale. Certes, il permet d’introduire une partie de géographie au sein d’un manuel d’histoire, et a le mérite de rappeler la complémentarité des deux matières. Il devrait pourtant être développé, ainsi remplacerait-il cette question qui figure actuellement dans le programme et le livre de géographie.

Les inspecteurs de l’Education Nationale qui ont participé au comité scientifique pour l’élaboration de ce nouveau livre ont certainement à cœur sa bonne utilisation. Ils influeront sans doute pour apporter quelques aménagements dans les programmes, tels que : accepter qu’un candidat au baccalauréat connaisse mieux les crises de Berlin que celle de Cuba, ou améliorer la partie concernant l’Europe, en première en géographie pour éviter encore une répétition lassante pour les élèves.

La deuxième limite de cet ouvrage porte sur l’aspect culturel.

Bien que ce thème ne soit pas absent, son traitement ne semble pas correspondre aux ambitions du projet global.
« Les transformations culturelles dans le monde depuis 1945 » sont étudiées, un dossier compare « les systèmes éducatifs » , un autre se penche sur « la formation, la jeunesse et la culture au centre de la coopération franco-allemande » et l’existence d’ARTE, chaîne de télévision binationale, est bien sur évoquée.
Mais pour compléter la présentation des liens franco-allemands, il aurait été intéressant de proposer des exemples choisis dans les différents domaines artistiques étudiés dans leur contexte historique.
Ainsi, Hanns Eisler et Bertolt Brecht, réfugiés du nazisme aux Etats-Unis, étaient des amis proches, leur expulsion au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pourrait illustrer les débuts de la Guerre Froide. Leur choix commun de rejoindre la RDA permettrait de traiter l’espoir fondé dans l’engagement communiste à cette période. Non seulement, Eisler et Brecht incarnent une partie de l’histoire allemande, mais en outre, leurs créations enrichissent la culture européenne et française. Les pièces de Brecht et les œuvres d’Eisler sont toujours régulièrement jouées chez nous.
De plus, l’auteur de l’hymne national de la RDA a réalisé entre autres musiques de film, celle du célèbre « Nuit et Brouillard » d’Alain Resnais (il est à noter que la sortie difficile de ce film en France est à juste titre évoquée par un excellent document n°2 page 40). Comme Eisler, beaucoup d’autres compositeurs contemporains allemands : Karlheinz Stockhausen, Heiner Goebbels sont produits fréquemment à l’opéra Bastille ou à la Cité de la Musique à Paris.

De la même manière, on pourrait traiter de la place importante qui est donnée à l’art plastique allemand, au Centre Pompidou ou au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Une fois encore, art ne peut-être séparé de contexte historique : de part et d’autre du Rideau de Fer, il est difficile de s’exprimer après la guerre. Baselitz et Penck tentent d’imposer leur production face au réalisme socialiste en RDA. À l’Ouest après avoir subi l’influence de l’abstraction française, les peintres de la RFA témoignent à leur manière de la prise de conscience par une nouvelle génération de la responsabilité de leur pays. L’œuvre de Joseph Beuys est nourrie de sa propre expérience dans la guerre, le travail de Gerhard Richter à partir d’archives photographiques, traduit de manière plus figurative le poids du passé, le malaise toujours réel à la fin du siècle.

Enfin un produit industriel pourrait-être choisi comme symbole des échanges franco-allemands, il s’agit du mythique appareil photographique Leica. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, les photographes français furent nombreux à l’adopter pour la qualité de ses optiques et sa discrétion. C’est avec ce précieux produit allemand que Henri Cartier-Bresson renouvelle le photojournalisme en France , suivi par exemple des membres des agences MAGNUM ou VIVA.


* * *


Pour conclure par un bilan positif, on peut rappeler que déjà dans l’entre-deux-guerres, le rayonnement culturel de Berlin et de Paris favorisait les échanges entre nos deux pays. Certes, la rupture brutale et violente entraînée par le nazisme et la guerre ne peut-être oubliée, mais elle est aujourd’hui surmontée. Les volontés politiques ont permis des réalisations conjointes. Les populations retrouvent des valeurs communes et reconnaissent leurs mutuelles richesses culturelles, scientifiques, technologiques. Les concordances franco-allemandes découlent du désir de construire ensemble, un avenir européen plus harmonieux.
Aujourd’hui l’élaboration fructueuse d’un manuel scolaire commun, à l’initiative du Parlement franco-allemand des jeunes, prouve l’intensité et la réalité des liens entre les deux Etats. Ces jeunes ont peut-être intuitivement eu conscience que la richesse essentielle de cette étude serait d’être fondée sur les travaux d’historiens des deux pays. Ainsi leur est adressée la somme des recherches, de sensibilités diverses et complémentaires, qui jette une lumière nouvelle sur leur passé et leur présent.
Pourquoi alors ne pas souhaiter que cette entreprise se poursuive, et envisager que de nombreux historiens européens contribuent à l’élaboration d’autres études croisées entre plusieurs pays.
En France, les lycéens appréhendent déjà des études régionales : « La Méditerranée au XIIe siècle » ou « L’Europe en mutation dans la première moitié du XIXe siècle» en classe de seconde. C’est pourquoi, il semble possible de poursuivre ces travaux multipolaires et d’affronter, maintenant, les conflits contemporains et leurs traces : frontières, mémoires, monuments.
Par ailleurs, de nombreuses questions qui ne peuvent être traitées qu’à l’échelle européenne sont étudiées, le plus souvent, à partir de travaux nationaux. Il en est ainsi pour les origines gréco-romaines de notre civilisation ou pour présenter une œuvre transfrontalière au Moyen-Age suivant le cheminement du sculpteur de Sainte-Foy de Conques à Saint Jacques de Compostelle. Mais aussi, lorsqu’il est démontré que la Renaissance, née en Italie, est consécutive de la disparition de l’Empire byzantin ; ou encore, en ce qui concerne la diffusion des « Lumières » jusqu’en Russie et les voyages des artistes européens en Méditerranée au XIXè siècle . Tous ces thèmes mériteraient d’être approfondis et traités selon des études comparatives, celles-ci préciseraient à la fois les correspondances et les caractères nationaux. Ainsi différents historiens européens pourraient démontrer la prégnance de la mythologie grecque en parcourant les collections des musées de l’ensemble de l’Europe, ou l’architecture de la Renaissance, serait étudiée dans sa diversité, sur tout notre continent.
À ce projet, il faudrait ajouter une partie historiographique, elle apparaît indispensable pour préciser les changements politiques et idéologiques.
Ainsi, les travaux des chercheurs de chaque pays, leurs questionnements, leurs propositions complémentaires constitueraient progressivement une œuvre de référence essentielle. Car au-delà des indicateurs géographiques et économiques, c’est bien la connaissance de notre histoire, de notre culture, qui permettra de contribuer efficacement au débat fondamental pour concevoir l’Europe de demain, celui de son identité.
Josette Delluc

20070304

Lieux de mémoire

Ni conclusion ni construction théorique, cette contribution se conçoit plutôt comme un propos d’étape rassemblant des remarques et réflexions issues d’une pratique qui cherchait à être européenne. Travaillant en effet sur les lieux de mémoire – et donc à partir d’une interrogation très française dans ses origines et ses premières expressions –, mais le faisant dans un cadre qui n’est pas français, puisque cette approche est appliquée à l’espace allemand, je m’interroge, avec d’autres collègues européens, sur la question de savoir si la notion de lieux de mémoire peut s’appliquer ailleurs. Il s’agit donc d’une expérience de transfert et d’adaptation qui renvoie à la validité des concepts de départ, au cours de laquelle il est apparu que nombre de sujets ont une dimension transnationale et ne peuvent être vraiment saisis qu’à condition de déborder le cadre national et de se hisser à une dimension véritablement européenne.
Le point de départ est la notion de lieux de mémoire, que Pierre Nora (1984-1992) a popularisée en France – une notion qui, à dire vrai, est beaucoup plus une métaphore qu’un concept et dont le succès tient en partie à l’imprécision. Le lieu de mémoire tel que Pierre Nora l’entend n’est pas simplement le monument ou le site célèbre, mais tout ce qui à un moment donné dans l’histoire d’une collectivité – et selon lui une collectivité nationale – a réussi à cristalliser et à fixer des souvenirs, des émotions et des symboles faisant sens pour le groupe, de façon à en faire des éléments constitutifs d’une mémoire collective. Plus encore que la dimension factuelle et fonctionnelle, la dimension symbolique couplée à des pratiques sociales concrètes fait véritablement le lieu de mémoire. Une étude des lieux de mémoire qui se contenterait de faire ce qui est le plus facile, c’est-à-dire l’historiographie du souvenir d’une notion, ou d’un épisode historique, ou bien l’historiographie des formes de commémoration, ne suffirait pas. Si l’on veut vraiment prendre au sérieux la notion de lieu de mémoire, il faut aller au-delà pour scruter les pratiques sociales, les pratiques symboliques et les interactions entre les formes d’appropriation collectives et les formes d’appropriation individuelles ou particulières.
La notion de lieu de mémoire a eu en France un énorme succès qui a surpris son promoteur. Elle a même fait son entrée dans Le Petit Robert. Ce succès est lié à la passion patrimoniale qui s’est emparée de la France comme des autres pays occidentaux. Mais il est aussi lié au flou de la notion. Tout se passe en effet comme si elle avait pris la suite de ces notions aux évocations multiples et au chatoiement sémantique – telles celles de structure ou encore de mentalité – qu’affectionnent les historiens français et qui, tant qu’elles sont portées par la nouveauté, sont fécondes et permettent l’exploration de nouveaux domaines de recherche – jusqu’au moment où, ayant fait leur temps, on se rend compte qu’elles sont une image, une métaphore, une « notion éponge » comme disent les Allemands, et non pas un concept véritablement opératoire.
1. Quelle mémoire collective européenne ?
Trois entrées sont retenues pour aborder la question de ce qui serait une mémoire collective européenne, tirant leur matériau de trois événements : l’organisation à Berlin d’une exposition intitulée « Les mythes des nations » ; le déroulement à Leipzig d’un séminaire sur « 1968, événement européen » ; et enfin un autre séminaire à Berlin sur les lieux de mémoire allemands et européens.
L’exposition « Les mythes des nations »
Cette première série de remarques s’inspire d’un travail avec une équipe du Musée historique allemand de Berlin qui avait la charge d’une exposition intitulée « Les mythes des nations » (Flacke, 1998 ; François, 2000). Très ambitieuse, cette exposition montée par un musée qui se conçoit lui-même comme un musée européen avait pour objectif de montrer comment à la fin du xixe siècle dix-huit nations se représentaient leur passé, comment dans chacune d’entre elles ceux qui étaient en charge de l’enseignement de l’histoire, mais aussi les peintres d’histoire, les compositeurs d’opéras à sujet historique, ou encore les auteurs de romans historiques, ont représenté le passé de leur pays. Afin de faciliter la comparaison, l’équipe en charge de l’exposition, une équipe européenne, dans laquelle les Allemands étaient en minorité, avait sélectionné pour chacun des pays retenus (de la Russie à l’Allemagne, et de la Norvège à la Grèce) les cinq mythes fondateurs historiques les plus fréquemment évoqués. Idée aussi séduisante que féconde, elle permettait la comparaison et facilitait le travail de rassemblement des tableaux, des statues, des gravures et autres objets présentés dans l’exposition au printemps 1998. De cette expérience on peut tirer une première conclusion forte : mis côte à côte, ces tableaux et autres objets avaient entre eux un air de famille très prononcé. La manière dont les peintres russes représentent les grandes scènes de la mythologie nationale de leur pays diffère très peu dans sa facture de celle des peintres tchèques, néerlandais ou italiens. Ces similitudes ne sont pas simplement formelles ; elles tiennent aussi au fait que, d’un pays à un autre, il y a des thèmes récurrents, comme si finalement tous ceux qui avaient en charge à la fin du xixe siècle de représenter l’histoire de leur pays cherchaient à prouver aux habitants de ces pays comme aux habitants des pays voisins que leur nation était la meilleure nation européenne. D’un pays à l’autre, on pouvait donc reconnaître une dimension européenne très forte, s’exprimant en particulier par la circulation de thèmes communs partout présents. Le thème de la liberté traverse ainsi tous les pays européens, dans sa double dimension d’attachement à l’indépendance et d’attachement aux libertés intérieures – dans la postérité du message de la Révolution française. Il s’agit là d’un thème si puissant qu’on le retrouve, réfracté différemment, dans tous les pays, y compris les pays alors les plus autoritaires : dans l’Empire des tsars, la peinture officielle représente ces derniers comme les défenseurs des libertés du peuple russe, comme s’il fallait légitimer l’autocratie par référence aux valeurs libérales de l’Occident. L’air de famille va au-delà d’une simple apparence extérieure et renvoie à des valeurs communes. Il en est de même pour la religion : chaque nation européenne à la fin du xixe siècle fait une large place au christianisme dans sa mythologie. Elle se présente à la fois comme le peuple élu au sens messianique du terme et comme le meilleur interprète du christianisme. Chacun se réclame donc du christianisme, mais en même temps – et illustrant par la même la difficulté que l’on a à saisir une véritable mémoire européenne – s’empresse de dire que le christianisme n’est véritablement vécu que chez lui. Il souligne chez l’adversaire un christianisme abâtardi, non authentique, dont il faudrait plutôt se méfier. L’intransigeant catholicisme espagnol a un mépris profond pour le catholicisme italien – même si le pape est à Rome – et il en va de même de l’attitude du protestantisme anglais à l’égard du protestantisme allemand. Un troisième exemple pourrait être celui de la Révolution française. Présente dans la mémoire de pratiquement toutes les nations européennes à la fin du xixe siècle, cette Révolution n’est nulle part la même, chacun l’interprétant à sa manière si bien que, selon l’endroit où l’on se situe, cette référence est tantôt positive, tantôt négative. Les valeurs fondatrices dont se réclament les différents pays sont donc bien les mêmes. Pourtant, lorsqu’on cherche à les saisir dans le concret, on ne peut le faire qu’au travers de leur réfraction dans des cadres nationaux et au service d’une histoire particulière – ce qui renvoie à une question plus générale et décisive pour cette réflexion : comment saisir l’unité dans la diversité et l’unité par la diversité qui paraît constitutive de l’Europe d’alors, et d’aujourd’hui ?
« 1968, événement européen »
Le second ensemble d’observations est issu d’un colloque organisé en 1993 à Leipzig avec des collègues de différents pays européens pour travailler autour de la question suivante : peut-on considérer 1968 comme un événement européen, lui-même constitutif d’une mémoire européenne (François, Middell et al., 1997) ? Ici encore, l’air de parenté des différents mouvements de l’année 1968 a paru s’imposer dans un premier temps – un air de parenté si frappant qu’il laissait penser qu’on avait eu affaire en 1968 moins à une simple concomitance qu’à un mouvement européen caractérisé par des circulations très fortes d’un bout à l’autre du continent. La similitude des dynamiques culturelles, sociales et politiques enclenchées par les événements de 1968 frappait aussi les analystes, unanimes à constater que 1968 était un véritable lieu de mémoire dans la mesure où les événements de 1968 ont donné naissance à une génération, qui se définit par rapport à eux, une génération formée essentiellement d’intellectuels occupant aujourd’hui d’importants postes de responsabilités – tels, pour l’Allemagne d’aujourd’hui, le chancelier Gerhard Schröder et, plus encore, le ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer.
Une fois cette parenté constatée, si l’on tente de mieux cerner ce qu’est la génération et la mémoire de 1968, on s’aperçoit de nouveau que tout est brouillé par l’interférence du cadre national. On constate d’abord que dans certains pays il ne s’est rien passé en 1968. Ainsi en est-il, et ce n’est pas le seul cas, de l’ancienne RDA, et pas seulement parce que le pouvoir politique et le pouvoir policier y ont veillé. À côté des pays qui ont vibré très intensément, d’autres sont restés étonnamment calmes et d’autres paraissent même être restés insensibles, ce qui empêche de dire qu’on a eu affaire à un mouvement ayant saisi l’ensemble de l’Europe. Dans le détail, on constate en outre que les chronologies ne sont pas synchrones. En France comme en Allemagne, on parle de mai 1968 ; mais tandis qu’en France la chronologie est très ramassée, avec une montée aux extrêmes due à une politisation très forte en mai 1968 précisément, en Allemagne en revanche, on observe ce que les Italiens appellent le mai rampant, un mai qui démarre dès 1967 et trouve son apogée à l’automne 1968. À cela s’ajoutent à la fois les différences tenant aux intentions des acteurs et l’interférence des mémoires nationales sur les objectifs. Autant l’Europe de l’Ouest voulait faire la révolution, autant l’Europe de l’Est à l’inverse voulait réformer le socialisme de l’intérieur. Dans un cas comme dans l’autre, on se réclamait de Marx, mais certainement pas du même. On s’aperçoit surtout que, dans les différents pays, le poids des mémoires spécifiques et des enjeux de mémoire a été déterminant. Dans le cas de la France, on sait bien que l’imaginaire historique constitué par la prise de la Bastille, les grèves générales de 1936, ou bien encore les barricades – depuis la Fronde jusqu’à la Libération de 1944 –, a joué un rôle déterminant dans le déroulement des événements de mai 1968. Dans l’Allemagne occidentale, les enjeux de mémoire ont été tout aussi importants mais différents : l’essentiel du débat a porté sur la mémoire du nazisme et la question de savoir si, loin d’avoir été exorcisé, le fascisme n’était pas toujours présent, masqué derrière le silence des générations de la reconstruction et les apparences trompeuses de l’ordre démocratique et libéral. En Pologne, enfin, un des grands débats de 1968 a été celui de la place à donner aux Juifs, avec en particulier la politique « antisioniste » du général Moczar – et le soutien que celle-ci a trouvé dans de larges secteurs de l’opinion publique. On se trouve ainsi en face de trois contextes mémoriels différents qui déterminent à leur tour la manière dont a lieu l’événement, et ses répercussions. Alors que dans une approche d’ensemble les éléments de ressemblance et les phénomènes d’interaction l’emportent d’évidence, dans le détail on retrouve la diversité. La dimension européenne de 1968 serait donc à chercher avant tout dans l’interaction entre des processus qui affectent l’ensemble des sociétés européennes de l’Est et de l’Ouest et des contextes particuliers, ce qui fait que ces processus spécifiques sont fortement différenciés, non interchangeables et finalement irréductibles les uns aux autres.
Les lieux de mémoire allemands et européens
Il s’agit enfin d’évoquer les conclusions tirées d’un séminaire animé avec un ami historien allemand, Hagen Schulze, à l’Université libre de Berlin sur les lieux de mémoire allemands et européens, à partir de l’approche de Pierre Nora. À la suite de ce séminaire – où ont pris forme les trois volumes des Deutsche Erinnerungsorte –, nous avons tenté en 1998 d’élargir la perspective, de sortir du cadre de la nation et de nous mettre en quête des lieux de mémoire européens. Avec un groupe d’étudiants très motivés, nous avons ainsi évoqué la mémoire de l’Antiquité, l’Université comme une forme sociale et intellectuelle spécifique de l’Occident puis de l’Europe, la mémoire des croisades et de la confrontation avec l’Islam, la noblesse comme réalité européenne, les révolutions (Révolution française, révolution soviétique), etc. Cette exploration a vite convaincu de l’extrême difficulté de saisir précisément ce qu’il faut entendre par mémoire européenne – et d’abord en raison de problèmes de définitions. Autour de chacun des lieux de mémoire étudiés, on a vu s’articuler des fragments d’une possible mémoire européenne ; mais dès que l’on cherchait à préciser davantage sous forme d’une géographie, réelle ou imaginaire, d’une chronologie, de pratiques identifiables, de milieux porteurs, on se heurtait toujours à des questions auxquelles il était pratiquement impossible d’apporter des réponses satisfaisantes. De quelle Europe parlions-nous : de la vieille chrétienté latine, de l’Europe des nations anciennes et stabilisées, d’une Europe incluant la Russie, du monde occidental et transatlantique ? À la différence de ce qui se passait lorsque ces questions étaient traitées dans un cadre national, deux questions restaient sans véritables réponses : la première avait trait aux milieux porteurs de mémoire – question dont on sait depuis l’enquête pionnière de Maurice Halbwachs (1925) sur Les cadres sociaux de la mémoire à quel point elle est déterminante. Or, en dehors de quelques petits milieux d’intellectuels, qui à des moments variés dans l’histoire de l’Europe se sont interrogés sur la réalité européenne, dans la plupart des cas nous n’arrivions pas à saisir de véritables milieux de mémoire européens. La deuxième question, qui renvoie aussi aux travaux de Maurice Halbwachs (1941), est celle des lieux matériels et symboliques où s’inscrit une mémoire en tant que pratique. Or là aussi, les seuls lieux faciles à saisir sont des lieux de rupture et de conflit – des innombrables champs de bataille à Auschwitz –, comme si l’Europe ne se laissait saisir qu’en creux, dans ses déchirures et non dans ses pleins.
2. Comment appréhender des éléments de mémoire européenne ?
Au contraire de ce constat un peu décevant – peut-être simple conséquence d’un problème mal posé ou de la recherche de réponses à d’insolubles questions –, d’autres fonctionnements peuvent mettre sur la piste d’éléments praticables de mémoire européenne.
Un exemple sans substance : Aix-la-Chapelle et le prix Charlemagne
Écartons d’abord ces lieux de mémoire européens inventés par des politiques ou par des eurocrates animés des meilleures intentions, mais qui sont de pures constructions idéologiques ne renvoyant à rien. Un des grands problèmes auxquels sont confrontés les politiques qui sont en train de construire l’Union européenne est ce qu’ils appellent perpétuellement le déficit d’identité. Ce déficit d’identité découle largement du fait qu’ils imaginent l’Europe comme une sorte de grande nation, et pensent donc qu’on devrait pouvoir retrouver en son sein des structures mémorielles, des institutions de transmission de la mémoire, et des lieux aussi bien pédagogiques que monumentaux, comparables à ceux des États nationaux. Or rien de cela n’existe. D’où, pour lutter contre cet état de fait, toute une série d’initiatives volontaristes d’en haut, dont l’exemple le plus net – et le plus ancien – est sans doute le prix Charlemagne. Ce prix a été créé en 1950 à Aix-la-Chapelle et est décerné chaque année à une personnalité européenne pour récompenser ses mérites. Or quand on examine de près les raisons qui ont conduit à la création de ce prix et la manière dont se déroule son attribution, on discerne une caricature de lieu de mémoire européen. Aix-la-Chapelle a été choisie pour ce prix, dont l’initiative revient aux élites municipales et économiques de la ville, parce que cette dernière est à la jonction entre l’Allemagne, la Belgique et la France – et donc au cœur de l’Europe qui fut le point de départ de la future construction européenne. Le nom donné au prix renvoie à l’idéologie foncièrement démocrate-chrétienne et anticommuniste des fondateurs de l’Union européenne, désireux de légitimer leur projet par référence à un passé glorieux et réinventé, le passé de la chrétienté occidentale réinterprétée comme anticipation de l’Europe en gestation – une motivation dont les promoteurs du prix ne font aucun mystère. La liste des personnalités à qui a été remis le prix est tout aussi éloquente : les lauréats sont en général des hommes politiques en fin de carrière qui ont rendu des services à la construction européenne, personnalités consensuelles qui correspondent bien à la moyenne de la définition de l’Europe occidentale. Cette liste n’offre pas prise à débat. Bref, il s’agit d’un lieu de mémoire neutre, aseptisé, totalement instrumentalisé et sans véritable ancrage, qui est plus un contre-exemple de mémoire européenne qu’un authentique lieu de mémoire européen.
Beaucoup plus porteuses pour le présent, et pour l’avenir, sont ces initiatives qui, en Europe occidentale mais aussi dans l’Europe de l’Est, essayent de saisir ce que pourraient être des morceaux de mémoire européenne dans des lieux de rencontres, des lieux de confrontations, dans des interstices où il y a du jeu, dans une double dimension de conflit et d’invention. Ces lieux sont, en Europe occidentale, les innombrables lieux d’affrontement des nations européennes et les monuments qui les commémorent, ces lieux où chacun s’est battu avec son voisin, au nom d’une certaine conception de la nation, mais aussi au nom d’une certaine conception de l’Europe et de ses valeurs.
Lectures plurielles de mémoires : l’historial de Péronne et l’exposition GrenzenLos à Sarrebruck
L’historial de Péronne ne présente pas une vision unique de la guerre de 1914-1918. Il fait se superposer et se confronter en permanence les perceptions qu’en ont eues Anglais, Allemands et Français. Un lieu donc qui ne propose pas une vision unique et réductrice de la guerre, mais en suggère trois lectures différentes, qui ont toutes la même légitimité et correspondent à autant d’expériences concrètes. Lorsque l’on pénètre dans l’historial de Péronne, la disposition même des vitrines et des objets fait qu’on est immédiatement confronté à la pluralité des perceptions, qu’on ne peut faire autrement que de les saisir en profondeur, dans leurs contradictions et dans leur pluralité, et non pas dans une réduction à l’unité qui est toujours une forme de trahison.
L’exposition a été montée en 1998-1999 par le Musée historique de la Sarre sous le titre GrenzenLos, qui signifie à la fois « Débarrassons-nous des frontières » et « Le sort des frontières » est un autre exemple (Kugler, 1998). À partir de scènes tirées de la vie quotidienne, d’exemples d’itinéraires familiaux, en s’appuyant sur des objets concrets et ordinaires, cette exposition faisait revivre ce qu’avait pu être le tracé des frontières et leur oscillation dans une région contestée entre la France et l’Allemagne, depuis le début du xixe siècle jusqu’au rattachement définitif de la Sarre à la République fédérale en 1956. Non pas une histoire politique par en haut, mais beaucoup plus une histoire subjective, d’en bas, par des itinéraires de familles, par la reconstitution d’arbres généalogiques, par des photos montrant l’inscription des trajectoires de vie des personnes identifiées dans un cadre national ou dans un autre, l’ensemble faisant ressentir ce qu’avait pu représenter le fait de vivre dans ces régions, où on ne peut pas penser l’un sans penser l’autre.
Des lieux de mémoires partagé(e)s, Tannenberg-Grunwald
Lors de l’exposition sur les « mythes des nations », on pouvait être frappé par le grand nombre d’événements et de figures du passé de l’Europe dont plusieurs pays se réclament tout en se les disputant. Il s’agit là au sens propre du terme de « mémoires partagées », c’est-à-dire de mémoires qui partagent et que l’on se partage. Or de tels « lieux de mémoires partagé(e)s » sont légion et rien n’est plus instructif que d’en faire un travail de déconstruction et de reconstruction historique. Ainsi en va-t-il de l’exemple de Tannenberg-Grunwald, lieu de mémoire germano-polonais dont on peut reconstituer toute l’histoire, depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours. En 1410 les chevaliers Teutoniques sont défaits par une armée commandée à la fois par le roi de Pologne Ladislas II Jagellon et le grand-duc de Lituanie : cette défaite a été par la suite réinterprétée dans un sens national, alors qu’au départ il s’agissait d’un conflit sans le moindre enjeu national, entre princes se disputant un même territoire et s’affrontant avec des armées multiethniques, composées dans un camp comme dans l’autre de soldats d’origine slave et germanique.
Sur place, en Pologne, la mémoire de la défaite spectaculaire des chevaliers Teutoniques s’est d’abord transmise sous une forme religieuse et liturgique, par l’intermédiaire de processions rappelant la bataille et de cérémonies célébrant son souvenir à la date anniversaire du 15 juillet. Totalement dépourvue de dimension nationale, cette mémoire liturgique et religieuse est la seule que l’on rencontre jusqu’au début du xixe siècle. Un deuxième temps de la mémoire de la bataille s’ouvre avec le xixe siècle. Il est marqué par sa redécouverte et surtout sa réinterprétation sous le signe du durcissement de l’antagonisme entre Allemagne et Pologne, l’une et l’autre se disputant le même héritage au service de leur cause, l’Allemagne au service de son unité nationale, et la Pologne, privée d’État national et démembrée, au service de la préservation de son identité.
Avec un remarquable parallélisme chronologique, un processus de divergence croissante dans l’interprétation politique, idéologique et nationale du même événement fondateur s’enclenche alors. Du côté prussien, puis allemand, on commence à interpréter la défaite de Tannenberg comme la défaite des Allemands devant les Slaves, et donc comme une humiliation appelant à la revanche. Le grand maître de l’ordre Teutonique est présenté comme un champion de la cause de la germanité assimilée à la cause de l’Europe. Cette réinterprétation culmine avec la restauration, à l’initiative de la monarchie prussienne et sous la conduite de l’architecte Schinkel, de la forteresse des chevaliers Teutoniques de Marienburg (en Prusse occidentale), avec l’édification de statues à la mémoire du grand maître, et surtout avec la publication de toute une série de récits qui glorifient l’héroïsme des chevaliers Teutoniques et appellent à suivre leur exemple, pour que l’Allemagne soit le champion de la civilisation européenne face à la barbarie slave. De la même manière, dans la Pologne divisée en trois du xixe siècle, qui aspire à devenir un État national mais ne le peut puisque la Sainte-Alliance entre l’Autriche, la Russie et la Prusse le lui interdit, il y a création par les intellectuels polonais d’une relecture de Grunwald. Symbole de l’anticipation de la Pologne à ressusciter, Grunwald est lue comme une victoire, rendue possible par l’âge d’or que la Pologne médiévale connaissait alors. Dans cette réinterprétation, les Polonais sont exaltés en tant que véritables héros de la défense de l’Occident, tandis que les Allemands sont présentés comme des barbares – soit une interprétation qui se trouve dans une situation de symétrie renversée par rapport à l’interprétation allemande, alors même que les éléments de départ sont identiques. Dans la Pologne de la seconde moitié du xixe siècle, un grand nombre de romans historiques célèbrent la victoire de Grunwald, le plus célèbre étant en 1900 Les croisés de Henryk Sienkiewicz, futur prix Nobel de littérature. Ce roman fut aussitôt adopté comme livre de lecture dans les écoles polonaises.
Avec la montée de deux mythologies opposées et en même temps semblables, cette double récupération nationale atteint son apogée dans la première moitié du xxe siècle. Du côté allemand, elle s’exprime par la décision – véritable chef-d’œuvre de guerre psychologique – de Ludendorff de donner, à la victoire que les armées allemandes commandées par le maréchal Hindenburg viennent de remporter à la fin du mois d’août 1914 sur les Russes entrés en Prusse orientale, le nom même de Tannenberg. Un parallèle mythique est ainsi établi entre les deux batailles : la victoire de 1914 devient la revanche de la défaite de 1410, en même temps que l’accomplissement du martyre des chevaliers Teutoniques. Sur ces bases s’édifie par la suite le mythe de Hindenburg, un mythe qui se poursuit durant la République de Weimar. Dès 1927, il trouve son aboutissement dans la construction, sur les lieux du champ de bataille, d’un immense mémorial commémorant le combat éternel des Allemands contre les Slaves. Ce mémorial est destiné à devenir en 1935 le lieu de sépulture du maréchal. Du côté polonais, la volonté de venger l’outrage représenté par l’appropriation frauduleuse de Grunwald-Tannenberg en 1914 trouve enfin à s’exprimer après la défaite de l’Allemagne nazie. Dès 1945, le mémorial de Tannenberg est rasé, tandis que ses briques et ses pierres servent à la reconstruction de Varsovie détruite par les armées nazies. Dans toute la Pologne, cette forme de revanche symbolique, de réappropriation et de retournement se prolonge après 1945 avec la multiplication de mémoriaux qui rappellent dans un même mouvement la victoire de 1410 et celle de 1945.
Or, de tout cela, il ne reste pratiquement plus rien aujourd’hui. Avec la chute du Mur, l’effondrement du bloc soviétique, la réunification allemande et la transition démocratique en Pologne, le contexte a été radicalement transformé. La réconciliation entre l’Allemagne et la Pologne est désormais très avancée et, dans les mutations européennes dont nous sommes les témoins, les Polonais ont tout autant besoin de l’Allemagne pour rentrer dans l’Europe politique et économique, que les Allemands ont besoin des Polonais pour assurer la protection des frontières orientales de l’Europe et consommer les produits de leur industrie. Le contexte ayant changé, tout l’imaginaire d’opposition à partir d’un même héritage contesté est devenu obsolète et les monuments sont à l’abandon. Plus personne en Allemagne ne parle de Tannenberg, et si, en Pologne, on continue encore de parler de Grunwald, chaque fois on s’empresse d’ajouter qu’il s’agit là d’une histoire ancienne et révolue, et que l’avenir repose sur la réconciliation et le partenariat entre l’Allemagne et la Pologne. En d’autres termes, on a ici affaire à un véritable cycle mémoriel, comprenant une première strate prénationale à évolution lente, une montée aux extrêmes concomitante de l’affirmation des États nationaux, et enfin, avec l’apuration du contentieux et le bouleversement du contexte d’ensemble, la retombée de ce qui avait pu un temps mobiliser les passions et les opinions publiques, et qui a cessé d’être un enjeu de mémoire.
Cet exemple présenté de manière un peu plus détaillée montre l’intérêt de poursuivre des enquêtes de ce type et de déconstruire les pluralités d’héritages qui sont les nôtres. Mais il rappelle aussi à quel point les mémoires sont des réalités continuellement instrumentalisées, et surtout à quel point le présent est déterminant dans le regard que l’on porte sur le passé. Il n’y a pas une lecture continue de Tannenberg-Grunwald, mais au contraire pluralité de lectures selon les contextes politiques et culturels, et selon les enjeux du présent, car la vision que l’on a du passé est très largement déterminée par les problèmes auxquels on est confronté dans le présent et par les projets d’avenir sur lesquels on s’affronte. Cette observation ne vaut pas seulement pour le cas de la Pologne et de l’Allemagne ; elle vaut tout autant pour la France et l’Allemagne (ainsi de l’exposition de Sarrebruck), ou encore pour la France, l’Allemagne et l’Angleterre (voir le mémorial de Péronne). Si nous pouvons aujourd’hui porter sur nos héritages d’opposition ce regard pluriel, et que nous essayons de faire pluraliste, c’est parce que nous ne sommes plus dans un contexte d’opposition et que tout l’environnement nous porte à le faire. Mais aurions-nous été capables de le faire au lendemain de la guerre de 1914-1918 ? D’ailleurs les historiens sont aussidépendants du contexte dans lequel ils travaillent, et ils n’échappent pas à ses déterminations. Il est facile, et même de bon ton aujourd’hui, de se mettre en quête des mémoires plurielles et des métissages qui sont à l’origine de ce que nous sommes. Mais il suffit de se reporter au contexte qui était celui des oppositions fortes entre les nations avant la guerre de 1914-1918 ou même encore entre les deux guerres, pour voir aussitôt en quoi ce contexte différent a pu déterminer le travail des historiens – y compris des plus scrupuleux et des plus érudits d’entre eux. On en donne un seul exemple, emprunté aux recherches menées sur l’histoire du protestantisme en France entre 1870 et 1914. Pour la majorité des historiens de cette époque, la priorité était de montrer que l’histoire du protestantisme en France était une histoire essentiellement française, qui ne devait pratiquement rien à Luther. Car dire du protestantisme en France qu’il trouvait ses origines chez Luther, c’était en faire un cheval de Troie de l’ennemi héréditaire allemand – et donc le condamner. D’où l’exaltation de la figure de Calvin que l’on constate alors, l’accent mis sur l’originalité de sa pensée théologique par rapport à celle de Luther, la mise en évidence de l’originalité de la Réforme en France. Rares ont été les historiens qui ont su résister à cette emprise – qu’il s’agisse de Marc Bloch, promoteur de l’histoire européenne comparée, ou de Lucien Febvre qui, nommé comme lui professeur à l’université de Strasbourg après 1918, publiera son beau livre sur le Rhin (Demangeon, Febvre, 1935). Ce livre, à bien des égards un essai sur les mémoires du Rhin, montre que ce fleuve a d’abord été un fleuve de réunion, de brassage, de circulation et que, s’il a été frontière, c’est au sens de lieu de passage, beaucoup plus qu’au sens de lieu de séparation – la frontière comme couture bien plus que comme coupure.
Mémoires de frontière, interstices de conflit et d’invention : PrzemyÊl
Un dernier exemple, emprunté au présent, sert à montrer comment se passent les choses là où les débats ne sont plus simplement des débats d’historiens, mais engagent des secteurs plus importants de la population, autour de véritables enjeux politiques et idéologiques. Cet exemple est celui de la ville polonaise de PrzemyÊl, située à la frontière entre la Pologne et l’Ukraine, et dont l’anthropologue anglais Chris Hann (1998) a remarquablement analysé les tensions et les conflits. À côté d’une majorité polonaise, cette ville a la particularité d’abriter également une minorité gréco-catholique, les uniates, qui, malgré les persécutions de l’époque communiste, est réapparue au grand jour après 1989 et a demandé qu’on lui restitue les églises qui étaient les siennes avant la guerre. Au cœur du contentieux : la demande de restitution de l’ancienne cathédrale attribuée par le régime communiste à un ordre religieux catholique romain. Or, alors même que la doctrine officielle en Pologne est celle de la reconnaissance du pluralisme religieux, et en dépit du soutien apporté par le pape Jean-Paul II aux uniates, cette demande de restitution a fait l’objet d’oppositions très vives. Finalement ce sont les plus durs, hostiles à toute restitution, qui l’ont emporté. Alors que les radicaux qui ont fait obstacle à la rétrocession de la cathédrale aux uniates sont très peu nombreux, pourquoi cette victoire de l’intransigeance ? Pourquoi la complaisance tacite de la municipalité qui accepte les coups de force de cette minorité et ensuite les ratifie administrativement ? Pourquoi ces conflits violents au terme desquels l’emporte, contre toute attente, une minorité intégriste qui se réclame d’une conception exclusive et purement ethnique de la nation polonaise ?
La première raison que l’on pourrait tenter d’invoquer est l’intensité des conflits de mémoire. De fait, la région de PrezmyÊl, la Galicie, a eu une histoire récente mouvementée et tragique, marquée par des conflits sanglants. On évoque les affrontements entre nationalistes polonais et ukrainiens au lendemain de la guerre de 1914-1918, d’autant plus violents que les enjeux nationaux et les enjeux confessionnels se recoupaient pratiquement à l’identique. Lorsqu’on dit de quelqu’un qu’il est gréco-catholique, cela veut dire qu’il est ukrainien, et de quelqu’un qu’il est catholique romain, cela veut dire qu’il est polonais. On rappelle la réactivation de tous ces conflits pendant la Seconde Guerre mondiale, les occupants allemands prenant le parti des Ukrainiens contre les Polonais. On note enfin les affrontements qui se prolongent après 1945 avec une résistance armée ukrainienne sur place, puis des mesures répressives très brutales prises par les autorités de la Pologne socialiste pour mettre fin à cette guérilla. Ces mesures de purification ethnique entraînent la dissémination forcée des populations ukrainiennes du Sud-Est à travers toute la Pologne, de sorte qu’il n’y ait jamais plus de deux ou trois familles ukrainiennes dans un village ; l’implantation des Ukrainiens déportés, de préférence, dans la partie occidentale de la Pologne, c’est-à-dire dans les anciennes terres allemandes elles-mêmes habitées par des Polonais expulsés d’Ukraine, etc.
Mais pour importants que soient ces conflits de mémoire, Chris Hann constate qu’ils ne suffisent pas à rendre compte de la violence des affrontements. Les véritables raisons – rarement avouées – sont à chercher du côté des questions ouvertes sur le présent et sur l’avenir, auxquelles pour l’instant la Pologne n’a pas encore apporté de réponse claire. Ces questions sont de deux ordres. La première – de portée plus générale – porte sur la définition de la nation polonaise. La nation polonaise de 1989 est l’héritière des purifications ethniques de la Sconde Guerre mondiale et de l’immédiat après-guerre. Les Juifs ayant été massacrés par les Allemands, les Allemands expulsés à la fin de la guerre et les quelques Ukrainiens survivants dispersés à travers l’espace polonais pour qu’ils deviennent eux-mêmes des Polonais, la Pologne des années 80 était un des pays européens les plus homogènes éthniquement avec seulement 1 % de minorité nationale. Correspond-il pour autant à une réalité authentique ? Que faire surtout lorsque cette apparente uniformisation de la Pologne sous le signe de l’homogénéité ethnique, du catholicisme triomphant et du socialisme (les deux se définissant l’un par rapport à l’autre) est doublement remise en question, par la réapparition de minorités que l’on croyait totalement résorbées et par les valeurs de pluralisme de l’Europe occidentale à laquelle on cherche à adhérer ? En d’autres termes, que faire de la définition de la nation polonaise héritée de l’histoire récente ? Peut-elle être conservée ou ne doit-elle pas plutôt céder la place à une nouvelle définition adaptée aux enjeux du présent et de l’avenir ? La seconde question, propre à PrezmyÊl et à sa région, est celle des rapports à entretenir avec l’Ukraine et les Ukrainiens. En effet, PrezmyÊl est une ville frontière, située dans une région pauvre de la Pologne, et qui vit essentiellement du marché noir et du trafic avec les Ukrainiens. On estime que le tiers des ressources des habitants de la région en proviendrait. Or les Ukrainiens sont à la fois indispensables à la survie économique de la Galicie, et méprisés et récusés. Comment donc se situer face à ces derniers ? Comment concevoir la frontière avec l’Ukraine ? Doit-elle être une frontière hermétique comme le voudrait la définition de la nation héritée de l’après-guerre – avec tous les risques de crise économique qui en découleraient –, ou doit-elle être au contraire une frontière perméable pour garantir les bénéfices qu’on en retire – avec tous les risques de remise en cause identitaire qui en découlent ? Liées l’une à l’autre, ces deux questions ne sont plus simplement des questions de mémoire ; elles sont avant tout des questions politiques qui touchent au présent et à l’avenir, à la définition de l’espace régional et à l’inscription dans un espace plus général. C’est par rapport à elles que se comprend la réactivation des conflits de mémoire.

Au terme de cette contribution, les questions sont plus nombreuses que les réponses. Elles portent à la fois sur les approches et les méthodes à mettre en œuvre pour essayer de saisir ce que peut être une mémoire européenne – si tant est qu’elle existe –, et sur les liens qui existent entre enjeux de mémoire d’un côté et choix de présent et de futur de l’autre. Quand et en quoi le passé détermine-t-il le présent ? Quand et en quoi est-il une ressource dans laquelle on va chercher les références et arguments qui permettront de mieux mener les combats du présent et de l’avenir ? Quand et en quoi la présence du passé, c’est-à-dire la mémoire, est-elle poids, pour reprendre l’excellente formule de Marie-Claire Lavabre (1991) ? Quand et en quoi est-elle choix ? Telles sont les questions auxquelles nous sommes tous confrontés à des titres divers – en tant que chercheurs et en tant que citoyens – et auxquelles il est souvent bien difficile de répondre. Le défi est d’importance, mais nous devons savoir le relever. Car – pour citer encore une fois Pierre Nora – « si la mémoire divise, l’histoire rassemble ».
Etienne François


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(1) Nous remercions chaleureusement l’auteur et l’éditeur de nous avoir autorisés à publier ce texte que nos lecteurs peuvent trouver en version papier dans Territoires d’Europe, la différence en partage, Sous la direction de Violette Rey et Thérèse Saint-Julien, Lyon, ENS-Editions, 2005. Outre l’article reproduit ci-dessus, cet ouvrage offre à la lecture une palette complète de réflexions sur la question des territoires, en multipliant les champs de recherche et les exemples d’exploration.